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Critiques

Minus, Lapsus et Mordicus Nous parlons tous latin sans le savoir, Henriette Walter

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 09 Octobre 2015. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Points

Minus, Lapsus et Mordicus Nous parlons tous latin sans le savoir, septembre 2015, 432 pages, 8 € . Ecrivain(s): Henriette Walter Edition: Points

 

Consigne de lecture : dénombrer les mots latins, en ce inclus une recomposition tardive plaisante, que contiennent les deux paragraphes suivants :

« Au milieu du campus, près du muséum, et devant notre sponsor, j’avais soutenu mordicus qu’au dernier palmarès, notre duo avait été classé ex-aequo avec celui d’un quidam qui était au summum de sa renommée, mais qui se trouvait là incognito. Malheureusement pour nous, ce dernier, dans un rictus peu amical, nous montra illico son agenda et une série de prospectus spécifiant qu’à l’issue d’un long processus, c’était lui qui avait été déclaré in extremis l’as de la catégorie senior car son curriculum vitae était vraiment super.

Mais motus et bouche cousue ! Personne ne doit se douter que nous n’avons eu qu’un accessit ».

Mā, Hubert Haddad

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Jeudi, 08 Octobre 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Zulma

Mā, septembre 2015, 256 pages, 18 € . Ecrivain(s): Hubert Haddad Edition: Zulma

 

« Toute richesse n’est que rosée sous le vent… »

Si l’auteur ne fait référence qu’une seule fois dans son ouvrage à son titre, Mā, sur une feuille de papier blanc, écrit d’un geste élégant par une radieuse et belle jeune fille, couvrant ainsi chaque ligne d’encre et ouvrant l’espace bien au-delà de l’intuition immédiate de la totalité, ne faut-il pas y voir pour l’auteur l’impermanence de la singularité du savoir au regard de la réalisation simple des choses de la vie ? Ne suffit-il pas d’un geste, un regard, une pensée, l’éventail des intervalles dans l’intimité de l’être pour unir ce qui sépare, comme pour mieux comprendre que la forme n’est que vide et que le vide n’est que forme, n’est-ce pas alors cela le pur éveil ?

Mais la vie, à quoi peut-on la comparer ? : « À la goutte de rosée secouée du bec de l’oiseau aquatique et sur quoi vient luire un reflet de lune… Si blancs que soient ces champs, si pur que soit un cœur, nous agissons toujours à tâtons, dans d’insondables ténèbres.

Où trouver la vérité ? La neige tombe et tourbillonne ».

La barbe ensanglantée, Daniel Galera

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 08 Octobre 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Langue portugaise, Roman, Gallimard

La barbe ensanglantée, mars 2015, traduit du portugais (Brésil) par Maryvonne Lapouge-Pettorelli, 512 pages, 24,90 € . Ecrivain(s): Daniel Galera Edition: Gallimard

 

Fascinant ce roman, et puissant, il se déroule de façon un peu heurtée parfois, ou bien cela vient peut-être de la traduction, mais très vite on se retrouve comme hypnotisé par son mouvement, un balancement entre ressac océanique et l’ondulation du serpent.

Le personnage principal n’est pas le narrateur et on ne connaîtra pas son nom. L’auteur use de la troisième personne pour en parler, mais pourtant très vite on a vraiment l’impression d’être à l’intérieur de sa tête. Déboussolé par la perte de sa petite amie qui l’a quitté pour son frère, à qui il ne veut pas pardonner cette trahison, puis par le suicide de leur père, dont lui seul a été prévenu par le père en personne, qui l’a fait venir juste avant de passer à l’acte, pour lui faire promettre de faire piquer sa vieille chienne, pour qu’elle ne souffre pas de son départ. Et qui a remis aussi sur le tapis le mystère de la disparition de son père à lui, le grand-père donc du personnage principal, qui aurait été assassiné dans une petite commune au bord de l’océan au sud du pays.

Un cheval entre dans un bar, David Grossman

Ecrit par Anne Morin , le Mercredi, 07 Octobre 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Seuil, La rentrée littéraire, Israël

Un cheval entre dans un bar, août 2015, traduit de l’hébreu par Nicolas Weill, 228 pages, 19 € . Ecrivain(s): David Grossman Edition: Seuil

 

Qui n’a jamais vu un humoriste se pencher en bord de scène pour apostropher un ou plusieurs spectateurs qu’il ne « lâchera » plus de tout le spectacle ?

Dans la plus pure tradition du one man show, Dovalé harponne le public de la salle minable où il se produit pour un spectacle dont on apprendra que c’est le dernier : « Je vous offrirai un pot-pourri de mes vingt dernières années de carrière, comme c’était pas écrit dans l’annonce » (p.33).

C’est aussi le jour de son anniversaire. Peu à peu, son numéro de « clown » se délite. Un homme est là, dans la salle, invité par l’humoriste qui a suivi sa trace pendant des années (il a cinquante-sept ans), un ancien camarade de classe perdu de vue et retrouvé dans un camp de jeunesse, puis à nouveau emporté par la vie. Ironie du sort ? C’est un juge que Dovalé a invité là en lui demandant de lui dire, très précisément, comment il se tire de son spectacle, ce que les autres en face, le public et plus particulièrement lui, le juge à la retraite, renvoient de lui et ce qu’il retourne aux autres :

La maladroite, Alexandre Seurat (2ème article)

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 07 Octobre 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Le Rouergue

La maladroite, août 2015, 112 pages, 13,80 € . Ecrivain(s): Alexandre Seurat Edition: Le Rouergue

 

Voici un premier roman dont l’éditeur nous dit qu’il est d’une rare nécessité. On peut être d’accord en précisant qu’il s’agit plus d’une nécessité sociale que littéraire, sans rien enlever à ses qualités ni à la cohérence du projet et de la voix qui l’animent.

Entre narration, confession et rapport administratif, La maladroite est le récit d’une vie d’enfant qui n’était « pas faite pour vivre », qui semblait condamnée avant même que de naître par les histoires qui l’ont précédée, par le nom même qu’elle porte : Diana. Un nom de princesse qui n’était pas vraiment à sa place et qui disparaîtra dans un tunnel.

Ce qui est en effet terrible dans le drame de La maladroite – et qui peut rendre ce récit nécessaire – c’est l’impuissance de celles et ceux que Diana touchent mais qui ne sauront ni ne pourront l’aider, quelle que soit la place qu’ils occupent dans sa vie qui ne cesse de fuir, d’échapper aux autres, soumise à une famille effrayante et si banale. Il y a sans doute beaucoup de petites Diana autour de nous, que nous ne savons voir, que nous ne savons entendre, et que l’on ne sait préserver ni même écarter du danger qui les menace.