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Critiques

Connaître et apprécier, Guillermo De La Roca

Ecrit par Marc Ossorguine , le Samedi, 03 Octobre 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Amérique Latine, Nouvelles

Connaître et apprécier, PhB éditions, Chroniques du ça et du là, 2013, 160 pages . Ecrivain(s): Guillermo De La Roca

 

Né en 1929 en Argentine, Guillermo de La Roca est peut-être plus connu comme musicien que comme écrivain, du moins pour ceux qui s’intéressent à la musique andine qu’il pratique et qui l’a amené à jouer avec quelques groupes de renommée (Los Calchakis, par exemple).

Ce recueil de nouvelles, dont le titre, Connaître et apprécier, semble un programme, a été publié en 2013 par les éditions PhB et nous permet de découvrir un écrivain méconnu, pour ne pas dire inconnu, qui mérite que l’on porte plus d’attention à son travail. Au fil des 16 nouvelles du recueil, nous découvrons en effet une voix qui sait jouer d’une ironie séduisante au travers des territoires de l’imaginaire, des mythes et des croyances, de la rationalité. On craint parfois de glisser dans un registre et une sensibilité « new age » dont on peut penser qu’elle est « hors d’âge », pour ne pas dire suspecte, mais non. Ce qui se déploie au fil des pages est d’un autre ordre.

La dernière nuit du Raïs, Yasmina Khadra

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Samedi, 03 Octobre 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Maghreb, La rentrée littéraire, Julliard

La dernière nuit du Raïs, août 2015, 216 pages, 18 € Edition: Julliard

Les personnages de dictateurs attirent particulièrement les écrivains car ils constituent un terrain d’investigation psychologique sur trame historique tout à fait intéressant. Yasmina Khadra prend ici la plume à la première personne du singulier pour entrer dans l’intimité du Raïs Mouammar Khadafi, dirigeant libyen de 1969 à 2011, au cours de sa dernière nuit de pouvoir et de vie.

Au cours de la nuit du 20 novembre 2011, le « Frère Guide » est assassiné par les rebelles dans les environs de Syrte au terme d’une guerre civile sanglante. Ces dernières heures sont l’occasion pour le Bédouin paranoïaque, le militaire névrosé, le tyran mégalomane, de faire un bilan rétrospectif de sa vie et de clarifier pour le lecteur les origines d’une barbarie que, aveugle à lui-même, il ne s’avoue jamais, sauf peut-être à demi-mot dans les dernières pages du livre. « Mais il est trop tard ».

Sont ainsi révélés quelques-uns des secrets essentiels qui fondent les besoins pathologiques dont cet homme, en tant qu’incarnation prototypique du Dictateur, est pourvu : besoin de séduire et de posséder les femmes – toutes les femmes, du moins toutes celles qu’il voit et qui lui plaisent, quel que soit leur statut –, besoin de dominer les hommes, tous les hommes, jusqu’à faire peur à l’ensemble du monde, debout et tapotant sur son pupitre à l’ONU pour faire taire les dirigeants.

Kirinyaga, Mike Resnick

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 02 Octobre 2015. , dans Critiques, Les Livres, Science-fiction, La Une Livres, USA, Roman, Denoël

Kirinyaga, juin 2015, trad. de l’anglais (USA) par Olivier Deparis et Pierre-Paul Durastanti, 416 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Mike Resnick Edition: Denoël

 

Qu’ont en commun Les Seigneurs de l’Instrumentalité, L’Histoire du Futur, Chroniques Martiennes, Fondation, et Demain les Chiens ? Ce sont des romans de science-fiction dont chaque chapitre peut être lu comme une nouvelle indépendante des autres, autrement dit des fix-up, technique que ce genre semble le seul à avoir développé, technique dont s’est servi Mike Resnick (1942) pour son déjà multi-primé Kirinyaga, réédité augmenté de la longue novella Kilimandjaro.

Kirinyaga est le nom donné par les Kikuyus au mont Kenya ; c’est aussi le nom de leur « utopie », un planétoïde en orbite autour de la Terre terraformé de façon à ressembler aux savanes sèches sur lesquelles ce peuple élevait ses troupeaux et cultivait ses champs il y a de ça longtemps – puisque l’action débute, dans la nouvelle-prologue, en 2123, le jour où Koriba, futur mundumugu (un rôle à mi-chemin entre le prêtre et le sorcier) de Kirinaya, quitte un Kenya devenu à ses yeux européen pour rejoindre son peuple renouvelé.

Fragments d’une traque amoureuse, Fleur Zieleskiewicz

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Vendredi, 02 Octobre 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Fragments d’une traque amoureuse, éd. L’Editeur, mai 2015, 228 pages, 16 € . Ecrivain(s): Fleur Zieleskiewicz

 

Si le titre Fragments d’une traque amoureuse semble faire un clin d’œil aux Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes et en être l’adaptation Web 3.0, toute ressemblance avec l’original est trompeuse. Il s’agit plutôt d’une nouvelle tendance stylistique chez les écrivains ex-publicitaires consistant à utiliser un remake des titres notoires pour attirer l’œil, comme en témoigne le dernier ouvrage de Beigbeder Conversations d’un enfant du siècle, qui rime formidablement bien avec La confession d’un enfant du siècle d’Alfred de Musset. Bref, il faut admettre que ce premier roman de Fleur Zieleskiewicz commence de façon originale. Cette promesse tient jusqu’au bout puisque ce roman raconte un amour déçu au rythme très fragmenté de la traversée d’une dizaine d’aéroports. En cela, on peut reconnaître une point commun avec Roland Barthes car l’auteure y partage une vision très « fragmentée, discontinue et papillonnante » de l’amour.

Avertissement avant le décollage : c’est un livre qui se lit avec des écouteurs (la bande son est annoncée dès la première page) et en mode web full service avec le site web fleurz.com, Facebook, Twitter et Instagram… Vous avez de quoi traquer l’auteure sur tous les réseaux sociaux. Assurément moderne et ultraconnectée, l’histoire peut donc se lire de deux façons :

Journal (1987-2012), Michel Chaillou

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 24 Septembre 2015. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Fayard

Journal (1987-2012), avril 2015, préface de Jean Védrines, 544 pages, 24 € . Ecrivain(s): Michel Chaillou Edition: Fayard

 

« Début d’une volonté de tenir un journal. Temps d’acier froid. Je cherche la construction de L’Islande. Ai pris le bus long de Seine. Un jeune homme mâchait un début de vie chewing-gum. Ai croisé Jorge Semprun. Cheveux blancs, bel imperméable. Son œil m’identifia légèrement ».

« Il va être 18 heures. David improvise au piano dans le salon. J’essaie de me remettre à L’Hypothèse. J’en suis à la page 42. Il me faut déguiser le sujet, ne jamais l’avouer, sauf dans les dernières pages ».

Vingt-cinq ans séparent ces deux impressions littéraires, vingt-cinq ans d’un Journal romanesque et sentimental que l’on découvre aujourd’hui avec bonheur et surprise. Michel Chaillou, l’œil vif, le corps attentif à ce qu’il vit et à ce qu’il voit, à ce qu’il imagine, nourrit ses fictions et s’en nourrit jour après jour. Vingt-cinq ans de courtes notations, d’évocations, de brèves remarques météorologiques : – Il pleut. Soleil, temps vif qui agace le sang – mais aussi familiales : jeunesse de David, musicien en devenir et futur compositeur – un Journal sert-il à faire ses gammes ? –, fidélité réciproque à Michèle, troisième œil du manuscrit.