Identification

Critiques

Maison de famille, Sophie Stern

Ecrit par Anne Morin , le Lundi, 31 Août 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Maison de famille, éd. Avant-Propos, coll. Matanel, juin 2015, 270 pages, 20,95 € . Ecrivain(s): Sophie Stern

 

Elsa Fischer, revenant d’un colloque au bout du monde, se retrouve comme malgré elle, et sans bien savoir comment, dans cette maison de famille devenue maison de vacances, puis à l’abandon, comme dans une parenthèse – un temps de pause –, pour y affronter la lettre de son compagnon, trouvée sur un meuble à son retour, et qu’elle croit être l’annonce de leur rupture : « Une enveloppe blanche l’attend, discrète, sur son bureau. …(?)… Elle semble glacée, pétrifiée par la découverte de cette simple enveloppe qu’elle ne ramasse pas tout de suite, n’ouvre pas encore. Son regard se perd dans une rêverie d’emblée mélancolique, comme si elle devinait son motif, et qu’elle venait de se heurter en un quart de seconde à une lourde grille de fer » (p.14).

Ce roman ? Un livre de souvenir, et d’oubli, d’effacement du temps et de réconciliation. Etre avec soi, et hors de soi, dans ce lieu propice au souvenir, précaire et à la fois solide, durable car délaissé, bientôt vendu, que fut la maison de famille devenue maison de vacances à l’occupation aléatoire, lieu repoussoir et magnétique, de cristallisation et de précipité des émotions :

Retour à Berratham, Laurent Mauvignier

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 29 Août 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Les éditions de Minuit, Théâtre

Retour à Berratham, juin 2015, 80 pages, 9,50 € . Ecrivain(s): Laurent Mauvignier Edition: Les éditions de Minuit

 

« – Ils lui ont dit qu’avant d’arriver sur la place, il pourrait faire le tour du cimetière, mais que le contourner lui prendrait un temps trop long et qu’il ferait mieux de le traverser. C’est ce qu’il fait maintenant, et il s’étonne de ce que le cimetière ne ressemble pas à celui qu’il venait visiter autrefois en famille. Il se souvient de l’ordre et de ce calme, de la tranquillité et du respect qu’on avait en ce temps-là pour les morts ».

Retour à Berratham s’installe dans un paysage après la bataille, le terrain romanesque de la dévastation. Les maisons et les chemins, le cimetière, les corps et les âmes, où passe le jeune homme. Il revient sur les lieux du crime et de l’abandon, sur le terrain de la douleur et de la souffrance. Les visages, les mots, les souvenirs, les odeurs enflent à mesure qu’il parle et qu’on lui parle. Au théâtre, le lieu où naît la parole est toujours une énigme. D’où vient-elle ? Pourquoi est-elle là sur le plateau face à nous ? Comment se glisse-t-elle des pages à nos yeux ? Dans ce petit livre, la parole des narrateurs (les chœurs) est tout aussi romanesque que les dialogues échangés entre le jeune homme, Katja, Karl, l’homme au chapeau. Elle est la raison du roman, son équilibre, ses piliers, mais aussi son écho qui ne cesse de rebondir.

Les maquisards, Hemley Boum

Ecrit par Theo Ananissoh , le Samedi, 29 Août 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Afrique, Roman, La Cheminante

Les maquisards, mars 2015, 384 pages, 22 € . Ecrivain(s): Hemley Boum Edition: La Cheminante

 

Une courte préface pour situer le sujet du roman.

En gros, dans l’histoire des décolonisations en Afrique noire, les colonisateurs anglo-saxons ont fait avec les leaders indépendantistes. Mugabe, chef d’une armée de libération, faisait la navette à la fin des années soixante-dix entre la Rhodésie du Sud (actuel Zimbabwe) et Londres pour des négociations. Mandela fut en quelque sorte mis au frais pour plus tard. Son nom cristallisait toute la lutte contre le régime d’apartheid, il était un facteur d’unité pour les différents peuples noirs d’Afrique du Sud ; on aurait pu éteindre ce symbole au fond de l’île prison de Robben Island… Jomo Kenyatta (Kenya) ou Nkrumah (Ghana) furent d’abord mis en prison puis reçus à la table des négociations pour l’indépendance. Les Britanniques avaient formé ces gens, et leur pragmatisme acceptait ceux-ci comme interlocuteurs. Ailleurs, par contre, on s’irrita beaucoup des revendications d’indépendance. C’était comme si l’affaire était d’ordre personnel ou affectif et que l’on se trouvait offensé. Radicalisation, refus outragé de faire de la politique.

Courrier des tranchées, Stefan Brijs

Ecrit par Stéphane Bret , le Samedi, 29 Août 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Héloïse D'Ormesson

Courrier des tranchées, août 2015, 591 pages, 24 € . Ecrivain(s): Stefan Brijs Edition: Héloïse D'Ormesson

 

La Première Guerre mondiale, à son déclenchement, constitue l’entrée véritable dans le XXe siècle. C’est ce que nous disent les historiens tandis que les écrivains y ont puisé les éléments de romans ayant marqué leur époque, et la littérature de leur pays d’origine. Dans son roman Courrier des tranchées, Stefan Brijs, écrivain belge néerlandophone, prend le parti de décrire la guerre, vue de l’opinion publique, dans les premiers chapitres du roman.

Nous sommes en 1914, dans un quartier populaire de Londres, dans l’East End. John Patterson, étudiant à l’université, est soumis à la pression patriotique, chauvine, déclenchée par les premiers développements du conflit. On le somme de s’enrôler, de faire son devoir, de servir son pays… Ce garçon, pour sa part, préfère étudier la littérature, se plonger dans les poèmes de Keats, les œuvres de Thackeray, dont il apprécie La Foire aux Vanités, Kipling, Milton. Il est en cela aidé précieusement par un ami du nom de William Dunn. Ce dernier n’a cure de cette fièvre patriotique qu’il assimile à de l’imbécillité, de la propagande, de la manipulation. Il initie John Patterson à la littérature allemande, à Goethe dont il fait découvrir Les souffrances du jeune Werther et Faust.

Délivrances, Toni Morrison

Ecrit par Victoire NGuyen , le Vendredi, 28 Août 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Christian Bourgois, La rentrée littéraire

Délivrances, août 2015, trad. de l’Américain par Christine Laferrière, 197 pages, 18 € . Ecrivain(s): Toni Morrison Edition: Christian Bourgois

 

Briser les chaînes

Si le lecteur se penche sur le titre, il peut y voir certains indices qui guideront sa lecture car les thématiques chères à l’auteure sont inscrites en filigrane dans ce simple mot à onze caractères : Délivrances. Si son sens premier se rapporte à la dernière phase de l’enfantement, il a aussi une signification figurée qui vient appuyer l’idée de rendre la liberté à un sujet ou à un état opprimé. Il est aussi synonyme de libération mais à un niveau individuel. L’individu est délivré de sa souffrance ou/et de son aliénation. C’est ce sens figuré qui, niché, dans chaque mot donne au roman Délivrances une dimension psychologique. Mais de quoi s’agit-il ?

Bride, la fille de Sweetness a réussi sa vie. Cadre dans une firme cosmétique, elle roule en Jaguar. Elle fait pâlir d’envie ceux qui l’entourent par son port altier et ses habits blancs qui accentuent les contrastes de sa peau d’ébène. Cependant, un mal la ronge. Elle ne se remet pas de sa rupture amoureuse, d’autant plus qu’une faute du passé la rattrape et la laisse dans un état de culpabilité qui la pousse à tomber dans un traquenard dont elle sort défigurée… Au fil des pages, le lecteur entend aussi la voix de la mère et perçoit mieux la profonde détresse de Bride sous sa rutilante réussite…