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Critiques

Présence de la mort, Charles-Ferdinand Ramuz (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 13 Septembre 2022. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Présence de la mort, Charles-Ferdinand Ramuz, Editions L’Aire Bleue, 2009, 160 pages, 11,85 € . Ecrivain(s): Charles Ferdinand Ramuz

 

Alors les grandes paroles vinrent ; le grand message fut envoyé d’un continent à l’autre par-dessus l’océan.

La grande nouvelle chemina toute cette nuit-là au-dessus des eaux par des questions et des réponses.

Pourtant, rien ne fut entendu.

Qu’attendre après cet incipit ? La prière du monde, et elle vient. La sublimation de la langue, et elle vient. La présence de Ramuz à son œuvre, et elle vient. L’immense beauté de la littérature, et elle vient.

La peur est un thème récurrent chez Ramuz. Elle n’a pas toujours un objet défini mais elle est ontologique, rivée aux hommes comme leur ombre même. Quelques années après ce roman, Ramuz écrira La Grande Peur dans la montagne, ouvrage qui concentrera l’essence de la peur ramuzienne : elle est diffuse, générale, elle touche à l’universel, elle est d’autant plus effrayante que nul ne peut rien contre sa cause car on ne la connaît pas.

De Pétrarque à Kerouac, sous le regard de Richard Escot (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Mercredi, 07 Septembre 2022. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Récits

De Pétrarque à Kerouac, sous le regard de Richard Escot, Editions Les Défricheurs, Coll. Fondateurs, avril 2022, 80 pages, 12€

 

L’empreinte de Pétrarque

« Il est des lieux où souffle l’esprit », on le sait depuis Maurice Barrès. Ainsi à l’approche d’une colline qui nous attire de loin, ou encore lorsqu’on découvre une clairière éclatante de lumière au cœur d’une forêt, après avoir suivi des chemins erratiques, ou bien au bord d’un fleuve révélant une courbe élégante et mystérieuse. On ressent alors devant tous ces paysages quelque chose de très profond. Tous ces endroits possèdent un je ne sais quoi qui leur confère une dimension fascinante, magique, proche du sacré. Et les hommes ne s’y sont pas trompés en nimbant ces lieux de légendes de toutes sortes. Il n’y a pas que le temps que les hommes ritualisent et sacralisent mais l’espace également.

Le Mont Ventoux fait partie de ces lieux. On ne l’approche pas innocemment. De loin, de la plaine provençale et au-delà, le Mont Chauve, aride et désolé, attire le regard de sa masse imposante. Son nom (bien qu’il soit sujet à toutes sortes d’interprétations) indique que là-haut, il y souffle ; les éléments y disent leur colère.

Lumière d’août (Light in August), William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 06 Septembre 2022. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard), En Vitrine

Lumière d’août (Light in August, 1932), trad. américain, Maurice-Edgar Coindreau, 628 pages . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Folio (Gallimard)

La scène inaugurale de ce roman – l’ouverture peut-on dire tant on pense à l’art lyrique – est d’une lenteur biblique. Le temps y semble dilaté jusqu’au bord de l’immobilité. Plus qu’un ralenti, c’est un à-peine-mouvement, un semblant, qui anime la jeune femme dans son long périple, avec son petit baluchon et cette charge innommable dans son ventre. Qui anime la charrette qu’elle croise et dont on perçoit plus le bruit que le mouvement. Scène d’ouverture écrasée par la chaleur, par la lumière d’août. Une des plus belles ouvertures romanesques de l’histoire de la littérature.

Assise sur le bord de la route, les yeux fixés sur la charrette qui monte vers elle, Lena pense : « J’arrive de l’Alabama : un bon bout de route. A pied de l’Alabama jusqu’ici. Un bon bout de route ».

Lena arrive à Jefferson comme une parfaite étrangère. Pieds nus, enceinte et abandonnée par le père de l’enfant qu’elle porte, Lena stupéfie et scandalise ceux qu’elle rencontre. Elle est considérée comme une paria, suscitant des réactions qui pourraient laisser penser que Jefferson est un lieu où les étrangers et les marginaux sont rares, où il y aurait des normes communautaires.

Histoire des rois de Norvège, tome II, Snorri Sturluson (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 05 Septembre 2022. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Pays nordiques, Poésie, Gallimard, Histoire

Histoire des rois de Norvège, tome II, Snorri Sturluson, mai 2022, trad. vieil islandais, François-Xavier Dillmann, 1248 pages, 38 € Edition: Gallimard

 

Quelque vingt-deux ans après la publication de la première partie de l’Histoire des rois de Norvège, François-Xavier Dillmann, déjà traducteur de l’Edda en 1991, continue à permettre au public francophone de lire l’œuvre de Snorri Sturluson (1179-1241), probablement le plus grand poète médiéval scandinave – qui fut aussi homme politique, et dont on peut soupçonner à bon droit que l’œuvre avait une vertu idéologique. Lui en faire procès serait vain, et peu importe à quel point ses récits ont pu inspirer telle ou telle prise de position politique, du Moyen Âge à l’époque moderne – si l’on va par là, Sturluson sera en bonne compagnie sur le banc des accusés, puisque seront assis à ses côtés Homère, Plutarque, Thucydide, Ovide, Turold ou encore Chrétien de Troyes – liste non exhaustive, sachant que Dante, L’Arioste et Boccace, pour envisager la seule Italie renaissante, font figure de bons suspects… Il convient donc de lire cette Histoire des rois de Norvège comme tant d’autres ouvrages publiés dans l’excellente et érudite Collection L’aube des peuples : par plaisir de retour aux sources.

La Clef rouge, et autres contes cruels et de mort, Maurice Leblanc (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Vendredi, 02 Septembre 2022. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Contes

La Clef rouge, et autres contes cruels et de mort, Maurice Leblanc, éditions Le Visage Vert, septembre 2021, 178 pages, 15 € . Ecrivain(s): Maurice Leblanc

 

Jean-Luc Buard, préfacier de cet ouvrage, nous dit que Maurice Leblanc aura écrit en tout 395 contes et nouvelles « non-lupiniens ». Trente-cinq d’entre eux ont été réunis ici, tous ont eu une première parution dans la presse, entre 1890 et 1911, avant que certains ne soient recueillis en volume – à ce titre, il faut saluer le travail opéré sur la bibliographie qui figure à la fin du livre.

Ces contes dits « cruels et de mort » nous montrent avec quelle atrocité, et même avec quelle perversité, le destin se joue des espérances et des croyances des individus que nous sommes. La vengeance prend ainsi un tour dramatiquement salé dans la nouvelle qui donne son titre au recueil, ou dans L’Unique Maîtresse. Tous les espoirs d’une jeunesse tendus vers son avenir conjugal s’abattent brutalement lorsqu’on a la malchance de se trouver mêlé à une mésaventure : ainsi en est-il du Serment (« …elle pensait que la vie est une chose adorable et qu’il n’y a rien au monde de plus doux que l’amour », p.110) ou du Sauvetage, dont l’ironie finale rend le drame encore plus acéré.