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Critiques

Nouvelles définitions de l’amour, Brina Svit

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 06 Mars 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Nouvelles, Gallimard

Nouvelles définitions de l’amour, Brina Svit, février 2017, 256 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Brina Svit Edition: Gallimard

 

Pour Brina Svit, écrire n’est pas forcément défendre la solitude dans laquelle ses personnages se trouvent mais la constater. Les nouvelles « actionnent » des isolements affectifs que les narrations rendent communicables, dans la mesure où à cause de l’éloignement de tous les êtres autres que les héros ou héroïnes, le dévoilement de leurs « relations » est rendu possible.

Selon la créatrice, la solitude n’a rien d’une nécessité qui doit être défendue, elle est même sans justification ce qui la rend plus âpre. Personne ne peut s’y retrouver sauf à être des ascètes ou une Maria Zambrano.

La romancière prouve que la solitude non choisie appartient à ces sentiments existentiels que nous assumons mal au moment où elle envahit et que sa pression vient du dehors. Elle est devenue un piège imposé par les circonstances (limogeage, décès, etc.). Et la parole de Svit ne prétend pas en libérer. Au contraire. Elle souligne une circonstance assiégeante et immédiate, un usage excessif obligé et qui désagrège.

La bataille d’Eskandar, Samuel Gallet

Ecrit par Marie du Crest , le Lundi, 06 Mars 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Théâtre, Espaces 34

La bataille d’Eskandar, 2017, 64 pages, 13 € . Ecrivain(s): Samuel Gallet Edition: Espaces 34

 

Le rêve de Madame de Fombanel

Les villes nocturnes de Samuel Gallet sont insurrection, catastrophe, incendie, séisme. Eskandar au nom d’antique cité, ville de sang et de mirages.

Eskandar, quartier sud, le rêve d’une femme qu’un récitant nous présente dans le prologue : elle a des dettes, elle est menacée d’expulsion. Il faut que tout soit détruit pour espérer un recommencement. Il faut pénétrer dans le songe profond comme le théâtre et la musique nous font entrer dans l’obscurité de nos désirs

Et le rêve alors devient le réel

Et le rêve est le réel

Je me voyage, Mémoires (Entretiens avec Samuel Dock), Julia Kristeva

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Samedi, 04 Mars 2017. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Fayard

Je me voyage, Mémoires (Entretiens avec Samuel Dock), octobre 2016, 297 pages, 20 € . Ecrivain(s): Julia Kristeva Edition: Fayard

 

S’entretenir avec une femme aussi érudite, brillante et authentique que Julia Kristeva exige un interlocuteur de qualité, ce que réussit avec brio Samuel Dock, psychologue clinicien face à la psychanalyste de renom pour laquelle aucun détail ne lui échappe. Comme Nietzsche, Julia Kristeva est « nuance » et ne supporte pas les auteurs « qui jouissent de trancher dans le vif de tout ce qui les excite », ce « marketing déprimé ». Elle préfère tout disséquer, puiser dans sa mémoire insatiable, ce qui ne l’empêche pas de s’être forgé des convictions solides au fil de son « voyage » de réflexions. Comme celle sur les femmes : « Je n’ai jamais compris comment les femmes pouvaient se vivre comme le “deuxième sexe”. Pour moi la féminité exprime l’indéniable, l’irréfragable de la vie ».

Julia Kristeva est résolument une femme libre. Déracinée mais libre. En effet, ce sentiment de déracinement (par ses origines bulgares) est très prégnant dans ce livre. Elle a toujours ressenti un sentiment de solitude malgré sa bonne intégration dans la société française. Elle s’est toujours sentie faite pour la solitude et se récitait Nietzsche : « Souffrir de la solitude, mauvais signe : je n’ai souffert que dans la multitude ».

La colombe et le moineau, Khaled Osman

Ecrit par Patryck Froissart , le Samedi, 04 Mars 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Vents d'ailleurs

La colombe et le moineau, mai 2016, 186 pages, 20 € . Ecrivain(s): Khaled Osman Edition: Vents d'ailleurs

 

Le narrateur adopte en vision interne le point de vue de son personnage principal, Samir, un Egyptien qui s’est parfaitement bien intégré en France après y avoir fait ses études. Maître-assistant à la Sorbonne, chargé de cours d’histoire de la civilisation arabe, Samir, quelque temps après avoir mis fin à une liaison mouvementée avec Basma, une jeune Syrienne, vit une relation stable et calme avec Hélène, de qui il a fait la connaissance alors qu’elle assistait à son cours.

C’est cette situation initiale normalisée que vient brutalement troubler un appel téléphonique. En plein printemps arabe égyptien, en direct de la place Tahrir, un mystérieux correspondant annonce à Samir que son frère jumeau Hicham, avec qui il a n’a plus de contact depuis belle lurette, vient d’être grièvement blessé dans les manifestations, et qu’il le supplie de se rendre d’urgence à son chevet, accompagné de Lamia, leur amie d’enfance, avec qui Hicham a eu autrefois une relation amoureuse.

Or Samir a perdu depuis longtemps la trace de Lamia, étudiante en arts, après l’avoir aidée à s’installer à Paris.

Dans la peau de Maria Callas, Alain Duault

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Samedi, 04 Mars 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Biographie, Arts, Le Passeur

Dans la peau de Maria Callas, février 2017, 216 pages, 8,50 € . Ecrivain(s): Alain Duault Edition: Le Passeur

 

Spécialiste de l’Opéra et de l’Art Lyrique, Alain Duault nous propose ici d’entendre encore une fois la voix de la Callas, à travers l’évocation fictive de souvenirs, ceux qu’elle aurait pu se remémorer dans un journal intime sur les derniers quinze jours de sa vie. Rétrospective imaginaire d’un amoureux de musique en compagnie d’une des plus grandes voix lyriques.

Voix à la fois émouvante et dérangeante que celle d’Alain Duault qui se mêle à ce « je » fictif, celui de la Callas, dérangeante par la proximité qu’il entretient. C’est presque une voix de petite fille que l’on entend par moments, mais aussi celle d’une femme malheureuse au milieu de tout ce bonheur vécu dans la passion pour son art.

Quinze jours nostalgiques, quinze jours où la mélancolie et la remontée du souvenir nous placent au plus près d’une femme qu’on a aimée, qu’on aime et qu’on aimera longtemps et ce malgré le manque qu’elle-même a pu éprouver en ce domaine.

Les artistes en se donnant au plus grand nombre sont souvent seuls. On est touché par cette voix qui n’est pas la sienne et qui dit « J’ai tant donné et j’ai si peu reçu ».