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Critiques

L’abandon des prétentions, Blandine Rinkel

Ecrit par Frédéric Aribit , le Vendredi, 10 Mars 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Fayard

L’abandon des prétentions, janvier 2017, 240 pages, 18 € . Ecrivain(s): Blandine Rinkel Edition: Fayard

 

« Sans doute, n’aimons-nous jamais que les énigmes » : de celles, merveilleuses, qui voient par exemple un livre s’ouvrir sur une phrase d’Annie Le Brun. Le ton est donné : Blandine Rinkel, d’emblée, place son premier roman à un niveau d’exigence littéraire qui force le respect. Annie Ernaux ? Pierre Michon ? L’abandon des prétentions lorgne en effet vers de sacrés aînés qui en intimideraient plus d’un.

Appelons donc cela roman, puisque c’est marqué sur la couverture. Une jeune femme fait le portrait kaléidoscopique de sa mère, Jeanine, prof d’anglais à la retraite à Rezé, petite ville près de Nantes. 65 ans et, pour elle, 65 chapitres brefs écrits à la première personne – 66, en comptant ce chapitre 0 qui affiche le projet d’une fille vis-à-vis de sa mère, « regarder à travers la lucarne organique qu’est son propre regard pour enfin aller à sa rencontre » – et qui forment autant de fragments de tendresse à l’égard de celle qui n’existe que par, et pour les autres. Moussa l’ingénieur syrien, Alvirah la vieille Algérienne perdue au supermarché, Nicolas et Kareski les détenus récidivistes, Sarah la chauffeuse de poids-lourds et sa cohorte de camionneurs fêtards, Carmen la mythomane espagnole, un étrange marin russe ancien danseur du Bolchoï, Ruth l’Américaine, Brenda d’Ottawa, le jeune couple Sébastien et Romaric…

Telluria, Vladimir Sorokine

Ecrit par Cathy Garcia , le Vendredi, 10 Mars 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Russie, Roman, Actes Sud

Telluria, février 2017, trad. russe Anne Coldefy-Faucard, 352 pages, 22,20 € . Ecrivain(s): Vladimir Sorokine Edition: Actes Sud

 

Telluria est une sorte de grande fresque post-contemporaine qui propulse et bringuebale le lecteur dans les prochaines décennies du XXIe siècle, dans une Russie éclatée par des tendances séparatistes alors que les Chinois ont débarqué sur Mars, et sur un territoire plus vaste encore allant de l’Atlantique jusqu’au Pacifique, à travers une Europe post-wahhabite, elle-aussi éclatée. Une sorte de Moyen-âge de science-fiction dans lequel il est difficile de trouver des repères pour commencer, tellement c’est la pagaille. Ça démarre dans une sorte de fabrique de casse-têtes, où on comprend qu’il y a des petits et des grands, les petits étant vraiment minuscules et les grands vraiment géants. Et ce ne sont pas les seules créatures étranges qu’on croisera tout au long du foisonnement de ces 350 pages, des humains zoomorphes, des centaures et des robots… On y voyage plutôt à voiture à cheval, les autotractés étant de plus en plus rares, et elles roulent à la pomme de terre, certains privilégiés peuvent voler aussi avec des ailes motorisées. La dystopie fait dans le post-anachronisme.

Durarara !! (tome 1), Narita Ryohgo

Ecrit par Priscila Selva , le Vendredi, 10 Mars 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Japon

Durarara !! (tome 1), éd. Ofelbe, octobre 2016, trad. du japonais Nicolas Gouraud, 276 pages, 12,99 € . Ecrivain(s): Ryohgo Narita

 

Légendes urbaines, gangs, gens étranges et une motarde sans tête qui revient sans cesse : voilà tout simplement ce qui fait le charme quotidien du quartier de Ikebukuro à Tokyo. Sous les apparences d’un roman au prime abord un poil décalé tant le genre est particulier, Durarara !! se révèle être en réalité à mesure des pages qui s’envolent une aventure hors norme dans un Tokyo tout aussi délirant que inquiétant.

Il faut constater la première force de ce roman : Durarara !! n’est pas un livre pour la jeunesse qui s’embarrasse de douceurs sirupeuses et de petites histoires plates qui respectent la bienséance, c’est un roman exigeant et dépaysant qui s’attache à proposer une aventure étrange qui ne ressemble en rien à ce que l’on peut lire habituellement. Certes le synopsis de base ne surprend guère – un jeune garçon banal en soif d’aventures qui pourraient pimenter son quotidien – pour un roman que nous devinons facilement être d’apprentissage (le light novel grandissant avec son public au fur et à mesure de la publication des tomes).

Prendre les loups pour des chiens, Hervé Le Corre

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 09 Mars 2017. , dans Critiques, Les Livres, Polars, La Une Livres, Roman, Rivages

Prendre les loups pour des chiens, janvier 2017, 318 p. 19,90 € . Ecrivain(s): Hervé Le Corre

 

S’il reste encore des gens pour penser que le polar est un genre mineur, qu’ils viennent donc voir du côté de ce dernier Le Corre. Un bijou de roman, par la construction dramatique, la force des personnages et la langue d’une précision et d’une beauté telles que des pages entières sont pure poésie. Hervé Le Corre est un narrateur hors pair, capable de donner à une histoire une densité et une tension extrêmes. Cet art relève chez lui d’une alchimie rare, qui crée des équilibres inattendus entre des personnages que tout éloigne, qui ne laisse rien deviner des événements à venir, qui fait traverser la nuit la plus sombre par des éclairs de lumière éblouissants.

Ainsi cette rencontre, le jour même de sa libération de prison, entre Franck et une petite fille qui – sans raison apparente autre que la magie du monde – met sa petite main chaude dans la sienne, comme une promesse d’un possible retour à la vie.

« Il a senti quelque chose contre sa cuisse et il a frissonné parce qu’il pensait que c’était le chien qui venait là pousser son mufle puis il senti la main de Rachel chercher la sienne et s’y blottir, fermée en un petit poing froid. »

Ma famille de cœur, Carole Weisweiller

Ecrit par France Burghelle Rey , le Jeudi, 09 Mars 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Biographie

Ma famille de cœur, éd. Michel de Maule, novembre 2016, 112 pages, 17 € . Ecrivain(s): Carole Weisweiller

 

La « famille » de Carole Weisweiller, fille de cœur de Jean Cocteau.

Le livre de Carole Weisweiller est, sur l’amitié, un modèle du genre. Il réjouira les plus anciens des lecteurs qui ont connu, du moins de noms, sa « famille de cœur », et ouvrira aux plus jeunes des horizons nouveaux sur le XX° siècle.

La vente de la Villa Santo-Sospir aux fresques peintes par Jean Cocteau a probablement amené Carole, sa propriétaire, qui « fermait un chapitre important de (sa) vie » à faire le récit des amitiés qui l’ont marquée après la mort du Poète.

C’est bien sûr Jean Marais, le bien-aimé de toute une génération d’adultes et d’enfants, son « grand frère » – son dernier lien avec Cocteau – qui est à l’honneur du premier chapitre. Jusqu’au cimetière de Vallauris où celui-ci repose et où elle lui a dit adieu, Carole raconte les spectacles, les fêtes, les émissions, tout ce qui a pu approfondir leur amitié.