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Critiques

La position du pion, Rafael Reig

Ecrit par Stéphane Bret , le Jeudi, 16 Mars 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Espagne, Métailié

La position du pion, traduit de l'espagnol par Myriam Chirousse février 2017, 286 pages, 20 € . Ecrivain(s): Rafael Reig Edition: Métailié

 

Dans les environs de Madrid, à El Tomillar, un groupe d’amis, composé de couples, attend leur ancien leader Luis Lamana, surnommé Le Gros. Il est de retour des Etats-Unis. Tous, à des degrés divers, appréhendent sa venue car ils sont ex-militants communistes et craignent des révélations sur eux-mêmes ou sur d’autres proches. Leurs parcours, leurs origines, sont des échantillons de l’histoire de l’Espagne contemporaine : Pablo Poveda, romancier, auteur de La Plénitude du mauve, et d’Intermittences, qui lui valu un succès remarquable ; Alicia, son épouse, assimilée à une cariatide, en raison de sa grande taille qui surplombe ses interlocuteurs ; Ricardo Ariza est architecte et cultive un raffinement de bon aloi ; Carlota Casarès est photographe ; Alejandro Urrutia, navigateur ; et Lola Salazar, épouse de ce dernier. Enfin, Johnny, de son vrai prénom Julian, est le fils d’Isabel Azcoaga, mais doute fortement de l’identité de son père, et recherche ses véritables origines.

Mangés par la terre, Clotilde Escalle

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 15 Mars 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Les éditions du Sonneur

Mangés par la terre, mars 2017, 196 p. 17,50 € . Ecrivain(s): Clotilde Escalle Edition: Les éditions du Sonneur

Voici un court roman plein de violence et d’amertume, porté par une écriture qui ne l’est pas moins, tendue et inattendue, capable de surprendre à chaque ligne.

Nous sommes dans une province française fantasmée plus que réelle, à une époque hors du temps. Toutes les pages du début font penser à un tableau provincial du XIXème siècle ou du début du XXème et quelle surprise quand on entend parler de la mort de Sylvia Kristel, ou de l’Iphone ! Tout, les gens, les lieux, les comportements mènent le lecteur dans un déplacement dans le temps plus que dans l’espace. Et le rythme imposé par le style de l’auteure donne à cette histoire une dimension de fable noire qui se préoccupe peu de vraisemblance et atteint son but : l’inquiétude permanente.

Nous sommes donc dans un bourg quelque part en France. Clotilde Escalle va promener son récit dans une palette de personnages qui, tour à tour, seront la focale de ses récits. Il n’y a pas d’histoire à proprement parler, mais des bribes d’histoires de gens enfoncés dans la plus profonde misère morale. Des trois frères cinglés qui tendent des fils de métal sur les routes pour écrabouiller les voitures et les gens qui sont dedans, jusqu’au notaire – caricature du notaire de Province, sorte de Emma Bovary au masculin – sa détresse sexuelle et sa musique baroque.

La honte, Réflexions sur la littérature, Jean-Pierre Martin

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 15 Mars 2017. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Folio (Gallimard)

La honte, Réflexions sur la littérature, février 2017, 420 pages, 7,70 € . Ecrivain(s): Jean-Pierre Martin Edition: Folio (Gallimard)

 

La honte est un des grands moteurs de la création littéraire. Elle prend de multiples formes : personnelle ou sociale, historique ou politique. Parmi les textes plus connus sur ce thème, d’emblée reviennent les pages de Rousseau dans Les Confessions, ou Albert Cohen dans Solal, où les auteurs s’auto-flagellent (mais juste ce qu’il faut), et celles – bien différentes – d’Antelme, Semprun, Primo Levi, où ce sentiment s’empare paradoxalement des survivants selon un métabolisme biologique paradoxalement paradoxal. Il existe néanmoins une honte plus consubstantielle à la racine de l’écriture – chez Witold Gombrowicz par exemple.

Jean-Pierre Martin approfondit ce qu’il nomme ces « gouffres de déconsidération » qui nous rendent souvent si proches de ceux qui s’osent, se haussent ou s’abaissent à de tels aveux qui forcent (ou forceraient) à sortir de toutes poses. Le processus est complexe car il s’agit de surmonter le regard des autres (famille, société) et le sentiment intérieur qui oblige le plus souvent à n’oser sortir de ce qui invite au silence plus qu’à l’aveu. Ce sentiment peut devenir si paroxysmique qu’il arrive à un auteur de ne pas en survivre : chez Primo Levi ou encore Charlotte Delbo (que l’auteur ne cite pas).

Emoi enn Perle, Rekey Poem, Prisheela Mottee

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 15 Mars 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Afrique, Poésie

Emoi enn Perle, Rekey Poem, éd. Norêvya (Maurice), janvier 2017, 15 pages (en vente dans les librairies Bookcourt) . Ecrivain(s): Prisheela Mottee

 

C’est un tout petit recueil qui vaut la peine qu’on lui accorde quelque attention.

C’est un tout petit recueil tout plein de lumière.

C’est un tout petit recueil tout plein de lumière et zébré d’ombres.

C’est un tout petit recueil qui rit et qui pleure.

 

Prisheela Mottee est jeune.

Prisheela Mottee est mauricienne.

Prisheela Mottee parle avec son cœur.

Prisheela Mottee écrit ce qu’elle ressent.

Retourner à la mer, Raphaël Haroche

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mardi, 14 Mars 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Nouvelles, Gallimard

Retourner à la mer, février 2017, 166 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Raphaël Haroche Edition: Gallimard

 

Sa terre à lui c’est la mer, et la mer pour lui c’est ça. Une voix, un ton, une lecture en images.

Plus d’un avant lui ont plongé dans l’abîme, du chanteur au peintre, de l’écrivain au parolier, l’artiste toujours qui te dirait qu’écrire ce n’est point affirmer ou confirmer mais déformer. Un auteur-compositeur qui écrit ses chansons comme des nouvelles. Des nouvelles en chansons.

Raphaël a retrouvé son tréma, révélé son nom de famille pour démarquer là l’exercice. Chaque voyelle ici se prononce. La musique dans les dialogues, le rythme et d’emblée le pied qui tape le sol. La première nouvelle te plaque au sol.

La débiteuse à bois et l’incinérateur des carcasses, le couperet, le coup, le couteau, les sucs, les graisses, le sang sur le sol de l’abattoir. Les odeurs. Les arbres coupés et les corps des bêtes menées à la mort. La chair dans la terre. Les hommes, les hommes bien sûr qui font leur métier en fermant leur âme, juste un peu, les hommes sont d’un autre pays, ça se passe dans un autre pays. Il faut que ce genre de choses se passe en dehors.