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Critiques

Vertiges suivi de l’adaptation scénique de Christine Dormoy, Patrick Kermann

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 24 Janvier 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Théâtre, Espaces 34

Vertiges suivi de l’adaptation scénique de Christine Dormoy, Patrick Kermann, novembre 2017, 126 pages, 17 € Edition: Espaces 34

 

« Paroles et musique »

Il est impossible de lire Vertiges sans se dire que c’est la fin, l’entrée dans le sommeil. S’endormir comme dernier verbe. L’édition du texte elle-même nous invite à saisir le livre dans les derniers moments de l’écriture comme les dernières heures de la vie puisqu’elle mentionne en sous-texte, avec la pudeur du chagrin : février 2000.

Le 29 février 2000 sera le dernier jour de Patrick Kermann. C’est peut-être cela le plus grand vertige, cette forme de malaise face au vide, cet étourdissement du monde qui tourne, qui chavire. Vertiges au pluriel proférés par les voix multiples des burlesques « monomaniaques », d’écervelés selon le propos de l’auteur qui au fond passent leur temps à radoter et celles du quatuor vocal impuissant à remettre par le langage de l’ordre au monde. Dans Vertiges, P. Kermann dit l’explosion humaine semblable à celle des réacteurs de Tchernobyl qui ont tout anéanti. Il a beaucoup pensé à cette catastrophe nucléaire en lisant la Supplication de Svetlana Alexievitch, au moment où il écrivait son texte.

Cette nuit, Joachim Schnerf

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 23 Janvier 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Zulma

Cette nuit, janvier 2018, 146 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Joachim Schnerf Edition: Zulma

 

Salomon est un vieil homme qui porte à l’avant-bras un tatouage. Pas un prénom féminin, un cœur ou quelque autre emblème folklorique. Une suite de chiffres. Enfant, il fut déporté à Auschwitz avec ses parents. Lui seul en réchappa et put revenir du dernier cercle de l’enfer. On a beaucoup publié sur des thèmes comme « vivre après Auschwitz », « écrire après Auschwitz », « aimer son semblable et lui faire confiance après Auschwitz », etc. Pour Salomon, ce ne sont pas des questions théoriques. Ayant vu ce que personne n’aurait jamais dû voir et ce que nul ne peut pleinement communiquer, il surmonta cette expérience en développant un « humour concentrationnaire » très personnel. Il prit le parti d’en rire, ce qui ne manque jamais de provoquer de l’embarras (pour le dire gentiment) en société. Peut-être grâce à cette politesse du désespoir (une définition bien connue de l’humour), Salomon put fonder une famille et mener une vie aussi normale que possible. Joachim Schnerf prend son personnage de patriarche à un moment délicat de son existence : il vient de perdre sa femme et doit organiser seul la Pâque juive qui s’annonce.

Des abribus pour l’exode, Marc Tison

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 23 Janvier 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Arts

Des abribus pour l’exode, éd. Le Citron Gare, novembre 2017, images et peintures Raymond Majchrzak, 82 pages, 10 € . Ecrivain(s): Marc Tison

 

Sensations vivaces qui imprègnent le mental, maintiennent sous tension le réseau de nerfs, scarifications émotionnelles sur le corps de la mémoire qui n’accepte pas la reddition, ni la soumission. Mémoire du corps jamais rassasiée de cette ivresse qui nous propulse dans le corps de l’autre. Sexe, musique, jeunesse, pures sensations qui lancent les rêves à l’assaut des horizons, pied sur l’accélérateur.

« On ne va plus dans les étoiles. Les fusées sont dépiécées. La tête en feu de joie c’était pourtant bien là, claquant le réel à l’enchantement du voyage.

Il y a si peu de temps. Il y a si peu de soi ».

Mémoire du corps accro à l’intensité, à la sensation de liberté, aussi illusoire soit-elle.

« Il y a tant d’espaces délabrés que tu revisites plein d’espoir, incrédule. L’avant ne s’est pas peint d’éternité ».

Je te fais un dessin, Marc Cholodenko

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 23 Janvier 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Arts, P.O.L

Je te fais un dessin, novembre 2017, 120 pages, 13 € . Ecrivain(s): Marc Cholodenko Edition: P.O.L

 

Faire l’image : Marc Cholodenko

Marc Cholodenko réussit un tour de force : dessiner avec les mots. Et ce, non par figure de style, mais en évoquant ce que l’image peut donner suivant ses maçonneries et ses maçons. L’ensemble se distribue en fragments, eux-mêmes classés en « moments » ou épreuves. Ils s’achèvent sur le commencement : celui des gribouillis d’enfant. L’image anticipe alors sur les mots et sous la caresse et la pression d’une main maladroite mais qui traque en chacun de nous la bête et l’ombre.

Dans son livre précédent (Il est mort ? P.O.L), celui qui va ou allait partir était emporté par le souffle d’une seule phrase. Ici tout se crée en vignettes. Elles charrient une existence que l’auteur a l’intelligence de ne pas réduire à l’autofiction. Surgit le sourd murmure des images tenaces toujours portées à l’interprétation d’un ordre qui se transforme en une plongée étourdissante dans une série de propositions, de réminiscences, de raisonnements, d’informations intimes.

Ör, Auður Ava Ólafsdóttir

Ecrit par Patryck Froissart , le Lundi, 22 Janvier 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Pays nordiques, Roman, Zulma

Ör, octobre 2017, trad. islandais Catherine Eyjólfsson, 236 pages, 19 € . Ecrivain(s): Auður Ava Ólafsdóttir Edition: Zulma

 

Le narrateur, Jonas Ebeneser, opère une rupture brutale, qu’il annonce définitive, avec sa vie, son travail, sa famille, ses amis, après avoir appris que sa fille Nymphéa n’est pas sa fille. Une ultime visite à sa mère, « ratatinée » dans sa maison de retraite, qui radote en faisant référence à ses connaissances d’historienne, ne fait que conforter sa décision.

Je n’ai pas l’intention de finir comme maman.

Il en a décidé : il veut, il doit mourir. Après avoir mis de l’ordre dans sa cave et retrouvé le journal de ses jeunes années, il part sans prévenir quiconque, avec sa caisse à outils et un vieux fusil emprunté à son meilleur ami Svanur, loin, de l’autre côté de la mer, dans un pays dévasté par une guerre qui vient tout juste de s’achever.

La question est de savoir quelle destination prendre. Je cherche sur Internet une destination adéquate en me concentrant sur les latitudes en zone de guerre.