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Critiques

Dernières nouvelles du spectacle (Ce que les médias font à la littérature), Vincent Kaufmann

Ecrit par Arnaud Genon , le Mercredi, 31 Janvier 2018. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Seuil

Dernières nouvelles du spectacle (Ce que les médias font à la littérature), octobre 2017, 280 pages, 20 € . Ecrivain(s): Vincent Kaufmann Edition: Seuil

 

 

Et la littérature, dans tout ça ?

En 2001, Vincent Kaufmann, professeur de littérature et d’histoire des médias à l’Université de St. Gall en Suisse, publiait chez Fayard un ouvrage remarqué, consacré à l’auteur de La Société du spectacle (1967), intitulé Guy Debord. La révolution au service de la poésie. Seize ans plus tard, dans la lignée des travaux du situationniste, il s’intéresse à la « spectacularisation de l’auteur » contemporain et aux conséquences de ce phénomène sur la littérature elle-même. Le constat est sévère, les perspectives, dès les premières pages, alarmistes : « La spectacularisation de l’auteur telle qu’on l’envisage ici, c’est en somme une des modalités, qui n’en exclut pas d’autres, de la disparition de la littérature comme champ ou comme institution ».

Loups solitaires, Serge Quadruppani

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 31 Janvier 2018. , dans Critiques, Les Livres, Polars, La Une Livres, Roman, Métailié

Loups solitaires, octobre 2017, 240 pages, 18 € . Ecrivain(s): Serge Quadruppani Edition: Métailié

 

Des régions désertiques du nord du Mali au Limousin, en passant par l’Italie, Serge Quadruppani nous invite dans un polar d’une brûlante actualité et sans doute pas si rocambolesque qu’il n’y paraît. L’auteur prend plaisir cependant à appuyer sur le grand guignolesque de la brutalité des comportements humains, qui font ressortir la sagesse de quelques personnages plus simples, plus droits, plus proches de la nature et des animaux : chat, poules, choucas, ânes, blaireaux, abeilles… qui eux aussi savent faire preuve d’une certaine noblesse.

Ce polar est à la fois cruel et drôle, cruel comme le sont les hommes et drôle comme ils peuvent l’être quand il n’y a plus de limite au ridicule de leur arrogance. Il y a une vraie morale qui sous-tend ce polar, entre farce et fable. L’humour avec lequel l’auteur s’empare du sujet ne rend pas moins efficace la critique sous-jacente et soulève des questionnements concernant les nouvelles technologies mises au service de soi-disant guerres menées contre le terrorisme et l’opacité des agissements de différents services à la solde de pouvoirs, mais aussi concernant notre rapport à la nature et notamment à la destruction méthodique d’animaux qualifiés de nuisibles. Et question méthode, des animaux à l’homme, le pas a déjà été franchi.

L’Aventuriste, J. Bradford Hipps

, le Mardi, 30 Janvier 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Belfond

L’Aventuriste, janvier 2018, trad. Jérôme Schmidt, 352 pages, 21 € . Ecrivain(s): J. Bradford Hipps Edition: Belfond

 

Sans doute jugé très peu sexy, le monde de l’entreprise a longtemps été boudé par la littérature contemporaine. On se souvient de Michel Houellebecq qui, en 1984 avec son Extension du domaine de la lutte, fut largement salué pour avoir héroïsé le salarié moyen et jeté un œil acerbe sur son identité sociale. Bien sûr, il n’est pas le seul à s’être distingué en disséquant milieux et relations professionnels, mais c’est alors bien souvent pour faire ressortir des personnages déviant de la norme sociale. Pensons seulement au fameux American Psycho de Bret Easton Ellis ou encore au Démon d’Hubert Selby.

Sauf qu’avec J. Bradford Hipps, on est vraiment très loin des marginaux, des psychopathes et des dépressifs impénitents. Ses personnages n’ont d’ailleurs rien de bien extraordinaire : ce sont des êtres humains mus par leurs désirs et ambitions, leurs valeurs et fêlures personnelles, lesquels ne nous sont pas si étrangers.

Je voulais leur dire mon amour, Jean-Noël Pancrazi

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 30 Janvier 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

Je voulais leur dire mon amour, janvier 2018, 130 pages, 12,50 € . Ecrivain(s): Jean-Noël Pancrazi Edition: Gallimard

 

 

Né à Sétif en 1949, Jean-Noël Pancrazi a vécu à Batna avant de s’exiler avec sa famille, juste après les accords d’Evian. Crève-cœur, déracinement, vie à Perpignan. On est en 1962.

Cinquante-trois plus tard, le romancier revient à Bône, devenu Annaba (ancienne Hippone de Saint Augustin) pour être juré dans le nouveau festival cinématographique qui décerne les « Anab d’or » parmi une sélection de films des bords de la Méditerranée.

Le récit Je voulais leur dire mon amour retrace avec acuité, mémoire et nostalgie un voyage aller/retour amer ; l’écrivain se faisait une joie de revoir la terre natale, de retourner, comme on lui avait promis, une fois le festival clôturé, dans la ville de sa dernière résidence algérienne de 1962, Batna.

Rien à voir avec l’amour, Claire Gallen

Ecrit par Martine L. Petauton , le Lundi, 29 Janvier 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, La Brune (Le Rouergue)

Rien à voir avec l’amour, janvier 2018, 297 pages, 21 € . Ecrivain(s): Claire Gallen Edition: La Brune (Le Rouergue)

 

Qui autour de nous n’a pas dit un jour en fronçant le nez – bof, c’est un film français… qui. Les mêmes, sans doute, de détourner les yeux des « romans français », parce que voyez-vous, l’Amérique ! sa littérature et ses films, c’est quand même autre chose…

Alors qu’ils viennent ces gens, devant ce Rien à voir avec l’amour – le roman aujourd’hui, n’en doutons pas, le film demain.

Le titre pourrait nous perdre un peu, convenons-en, qu’on ne s’y fie pas trop. Second roman d’une auteure qui semble écrire-Amérique, regarder-Amérique, penser peut-être Amérique, et signe ici un « roman américain », magnifiquement français et plus que prometteur. Sa formation journalistique, du reste, et notamment AFP, est probablement à la racine de cet effet gros paquets de mer sans essuie-glaces, quotidienneté volontairement non littéraire ; le dru, le précis et le rapide, le cœur de cible étant ici un langage sinon une atmosphère. Récit fort comme d’autres écritures d’outre Atlantique – chacun fera le rapprochement qu’il choisira – situées dans les banlieues de L.A., noires à force d’être éclaboussées de tous les néons des turn pike. Récit mi-ombres, mi-flash aveuglant, cogneur, inquiétant, aux personnages de roman noir absolu, policier ou thriller psychologique.