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Critiques

Dans le café de la jeunesse perdue, Patrick Modiano

Ecrit par Fedwa Ghanima Bouzit , le Lundi, 30 Avril 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Dans le café de la jeunesse perdue, 176 pages, 6,60 € . Ecrivain(s): Patrick Modiano Edition: Folio (Gallimard)

 

Les cafés de la jeunesse perdue, ces lieux de transit. Ces lieux où l’on tente d’égarer ses doutes et ses incertitudes. On y est bruyant et fantasque pour mieux couvrir les pensées anxieuses qui nous rongent. On se gonfle d’égo, on mime l’âge adulte alors que l’on n’est qu’adulescent, peut-être le restera-t-on toujours. On prend des postures intelligentes, on se tient le menton, on lève les yeux au plafond, on regarde dans le vide… On est persuadé que l’on a un talent unique à dévoiler au monde, que l’on finira peintre, écrivain ou intellectuel.

On croit tous en l’éternité du café. C’est le rituel quotidien qui rythme nos journées. On y entre aux mêmes heures, on s’installe aux mêmes tables. Le café est départagé en territoires bien distincts que l’on apprend à respecter. On y fait des connaissances que l’on croit tout aussi éternelles. On croit connaître ces personnes sur le bout des doigts, mais tout comme nous, elles se tissent des identités factices, fantasmées, projetées dans un avenir incertain.

L’Au-delà du monde, Brigitte Maillard

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 30 Avril 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

L’Au-delà du monde, Librairie Galerie Racine, 2017, 50 pages (belle photo d’une Tête de jeune Bigoudène par l’auteure), 15 € . Ecrivain(s): Brigitte Maillard

 

 

« Attendre le monde », « porter le soir », « allez » : une poésie revitalisante qui s’énonce là. Les impératifs suivent et enjoignent à l’activité, celle de l’esprit, celle du corps : INVENTE-TOI !

« Le temps est une histoire

(entre nous)

un déplacement de vent »

Laisse monter ce chant de mémoire

(…)

Centre, Philippe Sollers

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 24 Avril 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

Centre, mars 2018, 128 pages, 12,50 € . Ecrivain(s): Philippe Sollers Edition: Gallimard

 

« C’est maintenant l’œil du cyclone, le centre du tourbillon. Tout est d’un calme si extraordinaire que je n’ai plus rien à comprendre. Quelques phrases d’autrefois traînent encore, mais ne s’inscrivent pas, ma main les refuse. La seule vraie couleur est le blanc ».

Centre est un précieux roman écrit dans l’œil du cyclone, du centre du tourbillon contemporain. Un roman placé sous la protection d’étranges étrangers qui ont pour noms Freud et Lacan – Un juif athée, un catholique baroque, deux aventuriers de la vérité vraie –, et sous le regard complice de Nora, douée pour les langues et la psychanalyse, une voix vivante qui sait se taire quand il faut. Le narrateur sait de quoi il parle, il sait qu’écrire entraîne et engendre une résistance, que ses phrases font naître une vitalité, une joie profonde, et permettent de voir et d’entendre ce qui se joue, se noue et se dénoue sur un divan, qui est celui du Monde.

Le goût de la limace, Zoé Derleyn

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 20 Avril 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Nouvelles

Le goût de la limace, éd. Quadrature, octobre 2017, 99 pages, 15 € . Ecrivain(s): Zoé Derleyn

 

Talentueuse nouvelliste avec, pour sa parution, une sélection en finale du Prix Rossel 2017, Zoé Derleyn s’affirme d’emblée comme auteur qualifiée.

Les nouvelles sont diverses et chacun aura sans doute sa préférée. L’ensemble est rigoureux, avec un style mature trié sur le volet, le tout s’affirmant avec force de caractère et originalité, comme : « Le souvenir du goût de la limace persistait dans sa bouche, balayait toutes les traces de la nuit précédente ».

Point commun à ces quelques nouvelles, la narration proche du souvenir, écrite et aussi bien interprétée en « Je » féminin qu’en « Je » masculin, avec une forte prédominance de souvenirs d’enfance (réels ou inventés), le tout suggérant une quasi authenticité : « La fille tousse de plus en plus. Le médecin répète qu’il n’y a pas de raison de s’inquiéter mais la mère ne le croit pas ».

Les évènements presque banaux sont extirpés avec doigté du quotidien pour aboutir à une chute littéraire particulièrement efficace à chaque surprise jusqu’à l’apothéose du dénouement.

La Psychanalyse va-t-elle disparaître ?, Elsa Godart

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Jeudi, 19 Avril 2018. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Albin Michel

La Psychanalyse va-t-elle disparaître ? janvier 2018, 207 pages, 16 € . Ecrivain(s): Elsa Godart Edition: Albin Michel

 

Dans Je selfie donc je suis (2016), Elsa Godart avait déjà posé le décor d’une société dévorée par l’immédiateté, souffrant d’un rapport à l’autre de plus en plus complexe. Ce phénomène qu’elle nomme hypermodernité, une course effrénée aux « likes » qui cache à la fois des blessures narcissiques, mais aussi et surtout, un manque d’amour.

Alors à la question « La psychanalyse va-t-elle disparaître ? », on aurait aimé qu’Elsa Godart nous réponde oui, car cela aurait signifié que les êtres humains n’aient plus mal à leur égo… Mais, dès la première phrase de l’introduction, on sent bien que le monde est entré dans un tel chaos de non sens, que la psychanalyse a de beaux jours devant elle pour réanimer notre moi intérieur qui se désagrège. Et surtout pour nous aider à renouer avec nos « vrais » désirs.