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Critiques

Chronique d’un meurtre annoncé, David Grann

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 12 Avril 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Récits, Allia

Chronique d’un meurtre annoncé (A Murder Foretold), trad. américain Damien Aubel, 110 pages, 3,10 € . Ecrivain(s): David Grann Edition: Allia

 

Voilà un livre (presque) minuscule. 110 pages dans un mini-format. Il n’en faut pas plus à David Grann pour nous coller à notre fauteuil. Il nous raconte, par le menu, l’incroyable, l’improbable affaire Rosenberg survenue au Guatemala en 2009. Si vous connaissez l’affaire, rassurez-vous, l’art narratif de David Grann la rend quand même passionnante. Si vous ne la connaissez pas, attendez-vous à sauter en l’air quand les clés de l’intrigue vous seront révélées.

Tout commence par un double assassinat, celui de Khalil Musa, riche industriel guatémaltèque et de sa jolie fille, Marjorie (tuée par « accident » lors du meurtre de son père). Or un célèbre avocat, Rodrigo Rosenberg, ami des Musa, était follement amoureux de Marjorie et comptait l’épouser bientôt. Rosenberg sombre dans une dépression terrible, puis se convainc rapidement de la culpabilité du pouvoir guatémaltèque qui aurait fait abattre Musa pour empêcher des révélations sur des malversations au ministère de l’intérieur.

Vers la beauté, David Foenkinos

, le Jeudi, 12 Avril 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

Vers la beauté, mars 2018, 224 pages, 19 € . Ecrivain(s): David Foenkinos Edition: Gallimard

 

C’est avec La Délicatesse que David Foenkinos signait son premier grand roman et c’est avec délicatesse justement qu’il nous invite à entrer dans l’univers pourtant tragique de Vers la Beauté.

Camille est une lycéenne un peu particulière, très solitaire et peu encline à partager les activités communément prisées par les adolescentes de son âge. Mais l’on comprend rapidement qu’elle est dotée d’une sensibilité artistique exceptionnelle, qui l’entraîne loin de l’effervescence qui devrait être celle de ses jeunes années. Sa mère, Clara, et son père, plus en retrait, tous deux profondément aimants, l’encouragent dans cette voie, à la fois contemplative et créatrice, puisqu’elle semble être la seule à même de garantir son épanouissement personnel. Et en effet, elle se transforme, se révèle, aussi bien à elle-même qu’à son entourage, à  compter du jour où elle s’initie à la peinture. Et puis survient le drame : deux minutes de violence irréversibles qui font basculer toute sa vie dans la béance de la terreur et du non-dit. Camille s’effondre, se terre dans le silence, s’abîme dans le désir de s’effacer, de disparaître, de ne plus être-au-monde.

Une fille d’Alger, Jean-Michel Devésa

Ecrit par Theo Ananissoh , le Mercredi, 11 Avril 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Une fille d’Alger, éditions Mollat, mars 2018, 143 pages, 20 € . Ecrivain(s): Jean-Michel Devésa

 

Comme dans Bordeaux la mémoire des pierres, son précédent et premier roman, Jean-Michel Devésa livre dans Une fille d’Alger– avec la même qualité d’écriture et d’atmosphère – un mélancolique exercice de mémoire.  Hier, c’étaient des vies et des amours en proie au franquisme ; dans ce deuxième roman, ce sont d’autres déchirements tout aussi douloureux, ceux de la fin de l’Algérie française dans laquelle l’auteur est né. Jean-Michel Devésa ne choisit pas – si tant est qu’on soit libre à ce propos – des périodes pour ainsi dire légères. Dans Une fille d’Alger, le romancier semble lui-même très impliqué. Le narrateur nous fait le récit autour de 2015. Il est interne au roman d’une manière particulière – par ses souvenirs d’enfant à Bab El Oued puis d’adulte revenu en Algérie dans les années 80 – double coïncidence avec la biographie de l’auteur. Mais cette voix qui conte n’est nulle part nommée autrement que par « le narrateur » ou « le scripteur ». Il n’est du reste pas le seul qui nous rapporte les faits. Hélène Samia Lapérade, « bâtarde d’une Française et d’un bicot », ladite fille d’Alger sans doute, complète régulièrement ce récit de la fin d’un monde en terre algérienne. Question de cohérence. Si le narrateur-auteur est lui-même présent dans le roman, c’est à Hélène Samia de dire mieux son intimité de prostituée et… d’amoureuse de Raymond Rossi, un parrain du milieu plutôt placide.

Sillons, Laura Tirandaz, Judith Bordas

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 11 Avril 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Arts

Sillons, Aencrages & Co, coll. voix de chants, avril 2017 (pas de pagination), 18 € . Ecrivain(s): Laura Tirandaz, Judith Bordas

 

Les linogravures de Judith Bordas jouent de quelques couleurs (bleu délavé, lie de vin, orange, jaune…) pour matérialiser flou, personnages, empreintes sur une plage, avec un rendu proche des papiers peints.

Tissant texte et œuvre graphique, la maison d’édition, spécialisée en poésie, propose ici le travail en prose poétique de Laura Tirandaz, entre récit d’un œil ambulant, sensations naturalistes et descriptions d’un petit monde qui circule à l’heure des vacances, dans ce port non nommé, au bord de la Grande Bleue.

L’œil ethnographe enregistre tout : un homme réfugié sur le sable, des « pissotières », un marché qui se monte, la circulation de l’air, des gens, le ciel et ses « mouettes (qui) jouissent du spectacle », une mère et son enfant, le regard s’appuie, décèle, pointe, scrute, les étals, les mains, un retour au passé (par le biais d’une stèle commémorative « Morts en Algérie »). La prose, non ponctuée, sert excellemment le propos d’enregistrer au kilomètre, à la chaîne, les impressions, les rendus, quitte à réserver entre les lignes des motifs d’émotions.

J’ai vingt ans, Matthias Vincenot

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 10 Avril 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

J’ai vingt ans, éditions Fortuna, mars 2018, 68 pages, 10 € . Ecrivain(s): Matthias Vincenot

 

 

La poésie de Matthias Vincenot s’exécute comme une chanson nous insufflant l’air qui manque, une nostalgie douce comme le refrain d’une mélodie que l’on fredonne encore, avec du sang neuf dans les circuits / « dans les anfractuosités de la mémoire » parfois ombrageuses, dans le flux de nos artères, de nos escapades et par toutes les veines du poème.

« J’ai vingt ans », affirme le poète Matthias Vincenot, le temps après tout n’étant (presque) qu’accessoire, puisque seules comptent les minutes d’enchantement qui nous maintiennent en apesanteur ; puisque l’on garde l’âge intemporel de ses vingt ans tant que le cœur bienveillant offre la possibilité des rencontres accueillantes, des roses, des sourires et des durables choses. Ainsi ce sentiment d’« Être parmi nous » qui fédère les amitiés :