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Critiques

Traités spirituels, Edition critique, introduite et annotée par Bernard Forthomme, Paulin d’Aumale

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 21 Mars 2018. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Editions Honoré Champion

Traités spirituels, Edition critique, introduite et annotée par Bernard Forthomme, Paulin d’Aumale, octobre 2017, 45 € Edition: Editions Honoré Champion

Paulin d’Aumale fut un membre du Tiers-ordre régulier de saint François. On ignore bien des choses à son sujet, à commencer par son patronyme véritable (Paulin d’Aumale était un nom de religion), la date de sa naissance et celle de sa mort. Ces lacunes obéissent toutefois à une logique interne, car, quel qu’ait été son nom, celui qui se faisait appeler ainsi n’était pas entré en religion pour se faire connaître de la postérité. On sait qu’il vécut à Paris, où il exerça des responsabilités au sein de son ordre. Ce fut dans la capitale qu’il rencontra Madame Guyon, que Voltaire (mal placé pour la comprendre) qualifiait de « femme à révélations, à prophéties et à galimatias » (Siècle de Louis XIV, chapitre XXXVIII ; Œuvres historiques, éd. René Pomeau, Gallimard, La Pléiade, 1957, p.1091). Elle prêchait, comme on le sait, un « pur amour » de Dieu, allant jusqu’au renoncement absolu à soi-même, à toute action, au point même de ne plus prier (la charité et les bonnes œuvres, il n’en était même pas question). Comme cela se produit en général, un message à ce point radical, extrême, divise en deux groupes ceux qui en prennent connaissance : soit il leur répugne, soit ils y adhèrent. Les autorités religieuses, à une exception près, se rangèrent parmi la première catégorie et Madame Guyon finira embastillée.

My Absolute darling, Gabriel Tallent

Ecrit par Yann Suty , le Mardi, 20 Mars 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Gallmeister

My Absolute darling, mars 2018, trad. américain, Laura Derajinski, 460 pages, 24,40 € . Ecrivain(s): Gabriel Tallent Edition: Gallmeister

 

Mon père, ce salaud. La vie n’est pas facile pour Julia, quatorze ans, alias Turtle, que son père surnomme Croquette. Elle vit dans un trou de la côte nord de la Californie, dans des paysages pittoresques, parfois hostiles, dans une maison délabrée et crasseuse. Un univers white-trash qui est aussi un décor littéraire des plus réjouissants.

Turtle est sauvage. Elle préfère se tenir à l’écart des autres. Mais c’est aussi son père qui lui a imposé cette conduite. Elle est obligée d’aller au lycée, mais repousse quiconque tente de briser sa carapace. Ses meilleurs compagnons sont ses armes, pistolets et fusils dont elle ne se sépare jamais, et qu’elle passe son temps à démonter et à remonter. C’est une tireuse experte, capable de loger une balle dans une pièce de monnaie à plusieurs dizaines de mètres de distance.

Sa mère est décédée quelques années plus tôt dans des circonstances mystérieuses. Turtle est sous l’emprise d’un père aussi charismatique que brutal, qui lui impose des exercices physiques rudes pour affronter l’apocalypse ou ce qui y ressemblera et font passer le camp d’entraînement de Full Metal Jacket pour un camp de boy-scout. Très vite, on se rend compte (de façon explicite) que père et fille ont une relation incestueuse.

Vivre libre avec Etty Hillesum, Cécilia Dutter

Ecrit par Laurent Bettoni , le Mardi, 20 Mars 2018. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres

Vivre libre avec Etty Hillesum, éd. Tallandier, mars 2018, 156 pages, 14,90 euros . Ecrivain(s): Cécilia Dutter

 

 

Romancière et essayiste, Cécilia Dutter est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages dont cinq essais en spiritualité, parmi lesquels trois ouvrages consacrés à Etty Hillesum : Etty Hillesum, une voix dans la nuit (Robert Laffont, 2010), Un cœur universel, regards croisés sur Etty Hillesum, (Salvator, 2013) – collectif qu’elle a coécrit et dirigé – et désormais ce troisième ouvrage, Vivre libre avec Etty Hillesum, qui vient de paraître aux éditions Tallandier. Elle est également présidente de l’association Les Amis d’Etty Hillesum, qui regroupe plus de trois cent cinquante adhérents et comprend plusieurs antennes en province et à l’étranger. C’est dire combien cette magnifique figure de femme qu’est Etty Hillesum et la beauté de son parcours spirituel tiennent à cœur à l’auteur, qui entend, avec ce nouvel essai, très différent des précédents, mettre ses enseignements à la portée de tous.

Le fils du héros, Karla Suárez

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 20 Mars 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Amérique Latine, Roman, Métailié

Le fils du héros, août 2017, trad. espagnol, François Gaudry, 272 pages, 20 € . Ecrivain(s): Karla Suárez Edition: Métailié

 

Ernesto, l’antihéros cubain de cette chronique d’une enfance et d’une adolescence au temps des guerres de colonie, lorsque l’Angola et Cuba tissaient de sombres échanges de chair fraîche, campe un bien beau personnage, portraituré par Karla Suárez avec toutes les nuances réalistes que ce genre impose.

Voici Ernesto, jamais remis de la perte de son père, entouré d’une fratrie et d’une famille au sens large, les frères des père et mère, le grand-père, les sœurs, qui connaît les heures aussi sombres et/ou exaltantes d’un pays coupé de tout par ses positions idéologiques, dans lequel il faut vivre pourtant.

L’on suit avec intérêt les tribulations politiques et amoureuses d’un gars qui s’est, dès le plus jeune âge, donné un bien beau compagnonnage d’ami(e)s : Lagardère, Tempête… Rosa, Alejandra, Renata sont les figures féminines qui vont aider Ernesto à se construire, au-delà d’une timidité native, au-delà des incertitudes. L’amitié de Berto, Cubain installé à Lisbonne, passionné comme lui par tout ce qui touche au pays natal, va plonger notre Ernesto dans la quête essentielle de ses origines, de Cuba à l’Angola qui a « pris pour toujours le père ».

La Solitude des étoiles, Martine Rouhart

Ecrit par Patrick Devaux , le Lundi, 19 Mars 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

La Solitude des étoiles, Editions Murmure des soirs, octobre 2017, 219 pages, 19 € . Ecrivain(s): Martine Rouhart

 

La première chose qui vient à l’esprit en lisant ce roman, ce n’est pas ce qu’il raconte mais le ton très « humain » qui ramène au quotidien, à la réflexion sur soi, sur autrui : « Je me demande comment j’ai pu fabriquer une fille pareille, plus fermée qu’une huître. Pas facile d’élever un enfant, d’en faire quelqu’un qui sera heureux ».

Tout en racontant ses personnages, il y a parallèlement, chez la romancière, une sorte de permanent discours intérieur qui est davantage de la réflexion que de l’introspection, une sorte de réflexion intérieure qui traverse le quotidien en effleurant la philosophie globale : « lorsqu’on est au fond du trou, il est difficile d’en sortir si l’on n’a pas de véritable raison de le faire ».

La solitude des êtres confrontée à celle des étoiles très éloignées entre elles motive le choix personnel : « Je me demande ce qui nous empêche de rester nous-mêmes, on se sentirait déjà moins seul ».