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Critiques

Le Jardin d’Orléans, Catherine Saulieu

, le Jeudi, 05 Avril 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Editions de Fallois

Le Jardin d’Orléans, mars 2018, 344 pages, 22 € . Ecrivain(s): Catherine Saulieu Edition: Editions de Fallois

 

Histoire d’un nain (de jardin)

Catherine Saulieu a retrouvé les mémoires de son grand-père, Joseph Magloire, et se fondant sur ceux-ci, elle raconte sa vie. Il est issu d’une famille bourguignonne qui a dû s’exiler en Algérie à la fin du 19esiècle à la suite d’une faillite frauduleuse.

Une famille de tradition royaliste, qui déteste les francs-maçons et revêt des habits de deuil le 14 juillet, date funeste. Et naturellement, viscéralement antisémite. « Ceux-là, on les haïssait. Malheureusement, ils étaient fourrés partout, et même en classe de grec où il n’était pas rare qu’ils confisquent le prix d’excellence » note l’auteur avec ironie.

Le failli s’appelle Adrien Legros, il a signé un blanc-seing à un prêtre qu’il a chargé de construire un orphelinat. Mais l’abbé est un mauvais gestionnaire et Adrien se trouve rapidement ruiné. Loin d’en vouloir à l’église catholique, Adrien élève ses enfants et petits-enfants (dont Joseph Magloire grand-père de l’auteur) dans la foi chrétienne avec un discernement proche du néant.

La Revenue, Donatella di Pietrantonio

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 04 Avril 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Seuil, Italie

La Revenue, janvier 2018, trad. italien Nathalie Bauer, 240 pages, 20 € . Ecrivain(s): Donatella di Pietrantonio Edition: Seuil

 

La romancière de Mia madre è un fiume(2011) a placé son troisième roman, paru en Italie en 2017 sous le titre L’Arminuta(Einaudi), sous la bannière épigraphique de la grande Morante. La mémoire, en effet, celle des étés perdus, court dans ce roman qui trouve chœur et résonnance dans les Abruzzes natales de l’auteur. L’argument est tout simple : une adolescente de treize ans, placée en famille d’accueil, « revient » dans le nid familial, au village. « La revenue », entre deux familles, deux mères, deux pères, se met à apprivoiser doucement ce milieu nouveau, ce réseau familial dont elle a été retirée, découvre ses frères, Vincenzo, Sergio, Giuseppe (attardé), sa sœur Adriana. La plongée est radicale pourtant : d’une famille (d’emprunt) à l’autre, le fossé est large, tant à propos des usages qu’à celui de la culture. La pauvreté a ici valeur ancrée, et elle vient d’une « mère » des villes, soignée, délicate. Elle réapprend la mesquinerie, l’étroitesse des vies, les bouts de vie raccommodée. Adalgisa, la mère qui a élevé l’enfant, poursuit, même de loin, l’aide qu’elle a toujours accordée à cette petite parente, accueillie pour de bonnes raisons. Fratrie trop grande, misère du village… et d’autres motivations que la chute du roman éclairera.

Au fil des songes, Intissar Haddiya

Ecrit par Patrick Devaux , le Mercredi, 04 Avril 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Maghreb

Au fil des songes, éd. St Honoré, décembre 2017 (méditation philosophique), 64 pages, 8,90 € . Ecrivain(s): Intissar Haddiya

 

Intissar se veut souffle. Tout, dans ces textes courts à consonance philosophique, commence par le texte d’un autre qu’on peut deviner Souffle, Inspiration, le quotidien étant sacralisé d’une certaine façon : « On m’a parlé de ce livre Que je ne connais pas Ecrit par un autre que moi ».

Rendre la vie prévisible et partage de soi à travers les autres, voilà bien la démarche de cet auteur également romancière.

C’est que la sagesse apprise, les livres et la mémoire des ruines sont importants dans la forge d’un destin bâti sur des références solides.

Presque un texte de remerciements puisque « l’aube se lève sur des plaines basanées ».

Magie des couleurs ; poème sonore avec des vibrations de ciel.

La classe verte, Benjamin Pitchal

, le Mardi, 03 Avril 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

La classe verte, février 2018, 304 pages, 21 € . Ecrivain(s): Benjamin Pitchal Edition: Gallimard

Benjamin quitte le lycée, le baccalauréat en poche. Alors que ses parents rêvent de le voir s’enferrer dans des études supérieures, il n’aspire qu’à la liberté, celle des voyages, de la poésie, de la Grande Vie, qu’il conçoit de bohème mais sans les désagréments du « sans-le sou ». Il trouve auprès de son grand-père biologique, Alain Gheerbrant, une oreille attentive et bienveillante, ainsi qu’un allié précieux dans la voie qu’il s’est choisie : tumultueuse, chaotique, constellée de toutes les promesses que la jeunesse entrevoit, et avant tout libérale pour ne pas dire libertaire. Explorateur et homme de lettres, le vieil homme espère bien transmettre à ce petit-fils tombé du ciel sa passion pour la littérature, ainsi que toutes les ficelles de son ancienne profession. Fasciné par le destin exceptionnel de celui qui explora l’Amazonie et fut l’éditeur d’Antonin Artaud, Benjamin voue à ce grand-père charismatique une réelle et tendre admiration, et se laisse bien volontiers enivrer par ses récits, conseils et anecdotes distillés au cours de déjeuners gastronomiques bien arrosés, et qui, toujours, convoquent d’illustres personnages, tels que Paulhan, Gide, Breton, Bataille ou encore Césaire. Si Alain lui prodigue sa propre conception du surréalisme et l’encourage dans sa vocation poétique (« Quelles que soient les circonstances, il faut toujours prendre le parti de la révolte. Tel aurait dû rester le principal enseignement du surréalisme »), Benjamin s’aventurera malgré tout dans des voyages beaucoup plus périlleux que l’engagement intellectuel prôné par son grand-père.

La nuit ne se tait pas, Danièle Corre

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 03 Avril 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

La nuit ne se tait pas, Éditions Tensing, 2013, 87 pages, 9 € . Ecrivain(s): Danièle Corre

 

Paru aux Éditions Tensing en 2013,La nuit ne se tait pasde Danièle Corre accueille en ses lignes vives l’obscurité lumineuse sous-tendant la toile nocturne. Toile tendue dans l’écoute d’une écriture elle-même lumineuse (ainsi que Charles Dobzynski qualifia l’écriture de la poète dans Aujourd’hui poèmeen octobre 2006).

Les mots de Georges-Emmanuel Clancier cités en exergue, extraits de Vive fut l’aventure, en appellent à la Terre et sa lumière (« Terreta lumière// qu’elles’étendede cercleen cerclesans fin// et chante »). Vêtus d’impatience nous tentons, écrit Danièle Corre, d’« égratigner de lumièrenos pans de nuits », besogneux d’un espoir incessant, tous nos sens à l’affût, nous tenant inlassablement à chaque jour recommencé « sur une nouvelle parcelled’espace une autre plate-forme du temps ». Le souffle de nos veilles est semblable à cette lueur que l’appel d’air n’étouffe pas, qu’un excès d’oxygène ou d’attente suffirait à consumer ou éteindre. Au cœur de La nuit(qui) ne se tait pas, l’étincelle d’un souffle soutient nos regards, parcourant les palpitations d’une douceur d’être