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Critiques

Ma vie dans les monts, Antoine Marcel (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 08 Octobre 2018. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Récits, Arléa

Ma vie dans les monts, avril 2018, 226 pages, 17 € . Ecrivain(s): Antoine Marcel Edition: Arléa

 

Après avoir, comme on dit familièrement, roulé sa bosse et exercé des professions aussi diverses que, parfois, surprenantes, dont celle de scaphandrier sur (ou plutôt sous) une plate-forme pétrolière au large de l’Afrique, Antoine Marcel, auteur de plusieurs ouvrages consacrés aux spiritualités orientales, s’est retiré dans un coin de France qui s’appelait jadis la Xaintrie, entre la Corrèze et le Lot, plus précisément dans la commune d’Altillac, où réside déjà une autre personnalité, Marcel Conche, dont c’est le village natal. Le philosophe d’Épicure en Corrèze est également (ce n’est pas l’aspect le mieux connu de son œuvre) traducteur de Lao-Tseu.

Ma Vie dans les monts revêt la forme d’une suite de notations non datées, alternant considérations sur le zen et remarques sur l’existence quotidienne dans une campagne reculée. Pour un lecteur qui réside dans une grande ville et passe plusieurs heures chaque jour dans des métros ou des trains de banlieue, les remarques sur le bois qu’il faut couper et empiler, le terrain environnant à entretenir, les arbustes à planter, seront d’un exotisme roboratif. Pour quelqu’un qui se trouve dans la même situation qu’Antoine Marcel et qui accomplit les mêmes besognes, de telles observations seront banales.

Œuvres complètes, Franz Kafka, La Pléiade (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 08 Octobre 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Langue allemande, Roman, Nouvelles, La Pléiade Gallimard

Œuvres complètes, Franz Kafka, La Pléiade, Gallimard, octobre 2018, Tome I, Nouvelles et récits ; Tome II, Romans, trad. allemand 60 € et 55 € jusqu'au 31/03/19 . Ecrivain(s): Franz Kafka Edition: La Pléiade Gallimard

 

Franz Kafka et les célibataires endurcis

Le héros de Kafka est un homme, sans monde, sans famille. C’est un « fils » déshérité, un homme perdu au milieu du monde ou de rien – ce qui est pour lui un peu la même chose. Face à lui – et non seulement dans la Lettre au père – la figure de ce dernier est celle du despote. Elle se développe suivant les œuvres de diverses manières.

Parfois il s’agit du géniteur mais le plus souvent c’est une entité, une machine qui réduit le héros à « un point minuscule » comme le rappelle Robert Lapoujade dans Les existences moindres. Le héros – du moins ce qu’il en reste – est par excellence dépossédé de tout et de lui-même. Sa vie quoique tragique n’est même plus une destinée mais une suite d’instants.

Cette nouvelle édition par ses traductions plus nerveuses et précises montre un être dont le corps lui-même n’est plus sa propriété. Assis, il est plus proche de sa chaise que de lui-même.

J’ai décidé d’arrêter d’écrire, Pierre Patrolin (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Vendredi, 05 Octobre 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Récits, P.O.L

J’ai décidé d’arrêter d’écrire, octobre 2018, 172 pages, 17 € . Ecrivain(s): Pierre Patrolin Edition: P.O.L

 

La rivière sans retour

L’écriture est une maladie dont on ne guérit pas : Duras l’avait dit, Patrolin le confirme. Il prouve que celui qui s’y engage est ravi, capturé et que rien n’y fait. Son livre devient en conséquence l’histoire d’une fiction qui s’écrit et le roman de l’impossible arrêt de l’écriture.

Ces deux « fils » se tissent, s’entremêlent en ce qui tient d’un échec et d’un désastre. Et d’une réussite. On croit d’abord que la décision d’arrêter d’écrire est au centre de l’histoire, des histoires. Mais c’est l’inverse qui se passe. Entre bordure et absence il existe bien plus que des didascalies du silence mais son perpétuel débordement. Le « comment-taire » est impossible : ne demeure que son commentaire.

Rien ne se passe – du moins en ce qui concerne le désir d’arrêter le cours de la rivière sans retour où tout baigne (héroïne et feuilles de papier). L’écriture se voudrait barrage, elle n’est que typhon au sein de ce qui tient d’une mise en abyme, d’un éblouissement, de la nécessité fatale de l’écriture et de son travail de résistance.

La gouvernante suédoise, Marie Sizun (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 05 Octobre 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

La gouvernante suédoise, mai 2018, 320 pages, 7,80 € . Ecrivain(s): Marie Sizun Edition: Folio (Gallimard)

 

Voilà bien un roman, style saga familiale, plein de rebondissements, à l’intrigue noueuse comme un « nœud » narratif, le style même d’un bon livre romanesque d’été, si l’auteur n’avait puisé à sa propre histoire pour en donner une matière quasi fictionnelle. On ne révélera rien de la chute – digne de romans à l’eau-de-rose, alors que c’est pure réalité historique.

La narratrice conte ainsi les histoires de sa famille, d’origines suédoise et française, doublement scandinave (le lecteur s’en rendra compte s’il lit jusqu’au bout). On est dans les années 1867-1868 lorsque démarre l’intrigue. Nous nous contenterons de dire qu’un émigré français, devenu professeur de sa langue à Göteborg, fait la rencontre décisive de sa future femme, qui lui donnera cinq enfants. La narratrice descend de ce Léonard et de sa femme Hulda. Il s’agira pour le couple d’engager très vite une gouvernante, Livia (Olivia), suédoise, d’où le titre.

Holocauste, Une nouvelle histoire, Laurence Rees (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Vendredi, 05 Octobre 2018. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Iles britanniques, Albin Michel, Histoire

Holocauste, Une nouvelle histoire, janvier 2018, trad. anglais Christophe Jaquet, 636 pages, 24,90 € . Ecrivain(s): Laurence Rees Edition: Albin Michel

Pourquoi recenser, dans un site voué à la littérature, un livre d’histoire traitant de la Shoah ?

Parce que l’entreprise génocidaire nazie marque une des limites de la « littérature » et, peut-être, un de ses échecs, en tant que mode de connaissance du monde et de l’être humain. Aucun écrivain, si audacieux ait-il été, ne l’a vue arriver. Jules Verne a pu anticiper le sous-marin de guerre, le voyage sur la Lune, la télévision et bien d’autres choses, mais ni lui, ni personne d’autre n’a imaginé l’anéantissement programmé, rationalisé, technicisé, de tout un groupe humain. À l’autre extrémité du temps, rares sont les œuvres littéraires, les textes de fiction (en excluant donc les témoignages) qui se soient hissés au niveau de cette tragédie. On pense au finale du Dernier des justes ou à l’avant-dernier chapitre de La librairie Sophia.

Un mot du titre : désigner la solution finale par le terme d’holocauste est commun dans le monde anglo-saxon (Meryl Streep fit une de ses premières apparitions dans une série télévisée portant ce titre). En français, l’acception religieuse du mot (« Chez les Juifs, sacrifice où la victime était entièrement consumée par le feu. La victime ainsi sacrifiée », Littré) pose problème. On ne voit en effet pas à quelle divinité perverse et impie il aurait fallu sacrifier des millions d’êtres humains.