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Critiques

Les aventures de Mao pendant la Longue Marche, Frederic Tuten (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 04 Octobre 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Gallimard

Les aventures de Mao pendant la Longue Marche (The Adventures of Mao on The Long March), traduit de l’américain par Maurice Rambaud, Gallimard 1974. 195 p. . Ecrivain(s): Frederic Tuten Edition: Gallimard

L’expression « OVNI littéraire » a été tellement galvaudée qu’on peut hésiter à l’utiliser encore. Cependant cette image s’impose pour ce roman (??), cet épisode de l’Histoire (??), cet exercice de style (??), cet essai sur l’art (??) que Frederic Tuten écrivit dans les années qui suivirent le vent de folle liberté qui soufflait sur le monde occidental, dans les années 70.

Ce livre bouscule de manière inouïe tous les codes du romanesque ou de la narration. On y trouve enchâssés les uns dans les autres, des paragraphes, d’Histoire de la Chine pendant la Longue Marche entreprise par Mao-Tsé-Toung et son Armée Rouge au début des années 30, des passages romanesques ayant pour cadre la même période — Mao est un formidable personnage de roman en vérité —, des pages de considérations sur l’Art moderne et sa création, des pastiches formidables de grands écrivains américains — Faulkner, Malamud, Dos Passos, Hemingway, Lowry, Kerouac, des citations de pages entières d’Emerson (Walden) ou de Joyce. Et, au passage, des considérations où le discours intellectuel sur l’art ou la littérature en prend pour son grade ! Et c’est souvent à se tordre de rire.

Les hautes lumières, Xavier de Moulins (par Marjorie Rafécas-Poeydomenge)

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Jeudi, 04 Octobre 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Jean-Claude Lattès

Les hautes lumières, octobre 2017, 377 pages, 19 € . Ecrivain(s): Xavier de Moulins Edition: Jean-Claude Lattès

 

La hargne d’avoir un enfant n’est-elle pas la meilleure façon de tuer un couple ? Ce roman décrit le parcours à bout de souffle de Nina, coiffeuse de Bondy, et Tahar, chauffeur de taxi marocain, désarmés face à la procréation. On assiste à un choc culturel, entre la vision occidentale qui médicalise les problèmes d’infertilité de façon froide et administrative et la culture marocaine où la famille de Tahar est prête à donner un enfant de leur chair, pour créer le bonheur de ce couple et désenrayer enfin la fatalité. Mais faut-il vouloir à tout prix défier le destin ?

Entre les pics d’hormones et les lourdeurs administratives pour adopter un enfant, Nina devient obsessionnelle et se sent enfermée dans ce destin cloisonné par son utérus mal formé. L’auteur nous surprend par sa description si réaliste de ce que ressent une femme en plein bouleversement hormonal provoqué par la FIV. Broyée par l’engrenage de la procréation sans poésie, Nina se sent comme une vache bovine. A chaque piqûre, elle « est brutalement ramenée à sa condition. Elle se traite de grosse mère en grimaçant devant son reflet. (…) – Meuh ! Elle rigole pour de vrai devant la glace, pleure pour de vrai, nerveuse comme un pur-sang dans un corps de baleine ».

Le Feu des manuscrits, Lecteurs et scribes des textes médiévaux (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 03 Octobre 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Histoire

Le Feu des manuscrits, Lecteurs et scribes des textes médiévaux, Les Belles Lettres, mars 2018, 184 pages, 21 € . Ecrivain(s): Alain Boureau

 

Aucun médiéviste digne de ce nom ne peut se contenter de réfléchir à partir des seuls textes imprimés à sa disposition. À un moment ou à un autre, il est inévitable que celui ou celle qui aspire à découvrir quelque chose de neuf consulte des manuscrits. L’univers des manuscrits médiévaux est, depuis le début de l’exercice, au XVIIIesiècle, bien cartographié (mieux en tout cas que celui des manuscrits modernes, certes plus nombreux). Néanmoins, des surprises sont toujours possibles : réévaluations, erreurs d’attribution, voire attribution nouvelle, anonymat de l’auteur levé par comparaison avec d’autres œuvres, etc. Même si le texte qu’il transmet a été copié en plusieurs exemplaires, le manuscrit lui-même, si modeste soit-il, est par définition un objet unique, copié avec un soin variable par un individu dont le nom s’est en général perdu, un objet coûteux (nous disposons d’actes notariés par lesquels un manuscrit était cédé en échange d’une maison de ville et d’un terrain). Compulser un manuscrit permet un contact direct avec le passé. Ce n’est pas la même chose que de lire un texte médiéval dans une édition moderne, si bien faite soit-elle.

Eléni, ou Personne, Rhéa Galanaki (par Christelle d'Hérart-Brocard)

, le Mardi, 02 Octobre 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Roman, La rentrée littéraire, Cambourakis

Eléni, ou Personne, août 2018, trad. grec René Bouchet, 380 pages, 20 € . Ecrivain(s): Rhéa Galanaki Edition: Cambourakis

 

Bravant règles et interdits dans son pensionnat, Eléni Altamura-Boukoura croque frénétiquement ses camarades et tout ce qui l’entoure, et prolonge cet exercice, la nuit, à la lueur de bougies volées. Si sa mère désapprouve sévèrement cette excentricité, son père, le célèbre marin et capitaine de Port Ioannis Boukouris (qui a fait helléniser son nom libanais), non seulement s’en amuse, mais encourage les ébauches de sa fille adorée, son aînée et sa préférée, jusqu’à lui offrir des cours particuliers avec le célèbre peintre italien, Raffaello Ceccoli. Mais ces petites transgressions et largesses prennent une tournure beaucoup plus sérieuse et inquiétante le jour où la jeune fille émet le souhait de se rendre en Italie afin d’étudier la peinture, de parfaire ses connaissances et de réaliser pleinement sa vocation artistique. C’est là que la figure héroïque du père, fantasque et charismatique en public, se réalise aussi dans l’intimité, avec une grandeur d’âme et une noblesse tutélaire hors du commun. Aussi, lorsqu’il accepte d’accompagner sa fille à Rome, dans un contexte politique troublé et incertain, amorce-t-il en même temps qu’il le scelle le destin exceptionnel de la première femme peintre grecque qui, au XIXème siècle, est allée étudier en Italie :

Robert Louis Stevenson, Œuvres, III en Pléiade (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Lundi, 01 Octobre 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Nouvelles, La Pléiade Gallimard

Robert Louis Stevenson, Œuvres, III 29 mars 2018, 1296 pages (62 € : prix de lancement jusqu’au 31 décembre 2018) . Ecrivain(s): Robert Louis Stevenson Edition: La Pléiade Gallimard

 

Les derniers écrits de Stevenson en la Pléiade

Dans les îles Samoa où il séjournait depuis près de quatre ans, une hémorragie cérébrale foudroie Robert Louis Stevenson, à l’âge de quarante-quatre ans. L’écrivain, dans une lettre à J. M. Barrie datée du 29 juillet 1894, confesse : « Ce que j’ai toussé dans ma vie ! ». Et il va jusqu’à écrire à Edmund Gosse le 1erdécembre de la même année : « Je ne suis pas né pour vieillir ».

Et, pourtant, ce qui caractérise ontologiquement Stevenson, c’est son énergie. Qu’il déploie de diverses manières, au point de se confondre avec elle. Il le reconnaîtra d’ailleurs lui-même dans la lettre qu’il adresse à Sidney Colvin le 15 septembre 1892 : « Énergique – c’est ce que je suis avant tout, totalement énergique, plein d’entrain ».