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Critiques

La Capture, Mary Costello (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 27 Novembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Seuil

La Capture, Mary Costello, août 2020, trad. anglais, Madeleine Nasalik, 272 pages, 19,90 € Edition: Seuil

 

Certes, c’est un roman, mais c’est, avant toute chose, une certaine façon d’écrire très personnelle : « Il poursuit son chemin. Les arbres l’apaisent. La vue d’un arbre, surtout en hiver, la silhouette nue qui se découpe contre le ciel, une splendeur. Il s’arrête, caresse un tronc. Jeune, fragile, innocent ». L’écriture s’active dans une sorte d’instantané même quand le passé est évoqué, ce qui m’a parfois fait songer à Duras.

Cette façon très personnelle de présenter le roman, avec souvent des personnages en introspection d’eux-mêmes, donne récit à cette âme profonde qui révèle une plume.

Ce n’est, toutefois, nullement un style donnant une apparence édulcorée, ni dans le ton, ni dans le sujet : « Il se souvient de la peur qu’il a eue la fois où il a mangé des asperges donnant à sa pisse une forte odeur de soufre ». Les images sont prises « en direct », scénarisées.

Baiser féroce, Roberto Saviano (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 27 Novembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard, Italie

Baiser féroce, trad. italien, Vincent Raynaud, 400 pages, 22 € . Ecrivain(s): Roberto Saviano

 

En sept livres, cinq essais journalistiques et deux romans, Saviano s’est imposé comme l’écrivain napolitain capable de dénoncer toutes les roueries et horreurs de la camorra. Le jeune auteur de quarante-et-un ans, aujourd’hui sous garde policière, éclaire le parcours d’adolescents et de jeunes adultes qui ont entrepris de remplacer sur le terrain les vieux briscards, avec une détermination qui fait de ces antihéros des personnages de haute lutte, lancés tête baissée, armes au poing, dans le lacis des rues de Naples pour accomplir le pire.

On sait l’auteur au fait de toutes les manœuvres de l’entreprise criminelle. On sait moins que des « enfants » ont pris hélas le relais. Le nouveau roman de Saviano se trouve au cœur de la tourmente.

Maharaja (Nicolas) et sa troupe écument Naples, se jettent à cent à l’heure au travers de la ville pour donner la juste mesure de leur talent de pilleurs et de criminels. Les bandes rivales ambitionnent d’occuper tous les terrains, et le baby-gang doit sans cesse faire ou défaire des alliances pour ne pas perdre le monopole de la coke au centre de la ville. Les aventures trépidantes de la « paranza » prête à tout pour se maintenir au pouvoir trouvent leurs lieux d’action à Naples même, entre le port d’attache du groupe, resté secret, et toutes les poursuites affolantes dans les rues sombres de Naples .

La Grande épaule portugaise, Pierre Lafargue (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 26 Novembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

La Grande épaule portugaise, Pierre Lafargue, Editions Vagabonde, août 2020, 259 pages, 17,50 €

 

« Une rivière est là, car il en faut toujours une (p.28). Les ormes, les jolis peupliers aussi. Le vent ajoute à tout cela une animation bienvenue.

(p.28) Ce point de vue aurait mérité d’être développé ».

La Grande épaule portugaise est un roman qui ne ressemble qu’à lui-même, une aventure romanesque étourdissante, étonnante, foudroyante, un roman qui à l’image de l’océan, passe d’un calme rassurant à une fureur sidérante, et qui est littéralement foudroyé par ce qu’il raconte, ce qu’il suit à la lettre. Un roman placé sous l’influence d’astres, de fleuves et de dieux, d’écrivains fantasques réels ou imaginaires. Un roman placé sous les feux de notes de bas de page qui se bousculent et bousculent le roman – à faire trembler les universitaires lettrés qui en raffolent –, des romans s’y glissent, c’est un jeu, où se mêlent humeurs, reproches, mises au point, références les plus loufoques les unes que les autres, le tout dans un éclat de rire, jaune parfois, qui traverse toute l’histoire de ce roman échevelé.

Gueule noire, Estelle Fenzy (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 25 Novembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, La Boucherie Littéraire

Gueule noire, 54 pages, 12 € . Ecrivain(s): Estelle Fenzy Edition: La Boucherie Littéraire

 

Le responsable éditorial, Antoine Gallardo, le précise dans les remerciements inscrits à la fin de l’opus : « Tout comme moi, Estelle Fenzy ne s’imaginait pas au moment où elle me confiait ces tendres souvenirs d’enfance, qu’ils m’inspireraient une nouvelle collection ». Après la collection éminente des éditions de La Boucherie littéraire, « Sur le billot », Gueule noire ouvre ainsi la nouvelle collection « Sur le billot pour tous » avec un opus poétique s’adressant à des lecteurs de 7 à 107 ans qui souhaiteraient goûter « la saveur de l’enfance retrouvée ». Et celle-ci, universelle par sa période d’inédite exploration à un âge où les perspectives du monde offert sont encore indemnes, indéfinissables et terriblement ouvertes, est profondément palpable entre les pages de cette publication aussi rafraîchissante que chaleureuse, comme la tendresse peut remuer les herbes folles et verdissantes de l’enfance, réactiver la joie ou la nostalgie dans un présent traversé par les souvenirs.

Le Cœur en bandoulière, Michel Tremblay (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 25 Novembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Actes Sud, Théâtre

Le Cœur en bandoulière, 128 pages, 10,99 € . Ecrivain(s): Michel Tremblay Edition: Actes Sud


Michel Tremblay considère Le Cœur en bandoulière comme « un roman hybride » ; il serait possible pour lui de créer à la façon des agronomes un nouveau fruit littéraire. En effet, son texte rassemble deux genres : un récit à la première personne, dont le narrateur est un auteur de théâtre septuagénaire, en villégiature à Key West, aimant aller voir les couchers de soleil sur la jetée, et une pièce de théâtre en un acte, Cher Tchékhov, présentée avec sa première de couverture, sa liste de distribution, et dont l’auteur n’est autre que le promeneur de la jetée. L’écrivain vieillissant désire reprendre le texte de 82 pages qu’il a abandonné et tenter enfin de l’achever. Les deux genres s’entrecroisent tout au long de l’œuvre. On sait que Michel Tremblay écrit romans et pièces. Même s’il rejette l’écriture autobiographique, les lecteurs pourront reconnaître des morceaux de vie de l’écrivain : l’âge du narrateur, les séjours à Key West, l’homosexualité de l’un des personnages, le métier d’auteur dramatique redoublé sous les traits du narrateur principal et de Benoît, personnage principal de la pièce, ou encore le décor québécois près d’un lac dans la seconde partie du texte.