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Critiques

Sous la ramée des mots, Georges Cathalo (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 18 Décembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Editions Henry

Sous la ramée des mots, Georges Cathalo, octobre 2020, 48 pages, 8 € Edition: Editions Henry

Le poète Cathalo nous a habitués à ces petites plaquettes, ses « Quotidiennes » que publièrent Texture ou La Porte, toujours écrites dans la concision, poèmes pensés avec acuité et vigilance pour dire le monde qui va, qui va mal, qui erre, qui se déglingue. Son nouveau recueil ne déroge guère à ces principes, libéré de toute influence, consignant sous les titres variés, des réflexions, des images de vie, des petits récits sur notre monde. Le poète sait trop bien, lui qui manie la langue « sous la ramée des mots » combien chaque vers porte, combien chaque image entraîne le lecteur vers l’autre :

tu feras le tour du monde

tu auras longtemps cherché

sans jamais rien trouver (p.20)

Ces textes, discrets mais incisifs, disent assez, avec la voix modeste des constats, la solitude « au monde », « la fumée invisible et mortelle » du mal, les affreux « guetteurs » de nos vies, les infléchissant sans arrêt vers le sombre, faux prophètes.

Femmes, Nizar Kabbani (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 17 Décembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Arfuyen

Femmes, Nizar Kabbani, novembre 2020, trad. arabe, Mohammed Oudaimah, 72 pages, 12€ Edition: Arfuyen

 

Ce livre est une réédition (chez le même Arfuyen) d’un court recueil de 1988, qui avait introduit l’auteur en France. Son titre, d’un mot, dit le but : faire reprendre aux femmes, par l’amour, leur propre sort en mains.

« Quand j’ai fait route sur tes mers, ma reine

je ne regardais pas les cartes

je ne portais de canot ni de bouée

mais j’ai vogué vers ton feu comme un bouddha

et j’ai choisi mon destin

Mon bonheur était d’écrire à la craie

mon adresse sur le soleil

et sur tes seins de construire les ponts » (p.11)

Le silence des Matriochkas, Anne Bassi (par Marjorie Rafécas-Poeydomenge)

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Jeudi, 17 Décembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Le silence des Matriochkas, Anne Bassi, Editions Bérangel, novembre 2020, 136 pages, 16 €

 

Une « petite fille mélancolique et solitaire » sommeille en Anouchka, cette avocate réfléchie qui ne comprend pas d’où vient ce « silence sournois qui la tourmente ». Selon la mythologie de notre société moderne, Anouchka devrait pourtant se sentir épanouie dans cette vie réussie et si bien rangée. Sa grand-mère Raïssa lui a appris à ne pas déranger et à faire plaisir sans se plaindre.

Mais sa mélancolie persiste et elle est convaincue que ce n’est pas la sienne, elle vient « d’un autre temps »… Rythmé par des chapitres qui sautent d’époque en époque, s’emboîtant comme des poupées russes entre Duvno-Paris-Berlin, ce roman captive et finit par délivrer son secret : la mélancolie n’est pas un hasard. Une croyance juive veut que les âmes qui n’ont pas accompli leur mission ne meurent pas. Les poupées russes ne sont-elles pas finalement la métaphore d’un héritage transgénérationnel, la collection d’âmes d’une même lignée transpercée par le même secret ?

Fin de saison, Thomas Vinau (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 16 Décembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

Fin de saison, octobre 2020, 192 pages, 16 € . Ecrivain(s): Thomas Vinau Edition: Gallimard

 

« Pas le temps de dire ouf et le monde a vrillé. Je me suis dit : Holà on va se prendre un sacré orage de fin de saison. Je croyais pas si bien dire. Petit caillou gris dans la prairie, c’est mon nom d’Indien. Les vitres tremblaient, les volets claquaient. Le crépi ocre des résidences se parsemait de taches brunes. C’était les oiseaux fracassés contre les murs ».

Victor, c’est son nom, le narrateur de Fin de saison est face à une catastrophe, une fin du monde qui renverse sa vie. Les murs tremblent, tout se déchire, la chute est inévitable. Alors armé de tout ce qu’un survivaliste doit posséder, il se réfugie dans la cave de sa maison avec son masque et sa combinaison de protection, son sac de survie, ses pilules, quelques accessoires entassés dans un Catakit, sorte de kit de survie quand une catastrophe surgit, en compagnie de son chien et de son lapin. Vendredi est dans son île avec son chien et son lapin, et s’attend au pire. Amateur de Science-Fiction, lecteur de Victor Hugo – Sacrées histoires et sacrée vie – et de Bukowski – Il faisait 17 degrés et il ne restait pas grand-chose du monde –, il se prépare à un long voyage qui ne finirait jamais, tout droit vers la fin du monde, en se souvenant des aventures de Mike Horn et à ses challenges de déglingo.

Vigiles des villages, Bernard Fournier (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 16 Décembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Vigiles des villages, éd. Cahiers de Poésie Verte, Coll. Trobar, Prix Troubadours/Trobadors, 2020, 42 pages, 12 € . Ecrivain(s): Bernard Fournier

 

Ce trente-deuxième recueil de la Collection Trobar est publié en supplément au n°131 de Friches, Cahiers de Poésie Verte, dirigés par Jean-Pierre Thuillat, pour nous emmener au pays des « pierres levées, pierres pointées, pierres soignées », ces monuments mégalithiques dont les menhirs et les dolmens sont les Vigiles des villages dans le département de l’Aveyron (ancien comté du Rouergue). L’occasion pour le poète Bernard Fournier d’y tracer ses lignes non loin de Guillevic, natif de Carnac, qui a aussi chanté les pierres ; de rester en contact avec une mère disparue à travers ces figures maternelles représentées par les « statues-menhirs » du Musée Fenaille de Rodez (« mères à la poitrine lasse, mère aux hanches fécondes ») ; de garder trace de ses racines modelées dans la langue d’oc au pays rouergat.

La personnification de ces « pierres nues / vieilles archives, aïeules aux hanches larges / aux baisers enfuis » prend corps dans le mystère et l’obscur lumineux des strates de « nos mémoires » sur lesquelles