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Roman

Plasmas, Céline Minard (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 07 Septembre 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Rivages

Plasmas, août 2021, 158 p. 17 € . Ecrivain(s): Céline Minard Edition: Payot

 

Céline Minard est heureusement là dans le paysage littéraire français. Elle étonne et détonne par une virtuosité stylistique hors du commun et une imagination débridée, capable d’inventer des mondes fictionnels plus encore qu’improbables. Le Grand Jeu, Olimpia, Faillir être flingué, Bacchantes (entre autres), sont des jaillissements de territoires inexplorés, saisissants, des explorations de genres ignorés ou presque par la littérature française. La déclamation antique, le western, l’ermitage, le casse et, avec ce roman, la Science-Fiction. Minard est un écrivain. La chose est si rare aujourd’hui en France. Elle crée des mondes et les fait vivre, de toutes pièces, sans s’emberlificoter dans on ne sait quel rapport à la réalité ou à l’actualité. Minard, c’est la mort de l’auto ou de l’exo fiction, c’est la chose littéraire dans sa pureté, sa raison d’être, sa brutalité. Aux tâcherons d’aujourd’hui qui s’essaient péniblement à extraire de l’Histoire, du fait-divers, des biographies de gens célèbres, un vague roman tirebouchonné, emprunté dans tous les sens du terme, sans surprise, Céline Minard répond que la littérature est libre de toute entrave, de toute attache, de tout genre, qu’elle est le territoire infini de l’imaginaire et qu’elle n’a de compte à rendre à personne.

L’amour des choses invisibles, Zied Bakir (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Lundi, 06 Septembre 2021. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Grasset

L’amour des choses invisibles, Zied Bakir, juin 2021, 180 pages, 17,50 € Edition: Grasset

 

Dans son autofiction, L’amour des choses invisibles, Zied Bakir agrémente son récit de nombreuses références littéraires, à commencer par Le Langage des Oiseaux.

Le Langage des Oiseaux, de Sheikh ‘Attâr Neyshâbouri, poète mystique iranien des XIIe et XIIIe siècles, est un récit symbolique qui met en scène la marche du pèlerin à la recherche de Dieu sous la forme d’un voyage d’oiseaux tentant d’atteindre le plus vénéré, Simorgh, leur souverain. Et ‘Attâr de prévenir son lecteur que « La marche de chaque individu sera relative à l’excellence qu’il aura pu acquérir et chacun ne s’approchera du but qu’en raison de sa disposition », et de préciser, dans ce passage que Zied Bakir a lu, dûment surligné : « L’amour des choses invisibles c’est l’amour sans souillure. Si ce n’est pas cet amour qui occupe ton esprit, le repentir te saisira bientôt ». Or y a-t-il une chose plus invisible que l’inspiration pour un écrivain presque novice comme il le confie dans l’une de ses interviews ? (1).

La Tresse, Laetitia Colombani (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 03 Septembre 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Livre de Poche

La Tresse, Laetitia Colombani, 240 pages, 7,40 € Edition: Le Livre de Poche

 

Un premier livre pour cette réalisatrice et scénariste française. Une découverte donc, qui éclaire d’un jour sensible la condition de femmes et de filles aux quatre coins de la planète. Un regard attentif et attentionné sur le sort peu enviable des femmes, à l’heure où l’internet et les réseaux semblent défier les coutumes ancestrales. La jeune romancière a pris le pari de « tresser » trois histoires pour en livrer à la fois l’injustice, la correspondance et le combat contre la bêtise, les traditions mutilantes. Trois univers sont décrits, d’une plume très réaliste, sur un ton empathique qui emporte le lecteur vers des terres étrangères, qui semblent, de loin, si étranges, comme si le temps nous avait déplacés.

On est en Inde avec une Intouchable, Smita, décidée coûte que coûte à libérer sa fille Lalita de tous les jougs. Les Intouchables en Inde sont les réprouvés, les exclus, les ramasseurs de merdes (c’est le « métier » de Smita). Ils ne peuvent ni toucher ni vivre au contact des autres castes. Pour eux, aucune éducation, aucune libération. Les discours de Gandhi en leur faveur n’ont eu aucun résultat. Smita va se battre, ruer dans les brancards, se mettre en danger pour trouver autre chose pour elle, et surtout pour sa fille.

À mon père, mon repère, Fawaz Hussain (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 03 Septembre 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

À mon père, mon repère, Éditions du Jasmin, septembre 2021, 206 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Fawaz Hussain

 

Los

Dans son nouveau livre, Fawaz Hussain s’adresse à son père, un repère pour lui, le fils, un point d’ancrage, un jalon, en un los élogieux : « océan d’amour sans rivage, immensité de bonté ». Il saisit la figure d’un homme rare, cavalier, à la dentition en or, « autrefois une ornementation faciale très courante chez les femmes transitionnelles-traditionnelles (…) un signe de prestige » (Fatima Ayat, Horizons Maghrébins n°25/26, 1994). Cette mode très appréciée a été depuis dépréciée à cause de l’occidentalisation du Maghreb, puis redevenue l’apanage de riches rappeurs internationaux, adeptes de grillz, prothèses en or et incrustations de pierres précieuses. Fawaz Hussain aborde de nouveau sa filiation avec le peuple kurde, dont la présence et la civilisation sont anciennes.

Le Cercueil de Job, Lance Weller (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 01 Septembre 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Gallmeister

Le Cercueil de Job (Job’s Coffin, 2021), septembre 2021, trad américain, François Happe, 465 pages, 25 € . Ecrivain(s): Lance Weller Edition: Gallmeister

 

Lance Weller place son roman sous les ombres tutélaires de Cormac McCarthy et de Shelby Foote. Sa maîtrise stylistique, son sens prodigieux de la structure romanesque, lui permettent cette audace qu’il assume et transcende. Le Cercueil de Job est une traversée sous le ciel du Sud alors que grondent les canons meurtriers de la Guerre Civile, sous les étoiles d’un ciel sans Dieu ou d’un Dieu indifférent au malheur des hommes, jetés dans l’enfer de la folie guerrière ou de la folie raciale et dont la solitude ne se brise que quand une balle vient leur traverser le corps, pour les enlever à ce monde de terreur, ou les en extraire, brisés, abîmés pour toujours. On entend dans l’écriture de Lance Weller le chant désolé de La Route, de Méridien de sang, de Shiloh ; mais on entend surtout la scansion particulière de l’écriture de Lance, qui tourne autour d’une scène, en extrait tout le champ de vision, capte la douleur des personnages et nous l’envoie comme autant de blessures dans nos consciences d’hommes – étrange espèce de ceux qui sont capables de ça. De haïr, de pendre, de brûler vifs, de castrer, de violer, d’exclure des hommes et des femmes de la condition d’humains.