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Poésie

Les Chants de l’Enténébré, Georg Trakl (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 26 Avril 2021. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Langue allemande

Les Chants de l’Enténébré, Georg Trakl, éditions Arfuyen, janvier 2021, trad. de l'allemand (Autriche) par Michèle Finck, 144 pages, 15 €

 

Couleurs

Il y a longtemps que je connais la poésie de Georg Trakl. Mais, c’est la première fois que je distingue autre chose que l’expressionnisme auquel on le rattache habituellement. Bien sûr, il y a du vrai dans cette classification, mais cela reste une vérité relative, car on trouve tout aussi bien le Rimbaud des Voyelles que l’influence des avant-gardes des années 10. Je m’appuie sur cette belle idée de Todorov, qui écrit que l’œuvre de génie, capable de changer la compréhension esthétique d’une époque, est feuilletée : des liens avec le passé, pour avancer dans ce maillage des héritages, stigmates qui autorisent la nouveauté, le pas en avant. L’œuvre qui transforme la littérature n’est pas qu’une destruction de l’ancienne littérature.

Lettre au recours chimique, Christophe Esnault (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 19 Avril 2021. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Lettre au recours chimique, Christophe Esnault, éditions Aethalides, mars 2021, 128 pages, 16 €

 

Dans mes clairières, je ne suis jamais seul

J.B. Pontalis

Poème pellucide

L’impression générale que j’ai pu ressentir à la lecture de cette lettre au recours chimique, c’est celle d’une fluidité, d’un certain chant régulier. Ce texte qui graphiquement est centré sur la page (à tel point que j’ai reconnu des calligrammes, ceux d’Apollinaire comme perspective), se lit par souffle. Cette poésie est donc charnelle. Ou encore, en relation avec la phonation, l’élocution orale (très vieux modèle de la poésie occidentale depuis les aèdes). Ici, cette prise de parole devient une expérience de la pensée critique. Surtout comme un discours ironique et violent, et nullement une expression de l’espèce speakers’corner. Les thèmes n’en sont pas moins brûlants, écriture cependant conçue comme un engagement littéraire : la maladie, la déréliction psychologique, la psychiatrie et ses psychiatres.

Chasseur de Ciel, Marion Fontana (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 16 Avril 2021. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Chasseur de Ciel, La Chambre d’échos, juin 2020, 110 pages, 14 € . Ecrivain(s): Marion Fontana

 

Voilà pour la jeune auteure l’aventure d’un deuxième livre. Bref ouvrage, qui tient moins du genre romanesque que d’une réflexion onirique voire ésotérique sur l’existence confrontée aux espaces, ciel, terre, nuage. Les personnages ont peu de consistance voire de chair. Il y a bien Martha, sans description physique qui, passionnée de moto, tient à l’adresse des motards un bar de montagne, bien situé devant la chaîne des monts. Il y a deux personnages assez étranges : le chasseur de ciel, qui enfile sa moto en quête de ciel, d’errance, de découverte. Il y a la figure connue mais ici transversale et n’apparaissant qu’aux deux tiers du livre, du Roi Pêcheur, comme en retrait, hospitalisé, puis en convalescence, vieil homme fatigué.

Si certains livres gardent des qualités certaines surtout en fonction de l’intrigue, nous dirons qu’ici tout l’intérêt tient à l’écriture, maîtrisée, à la réflexion, élaborée, plus qu’à l’enchaînement d’événements. En effet, on est comme dans un temps distendu où apparaît sur la route ferme le chasseur. Nulle époque précise, nulle année, nulle précision.

Rien que l’amour, Lucien Becker (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 09 Avril 2021. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Rien que l’amour, Lucien Becker, 432 pages, 10,50 € Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

Né en Moselle en 1911, décédé à Nancy en 1984, Lucien Becker, entré dans l’administration de la police, écrivit très tôt (dès 1929) et annonça en 1961 qu’il n’écrirait plus. Son dernier recueil date de cette année-là : L’été sans fin. Mais nombre de poèmes inédits et posthumes sont repris dans cette édition qui comporte en outre des lettres de pairs ou de poètes admirés (Tardieu, Réda, Senghor, Bachelard, Bousquet…). Cet ensemble copieux, plus de quatre cents pages, convaincra le jeune public de l’intérêt de cette poésie toute dédiée à l’amour. Les titres parlent d’eux-mêmes et suggèrent, comme le note bien Guy Goffette dans sa longue préface, les blessures perçues dès le plus jeune âge : Pas même l’amour ; Le jeu des corps ; Le désir n’a pas de légende ; Les pouvoirs de l’amour ; Plein amour. De 1929 à 1961, une quinzaine de titres et des publications chez Gallimard (dès 1944) le font reconnaître de Char, Follain, etc.

C’est « un désastre intérieur » qui préside à l’écriture du poème, c’est la solitude extrême, c’est encore le silence, c’est la présence aussi d’Yvonne, sa femme, et de leur fille.

Ici, Pierre Dhainaut (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 06 Avril 2021. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Arfuyen

Ici, Pierre Dhainaut, éditions Arfuyen, février 2021, 96 pages, 12 €

 

Le poème horizon

Quel est cet ici ? Je n’ai trouvé la clé de ce livre vers la toute fin du recueil, d’une part parce que je me suis laissé imprégner, infuser par le texte, et aussi grâce au dernier chapitre qui m’a convaincu. De quoi ? Que la poésie peut penser, peut réfléchir, peut agir comme intellection. Ce poème-là n’est jamais une ornementation, mais un travail vers la nudité. Et céans, ce sont des images, une lumière nordiste à l’éclat blanc, transparent, presque froide. J’en parle en connaissance de cause ayant vécu deux ans à Valenciennes étant enfant, et mes premiers souvenirs d’écolier sont liés à cette lumière.

Cette clé dont je parle en supra, c’est donc l’horizon, celui de la Mer du Nord, ligne flottante qui indique une quête, qui collecte ce délinéament qui toujours se repousse, et ainsi recule en se rendant inatteignable. Cet horizon est encore celui du monde intérieur que le poète explore pour y fourbir son poème.