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Poésie

La Divine Comédie, Dante Alighieri, traduction nouvelle Michel Orcel (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 16 Mars 2022. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Italie

L’enfer (2018, 456 pages, 35 €), Le Purgatoire (2020, 464 pages, 35 €), Le Paradis (2021, 480 pages, 35 €)

Le Dossier Dante, Autour de la traduction de la Divine Comédie par Michel Orcel, éditions La Dogona, Arcadès Ambo, octobre 2021, 80 pages, 12 €

 

« O donna in cui la mia speranza vige,

e che soffristi per la mia salute

in inferno lasciar le tue vestige,

 

di tante cose quant’ i’ ho vedute,

dal tuo podere e da la tua bontate

riconosco la grazia e la virtute.

Karmina Ultima, Philippe Pratx (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 14 Mars 2022. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Coudrier

Karmina Ultima, Philippe Pratx, septembre 2021, Ill. Odona Bernard, préface Jean-Michel Aubevert, 162 pages, 20 € Edition: Le Coudrier

 

Ce « chant ultime » du dernier Mangbetu, tel que nous le propose Philippe Pratx, se décompose (et nous entraîne) en quatre voyages fondateurs. La prégnance aventureuse, magique, voire mystique, associée aux paysages du périple, ne se départit pas d’une large signification philosophique : les montagnes – la Morte-Terre – les îles de la Nuit – les contrées de la Brume. Vraisemblablement, l’enjeu est ici de mourir et de renaître : « Il fallut bien me résoudre à la quitter, cette pauvre vieille Terre corrompue (…) Ma vie n’est qu’errance. (…) Ceux que je rencontre se lèvent et partent » (p.16-17). Il s’agit aussi de construire, à travers ces voyages décisifs, sa propre « maison intime », et les livres y ont une place centrale, pour ne pas dire qu’ils représentent la vie.

Le Chant liminaire nous dévoile en partie les raisons qui ont poussé le poète à errer : « Si tu veux être heureux, ignore-toi toi-même, sois à toi le perpétuel “autre”, l’alien et le fou de ta conscience ; ne connais non plus jamais tout à fait “les autres” ni le monde (…) J’ai toujours su (…) dans la catastrophe universelle, demeurer réellement moi-même, j’ai toujours su tout de moi-même. (…) Cela est aussi ma souffrance » (p.34-35).

Tu vis ou tu meurs, Œuvres poétiques (1960-1969), Anne Sexton (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 14 Mars 2022. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Tu vis ou tu meurs, Œuvres poétiques (1960-1969), Anne Sexton, Éditions des femmes-Antoinette Fouque, janvier 2022, trad. anglais (USA) Sabine Huynh, 320 pages, 24 €

 

La question du réel

La question du réel se pose de toute évidence à lecture de ce recueil d’Anne Sexton disparue en 1974. Je dis cela à dessein car l’autrice en son texte met nettement la réalité en échec, réalité débordée par une langue transcendante, une langue qui défait le réel pour le reconstruire. La réalité ici a été altérée par des conflits psychiques – conflits au cœur de la création littéraire devrais-je préciser – dont l’issue a été l’asile. Cela laisse ainsi présager à la fois de la douleur ontologique de la personne et ce qui ouvre malgré tout le répertoire sauvage, flirtant avec l’Art Brut, et l’inquiétude, voire l’inquiétante étrangeté qui nous saisit dans cette prosodie légèrement bizarre.

L’Écorce terrestre, Jean-Pierre Chambon (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 08 Mars 2022. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

L’Écorce terrestre, Jean-Pierre Chambon, Le Castor Astral, 2018, ill. Jean-Frédéric Coviaux, 144 pages, 18 €

Poésie interstitielle

C’est au moment où je rédige cette chronique que je trouve la clé de l’ouvrage. D’ailleurs, le titre L’Écorce terrestre indique clairement de quoi il s’agit : d’une écorce d’arbre, la peau du chêne par exemple, ce qui revient donc à dire quelque chose de la lisière, de ce qui affleure dans l’épiderme végétal. L’action de la porosité, le travail de la capillarité, telle est la promesse du livre. De ces éléments de pénétration, je retiens la capacité de ces poèmes à designer les interstices, à se loger dans la double nature du langage, c’est-à-dire capter la lumière tout en inventant la lumière. Ces poèmes témoins du mouvement supérieur de l’écriture conduisent le lecteur à plonger avec le poète dans cette maison de l’être devenu pluriel, étoffé, agrandi, augmenté par le langage.

Pour préciser mon idée, je dirai que l’écorce terrestre fait au fond lien avec le monde céleste, celui des eaux et du vent, des montagnes et de l’air qui se raréfie. Donc, une douce euphorie, un enivrement que seul le poème rend possible. Poésie de l’interstice et du contact, de la profondeur et des surfaces, de la terre et du ciel, relation chtonienne à l’air, le globe et le périmètre des étoiles. Le poète se trouve là cherchant les lumières et l’aurore boréale au milieu de l’abîme et ses ombres.

Music-hall, Jean-Luc Lagarce (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 28 Février 2022. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Music-hall, Les Solitaires intempestifs, 2017, 64 pages, 12 € . Ecrivain(s): Jean-Luc Lagarce

 

Théâtre de la présence

Si je devais qualifier d’une seule épithète Music-hall de Jean-Luc Lagarce, je dirais le plaisir, le plaisir de la langue. Car au centre de ce travail pour la scène, le langage fructifie. Ainsi, les réflexions qui m’occupaient durant cette lecture, relevaient plus du champ de l’expression écrite que du saisissement par une histoire, par une diégèse. De ce fait, la pièce est rédigée presque exclusivement à la troisième personne du singulier. Cela présage donc d’une distance, d’un endroit où le personnage se confronte à une chose étrangère. Cette distanciation joue un rôle dans l’intrigue et importe dans cette intrigue langagière.

Cette langue en tout cas est la seule capable de révéler cette inquiétude du présent, d’un auteur atteint d’une maladie incurable et mortelle. Inquiétude qui fait le ferment de l’instant, augmentant la surface des acteurs, inquiétude profonde du passage du temps. Cette angoisse latente est consubstantielle à l’identification par la parole du dramaturge. Le personnage désigne et est désigné. Il montre une douleur et porte cette douleur. Le SIDA a désigné Lagarce, et ce faisant celui-ci désigne la maladie.