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Les Livres

Œuvres, tome II, Claude Simon en la Pléiade

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mardi, 05 Novembre 2013. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Pléiade Gallimard

Œuvres, tome II, édition de Bérénice Bonhomme, Alastair B. Duncan et David Zemmour, février 2013, 1712 pages, 66,50 € . Ecrivain(s): Claude Simon Edition: La Pléiade Gallimard

 

Il faut relire Claude Simon.

Il faut relire Claude Simon.

Il faut relire Claude Simon !

Non le relire distraitement mais se replonger dans chacun de ses textes. Ou du moins dans ses plus éblouissants livres : Les Corps conducteurs (titre impeccable, quant au mouvement et de l’œuvre et de la pensée l’ayant retirée au silence et à la nuit), Leçon de choses, Les Géorgiques, L’Acacia, Le Tramway, et les beaucoup plus méconnus Archipel et Nord (« berceaux de forêt » d’une éblouissante blancheur ; les pas dans la neige des petites bêtes qui cherchent, dans le noir, la mamelle ; senteurs ocres, la mousse des sous-bois, la douce mélopée du silence, l’ouverture sans ouverture du ciel, pour quel au-delà du cri…).

Suzy Storck, Magali Mougel

Ecrit par Marie du Crest , le Mardi, 05 Novembre 2013. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Théâtre, Espaces 34

Suzy Storck, 2013, 75 pages, 12,80 € . Ecrivain(s): Magali Mougel Edition: Espaces 34

 

« L’autre guérillère ordinaire »

 

En 2013, les Editions espaces 34 publient deux volumes consacrés à Magali Mougel : Guerillères ordinaires, poèmes dramatiques (cf. chronique du 16 avril 2013) et Suzy Storck. Ces deux œuvres se font écho et particulièrement le premier poème « Lilith, à l’estuaire du Han » et Suzy Storck. La seconde pièce constitue en effet une amplification, un aboutissement dramatique de la première inspirée d’un fait divers : Magali Mougel passe d’un monologue court à un texte inscrit dans l’héritage du tragique antique : elle convoque un chœur. Elle construit sa pièce à partir d’un prologue auquel répond un épilogue et le dialogue fait se déployer les voix des personnages qui gravitent autour de la figure de Suzy, Médée sans mythologie, Médée du peuple. Suzy comme Lilith est une mère infanticide sans doute malgré elle : elle a commis « une faute d’étourderie » en oubliant son troisième enfant, nourrisson, en plein soleil dans sa poussette.

Une artiste du sexe, Richard Millet

Ecrit par Martine L. Petauton , le Lundi, 04 Novembre 2013. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Une artiste du sexe, octobre 2013, 231 pages, 17,60 € . Ecrivain(s): Richard Millet Edition: Gallimard

 

Millet et le sexe. Millet et les femmes, ou plutôt « la » femme selon Millet… Encore ? diront certains. Ne nous a-t-il pas habitués – mais s’y habitue-t-on ? à ces pages, où, habillée d’une langue crue, presque labellisée, l’odeur de son antiféminisme, voire de sa misogynie légendaire nous sautait à la gorge. Alors, encore !!

Oui, mais c’est Millet, et derrière chaque livre se trouve le bouleversement littéraire qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Et ce dernier ouvrage pourrait bien être un millésime-Millet, un très haut. Un superbe.

Histoire sobre, comme toujours avec lui, avec en note de tête « sa » relation très compliquée avec l’affaire… Un écrivain, américain, séjournant en France, a une relation amoureuse, à tout le moins, sexuelle avec une – jeune – Rebecca, d’origine Danoise, « malgré des traits majoritairement asiatiques, un visage plutôt large, des cheveux très bruns mais bouclés… une taille moyenne presque courtaude, comme tant d’Asiatiques, mais sans ces jambes tortes des Japonaises… ». On croirait des pouliches d’un haras, vues par un acquéreur ? tout juste, on est donc bien dans un Millet.

Les hamacs de carton, Colin NIel

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 04 Novembre 2013. , dans Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman, Actes Sud

Les Hamacs de carton, une enquête du capitaine Anato en Amazonie française, juin 2013 (première édition aux Ed. du Rouergue en 2012), 380 p. 8,80 € . Ecrivain(s): Colin Niel Edition: Actes Sud

Une intrigue dense et bien ficelée, des personnages consistants, pour cette enquête policière dans laquelle on se laisse volontiers embarquer. Son originalité est sans conteste l’univers dans lequel elle se déroule, peu exploré habituellement dans ce genre de littérature : la Guyane française, et plus particulièrement les communautés de Noirs-Marrons qui vivent le long du fleuve Maroni.

Le capitaine Anato mène l’enquête, fraîchement débarqué de la capitale métropolitaine, de la nécropole, comme certains Guyanais appellent la France. Anato est lui-même d’origine ndjuka, l’une de ces communautés de Noirs-Marrons, mais de ses origines, il ne connaît pas grand-chose, car ses parents avaient quitté la Guyane pour la France alors qu’il était encore enfant. Il a donc passé la majeure partie de sa vie à Paris. Mais le jour où ses deux parents, retournés en Guyane pour la première fois depuis tout ce temps, meurent là-bas dans un accident de voiture, le capitaine Anato ressent le besoin de se rapprocher de ses origines. Il postule donc pour un poste à Cayenne, sans trop savoir ce qu’il espérait retrouver là-bas. Il y retrouvera des membres de sa famille, mais se sentira au départ véritablement étranger, ne connaissant rien ou presque de la culture ndjuka d’une part, et d’autre part à cause de son métier, car une des premières enquêtes qui lui sera confiée le plongera de plain-pied dans ces communautés qui vivent au bord du fleuve.

Le plancher, Perrine Le Querrec

Ecrit par Cathy Garcia , le Samedi, 26 Octobre 2013. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Le plancher, Éditions Les doigts dans la prose, avril 2013, 134 pages, 15 € . Ecrivain(s): Perrine Le Querrec

 

Le plancher est un livre d’une densité singulière, qui au fur et à mesure confine à l’étouffement, et pour cause, l’histoire peinte ici raconte le basculement dans la folie de toute une famille. Peinte, car la langue dont use l’auteur est un matériau quasi organique qui est à elle toute seule une œuvre d’art. La poésie n’y est pas un décorum, mais véritablement la seule langue possible pour formuler l’indicible, pénétrer l’intolérable et infuser la folie dans les tripes même du lecteur. Car si dans la première partie nous sommes encore dans la narration, dans la seconde nous culbutons du côté où la langue elle-même s’affole. Une langue pleine de terre, taillée au couteau, absolument magnifique cependant, flamboyante comme un crépuscule d’automne. Dans la troisième partie, elle nous immerge pour de bon dans un bourbier de démence.

La première partie est intitulée La souche. La souche, ce qui reste d’un arbre que l’on a coupé, les racines toujours plongées dans la terre, nourricière ou collet, c’est selon. Ici cette terre, cette terre de paysans, passera de nourricière à cocon toxique, jusqu’à ce que piège, elle se referme définitivement. Nulle métamorphose heureuse n’en sortira.