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Les Livres

Charles Baudelaire, Théophile Gautier

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 06 Février 2014. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Rivages poche

Charles Baudelaire. Septembre 2013. 118 p. 6,10 € . Ecrivain(s): Théophile Gautier Edition: Rivages poche

 

La lecture de ce petit fascicule ne peut qu’emporter et l’adhésion et l’enthousiasme du lecteur. Théophile Gautier montre un double mérite dans cette œuvre.

Tout d’abord, bien sûr, être le premier à écrire un grand texte sur Baudelaire. Pour nous, lecteurs d’aujourd’hui, ce petit livre s’ajoute à la montagne de textes, analyses, exégèses, biographies qui se sont accumulés sur Charles Baudelaire depuis 150 ans. Mais en fait, c’est bien le premier chronologiquement que nous avons là dans les mains. Un développement du discours funèbre que Gautier ne prononça pas au cimetière Montparnasse le 2 septembre 1867, quand l’auteur des Fleurs du mal fut porté en terre en présence de quelques personnes, de quelques amis.

Et le second mérite – pas le moindre – rendre au plus tôt à Baudelaire la place qui lui appartient, la première parmi les poètes ! Gautier n’a pas attendu la mort de Baudelaire pour le faire, ce qui rehausse encore l’intelligence de sa lecture. Depuis la parution des Fleurs, Gautier n’a cessé de dire son admiration pour l’œuvre et son auteur, alors que les imbéciles déchainaient leur fiel – par Figaro interposé entre autres – contre le recueil qui allait bouleverser à jamais la poésie française ! Baudelaire ne s’y trompa guère en dédiant ses « Fleurs » à Gautier, au « poète impeccable ».

Tout s'effondre, Chinua Achebe

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 06 Février 2014. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Afrique, Roman, Actes Sud

Tout s’effondre (Things fall apart), octobre 2013, trad. de l’anglais (Nigeria) Pierre Girard, 230 p. 21,80 € . Ecrivain(s): Chinua Achebe Edition: Actes Sud

 

Avant même de s’introduire en ce roman, il est recommandé au lecteur de se défaire de ses œillères ethnocentriques d’Européen, d’oublier la vision déformée qu’il se fait de l’Afrique et des Africains au travers du prisme de ses repères usuels, de s’extraire de ses propres critères culturels, de ne pas se conduire, surtout, en touriste textuel.

Il faut épouser le point de vue du narrateur, qui est lui-même profondément inscrit, ancré, enraciné dans le contexte « civilisationnel » du récit, et entrer dans l’univers du personnage principal, Okonkwo, membre de l’importante ethnie ibo, répartie, à l’époque de l’histoire qu’on peut situer aux XVIe/XVIIe siècles, au moment où commencent les rafles massives organisées par, ou pour, les marchands d’esclaves, et où arrivent les premiers missionnaires chrétiens, en une multitude de petites communautés villageoises autonomes sur un vaste territoire correspondant à la province orientale du Nigeria actuel.

C’est dans l’une de ces communautés constituées de neuf villages indépendants que naît Okonkwo, qui, dès qu’il est en âge de raisonner, jure de se démarquer de son père, connu pour ne pas être des plus courageux.

La fille surexposée, Valentine Goby

Ecrit par Stéphane Bret , le Mercredi, 05 Février 2014. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Alma Editeur

La fille surexposée, janvier 2014, 136 pages, 17 € . Ecrivain(s): Valentine Goby Edition: Alma Editeur

Les éditions Alma ont choisi de faire illustrer les thèmes fondamentaux de l’art énoncés par Picasso dans La Tête d’Obsidienne : « la naissance, la grossesse, la souffrance, le meurtre, le couple, la mort, la révolte et peut-être le baiser ». Valentine Goby a opté pour la révolte, thème développé dans son ouvrage La fille surexposée.

Dans ce récit, l’auteure décrit le voyage d’une carte postale. Celle-ci passe des mains du photographe qui prend le cliché à une prostituée marocaine, pour finir dans les mains d’un soldat français qui l’achète dans une boutique de Casablanca, dans les années 40. Cette carte parvient enfin dans les mains de la petite-fille de ce militaire, à l’occasion d’une inspection des papiers d’un héritage.

On connaît, bien sûr, le penchant auquel on peut céder par facilité ou par préjugé, lorsqu’on évoque le Maroc, l’Afrique du Nord. On pense aux peintures orientalistes de Delacroix, aux portraits des femmes de la kasbah écrits par Pierre Loti. Valentine Goby veut, dans ce livre, faire justice de ces visions. Ce qu’elle nous dit, c’est que cette carte postale, avant d’être la représentation d’un exotisme facile, est d’abord un mensonge. Ce dernier engobe bien sûr la condition de prostituée à cette époque dans le Bousbir de Casablanca. Ce vocable viendrait de la déformation de l’euphonie du prénom Prosper que les autochtones auraient changé en « Bousbir ».

C’était hier, Harold Pinter

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Lundi, 03 Février 2014. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Gallimard, Théâtre

C’était hier, traduit de l’anglais par Éric Kahane, 108 pages, 13,20 € . Ecrivain(s): Harold Pinter Edition: Gallimard

 

L’une des plus belles pièces de Pinter, publiée en 1971, par Methuen, à Londres, sous le titre Old times.

 

Il y a Kate. Il y a Kate et Deeley, mariés, face à Anna : l’étrangère, presque. Si peu connue. Celle qui appartient au passé. Et qui ne comptait pas. Qui n’avait pas de rôle important, pas de densité de météorite, pas de véritable place.

Mais.

NOIR

Reprenons. Les êtres ne savent pas se rapprocher. Ils savent qu’ils ne savent pas. Mais ils le veulent. Alors, ils regardent. Ils s’intéressent. Ils scrutent. Ils scrutent ceux qu’ils ne connaissent pas, en pensant que peut-être ils les connaissent. Que peut-être ils vont les connaître, alors que, le plus souvent, non.

Médium, Philippe Sollers

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 01 Février 2014. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Médium, janvier 2014, 176 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Philippe Sollers Edition: Gallimard

 

« Time is money, la folie gronde. La contre-folie, elle, prend son temps. Pour qui ? Pour rien. La rose est sans pourquoi, fleurit parce qu’elle fleurit, n’a aucun souci d’être vue ».

Lorsque la folie gronde, il vaut mieux être protégé par un paratonnerre, réel ou imaginaire, peu importe, mais il convient de s’armer de contre-folie, s’arrimer à la terre, et flécher le ciel. En ce siècle crispé, il y a des lieux, des êtres, des livres qui en tiennent avec légèreté l’office. Rien de nouveau sur la planète Sollers, la petite aiguille de sa boussole amoureuse lui indique toujours la même direction : Venise. Ville médium, ville dictionnaire qu’il ouvre et parcourt accompagné d’or – Loretta –, d’une fleur – Ada –, et de son moraliste, l’immortel de Versailles – Saint-Simon.

Médium est le roman de la folie et de son contre feu. L’une, on sait sur quoi elle tient : trafics en tous genres – dollars, organes et arts –, falsifications, vérités et mensonges, mauvais romans et mauvaise vie, l’autre repose sur quelques certitudes : immortalité et musicalité du Temps, amours gagnés, lectures attentives et écriture permanente, mouvement permanent du corps joyeux, trilogie divine. Le Père lit, le Fils écrit, et le Saint Esprit ne cesse d’aller et venir entre Paris et Venise sans changer de place.