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La Une CED

Contre les « caricatures » et pas contre Daech ?

Ecrit par Kamel Daoud , le Mardi, 17 Mars 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières, Côté actualité

 

Qui a vu la vidéo du pilote jordanien brûlé vif dans une cage ? Peu. Beaucoup. A peine quelques secondes. Intolérables images. A quelle limite va s’arrêter l’horreur voulue et élaborée de Daech ? Mais l’autre question est : pourquoi tant de gens se mobilisent quand l’Occident est accusé de porter atteinte à l’islam et que l’on ne fait rien contre Daech qui massacre cette religion, son sens, les siens et son sang ?

Pourquoi « je suis Charlie » semble plus choquant pour certains que la vidéo de ce pilote brûlé vif ? Pourquoi on pense que l’Occident menace l’islam et les musulmans plus que ces monstres avec leur drapeau noir et leurs méthodes de barbares ? Pourquoi une caricature semble porter atteinte à l’islam aux yeux de certains et pas un « Savant » pédophile en Arabie Saoudite, un vendeur d’esclaves femmes kurdes chez Daech ou un revendeur d’écolières à 20 dollars au profit de Boko harem ?

On connaît tous la réponse du côté Sud du turban : l’occident est un complexe dans nos âmes et sa haine explique nos replis et masque nos lâchetés. Ce n’est pas l’islam qu’il s’agit de défendre pour beaucoup d’entre nous, mais nos détestations et nos infériorités. Sinon, rien n’explique pourquoi vendre des fillettes par Boko harem provoque moins d’émeutes, de manifestations et d’hystérie que des caricatures ou qu’un pasteur américain fou qui brûle une page du Coran.

Chemin de bois près des cabanes - Trois variations sur une plage

Ecrit par Clément G. Second , le Mardi, 17 Mars 2015. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles

À Olivier Rouquette, pour sa photo

Chemin de bois près des cabanes

Trois variations sur une plage

Mini-nouvelles de 150 mots

 

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La nuit est tombée sur la plage. C’est le début de l’automne, il fait à peine frais. Le long des cabanes closes le chemin de planches est désert. Il a plu ; la lune qui joue avec les nuages projette ses reflets changeants sur le bois. Une silhouette frêle mais décidée s’approche. Une adolescente. S’étant assurée d’être seule, elle se déchausse et danse sur les planches. Danse on ne sait quoi. Elle danse de tout son corps, de tous ses gestes, de toute sa joie. Elle semble faire offrande du mouvement qui l’anime. La mer un peu plus loin, en ressac au pied des galets, rêve tout bas. La jeune fille danse. Le vent se rapproche, veut l’entourer ; elle s’en dégage. Elle danse. Aux balcons du ciel, des étoiles penchées lui lancent des clignotements. Elle danse encore longtemps, longtemps. À la fin, sa révérence rencontre l’assentiment recueilli du silence.

Polar algérien vous avez dit ?

Ecrit par Amin Zaoui , le Mercredi, 11 Mars 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

Nous sommes une société où on parle beaucoup et de tout, sans tradition de l’écrit. Pas de trace. Sommes-nous encore dans les temps de l’oralité ? Nous avons toutes les sauces pour en faire le roman noir, mais nous n’avons pas d’écrivains de polar ! Nous vivons dans une société violente. Toutes les violences imaginables et inimaginables ; dans les langues, dans les gesticules, et même sur les traits des visages… font le quotidien des Algériens.

L’Algérien ne sait pas comment sourire !

Nous disposons de beaucoup de policiers, des centaines de milliers, tous genres de policiers, ceux en tenue officielle et ceux qui sont sans tenue officielle !! Tous grades. Toutes appellations possibles, et nous n’avons pas d’écrivains de polar ! Yasmina Khadra, tu me dis, une hirondelle ne fait pas le printemps. Et sa trilogie du commissaire Llob ne couvre pas tout ce paysage absurde.

Nous avons la corruption, tous genres de corruptions, économique, politique scientifique et culturelle. Nous avons des prisons remplies, surchargées. Toutes les couleurs de crimes. Du crime d’honneur jusqu’au crime de religion. Et nous n’avons pas d’écrivains de polar capables de dénicher les abeilles et les mouches, les éléphants et les singes !

Les foies

Ecrit par Sylvain Gau-Gervais , le Mercredi, 11 Mars 2015. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

 

 

 

 

Nous sommes faits de morts. De pères morts, de dabes

par contradiction, ces mais exquis comme mets,

ces incorporations de dépouilles, kebabs,

idées, étcé. Vivre : crever lentement et

tout le long d’abîmes abscons

que l’on s’échine à ne pas voir

comme ils sont. Nous ne sommes bons

qu’à nous illusionner. À boire

de tout le mirage de ne pas voir, louiah !

Allah est Grand, l’Arabie est très petite, Michelle est belle

Ecrit par Kamel Daoud , le Mardi, 10 Mars 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

Cheveux contre Royaume. Titre d’un poème possible ou déjà épuisé. Ou de l’actualité. A l’enterrement d’un autre Roi d’Arabie, il y a eu le monde et le monde entier. Entre autres, Michelle Obama et son époux. Moment d’interrogations protocolaires, ira-elle cheveux nus ou voilée ? La première dame du monde a opté pour les cheveux nus, face à des monarques aux cheveux cachés et aux femmes enterrées. Le message était direct car, en Indonésie, la dame avait pris soin de se couvrir la tête. Donc il s’agissait d’un message et pas seulement d’une coiffure.

Il s’agissait de rappeler que dans ce Royaume qui s’est accaparé la Mecque, l’Islam et le lever de soleil, les femmes étaient voilées, cachées, enterrées, frappées, interdites de conduire, de décider, de se promener dans l’univers seules, de voyages (sauf accompagnées ou avec un bracelet électronique comme du bétail tatoué). Sur le net, certains amateurs du déni ont insisté pour présenter le nouveau roi comme un héros musulman (il abandonne le couple américain pour aller faire sa prière) cela ne change rien : Michelle Obama est venue tête nue, a été reçue, on n’a pas osé la voiler comme on ose avec les Saoudiennes que l’on met dans les sachets noirs, on lui a souri, elle a dit et rappelé que ce pays est absurde, tue, condamne la fabrication des bonhommes de neige, lapide, décapite en plein rue.