Identification

La Une CED

Lire, nous dit-elle… Et pouvoir mieux vivre…

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 29 Avril 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques

Les livres prennent soin de nous, Régine Detambel, Actes Sud, mars 2015, 156 pages, 16 €

 

« une page, une phrase nous donne de nos nouvelles »

Régine Detambel nous a habitués à ne pas écrire – en écrivant pour autant, mieux que tout le monde – les livres de tout le monde.

C’est plus, par ses sujets, que par sa façon, qu’elle intrigue, intéresse, et qu’on s’arrête là, partout, où sont ses signaux – tant ! des romans aux essais, partout où cette grande dame de la littérature, plutôt du livre en fait, vient, pour nous offrir quelques pages de bonheur… grand cru, s’il vous plaît !

Elle s’attaque ici (Les livres prennent soin de nous) – petit opus in-dis-pen-sa-ble, tout juste sorti des presses de Actes Sud – superbe illustration de couverture d’Ursula Bucher – à ce qui – ailleurs – pourrait s’apparenter à une mode un rien bobo : la Bibliothérapie (créative) – Tu ne connais, pas, chère ! C’est pourtant tendance ; un peu les huiles essentielles des libraires « in »… On savait déjà que les vaches avaient plus de lait en écoutant Mozart, et vlan, voilà pour la Musicothérapie ; que marcher, même en allant acheter son pain de tous les jours, pouvait prendre un tour « méditer sur soi-même » qu’on ne supposait pas ; que… s’habiller en vert-pomme remontait aussi sec le moral.

Une lecture de "Sigmund Freud en son temps et dans le nôtre" d’Élisabeth Roudinesco

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mardi, 28 Avril 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques

Sigmund Freud en son temps et dans le nôtre, Seuil, septembre 2014, 578 pages, 25 €

 

La psychanalyse sous le signe de l’ambivalence

 

Le dernier livre d’Élisabeth Roudinesco a pour vocation « d’exposer de manière critique la vie de Freud », démarche nécessaire tant pour désavouer ses hagiographes que pour dénoncer rumeurs et contre-vérités entretenues par le « Freud Basching ».

Mais à travers la biographie, le livre invite à réfléchir sur la nature de la psychanalyse. Qu’est-ce que son créateur a voulu qu’elle soit et qu’elle ne soit pas alors même que, au fur et à mesure de ses publications et de l’expansion de son invention à travers disciples et dissidents, elle lui échappe ?

La psychanalyse est dès le départ selon la biographe « un acte de transgression », « une discipline bizarre, une combinaison fragile unissant l’âme et le corps, l’affect et la raison, la politique et l’humanité ». Freud ne serait-il donc pas, comme il se présente, « l’inventeur d’une véritable science de la psyché » ?

Le Jardin de derrière (21) Où on fait des plans

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mardi, 28 Avril 2015. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

Leur première décision fut d’aller chercher Tobie. Pierre courut à l’autre bout du village. Tobie était assis tranquillement sur une chaise de jardin, à l’ombre d’un grand tilleul, les jambes étendues devant lui, les pouces passés dans sa ceinture. Par la barrière ouverte, Pierre se précipita dans le jardin et lui expliqua l’affaire en deux mots. Tobie sauta sur ses pieds, fit signe à Pierre d’attendre un instant, bondit vers sa maison, revint un instant plus tard avec un gros rouleau de papier sous le bras. « On va éviter la grand rue », lança-t-il à Pierre, et il l’entraîna à travers champs, puis par un lacis de venelles et de cours de ferme qui les amenèrent dans le pré, en face de la maison. Le voisin aux poules n’était pas en vue. Pierre sur ses talons, Tobie franchit avec légèreté le pré, puis la route, hésita : « Il est où, ton père ? » Pierre pointa le pouce vers le haut : « L’abri ». « On va passer par la grange ». Il entraîna vers la grange Pierre, qui écarquilla les yeux quand Tobie ouvrit la porte de l’appentis dissimulée derrière l’étagère. Quelques instants plus tard, ils émergeaient de la trappe, sous l’œil ahuri de Noé et Isabelle. Tristan eut un sourire fin. Tobie lui lança un bref regard avant de scruter plus longuement le visage neutre de Louise. Puis, sans un mot, il déroula sur le sol le plan détaillé du village et de ses alentours qu’il avait apporté avec lui.

MAY B. ou M comme Maguy Marin et B comme Beckett

Ecrit par Marie du Crest , le Lundi, 27 Avril 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

Reprise du spectacle de Maguy Marin au Ramdam à Sainte Foy les Lyon du 7 au 11 avril 2015

A Christian Verdier

 

Dans une menuiserie désaffectée, transformée en plateau, salle de spectacle et centre de création par Maguy Marin, perdue dans ce qui reste de campagne autour de Lyon, dix personnages, cinq femmes et cinq hommes, alors que la nuit n’est pas encore tombée et que la lumière du jour traverse encore les verrières, attendent immobiles et silencieux, solitaires, ou en petits groupes. Qui sont-ils, ces êtres sans âge, ces loqueteux poussiéreux, au corps, et vêtements plâtreux ? Au regard charbonneux pour certains. Des danseurs de buto, à la peau blanchie ? Des mimes que le langage a oublié ? Des couples dérisoires embarqués dans la valse de la fête foraine ? Des modèles d’un sculpteur absent, cachés sous du chiffon, des esquisses ? Ils attendent que le mouvement, la danse les emporte. Ils sont entre ce qui a fini déjà, et sera enfin fini. Ils recherchent les mots, la musique et le geste de la marche, celle des sculptures de Giacometti. Coup de sifflet impérieux et ils se mettent à bouger.

Deux livres à peine lus : textes et prétextes par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Jeudi, 23 Avril 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

Le pays des deux livres. L’un dicté par le ciel, l’autre dicté par une chaise. Celui du ciel est connu, dit, répété, psalmodié, mal compris, pas compris, imposé, détourné comme un avion, précipité sur les gratte-ciels ou les femmes ou les individus ou les libertés. Le livre du ciel ne sert pas, à certains, à éclairer le monde mais à le brûler, désormais.

Il suffit de regarder l’actualité : premier autodafé inversé de l’histoire : on use d’un livre pour brûler le monde, pas le contraire. Son premier mot est « Lis » depuis l’éternité prononcée. Parce que le désastre de l’analphabétisme semble être intemporel dans nos géographies : il fallait l’intervention d’un Dieu pour pousser les gens à lire !

Et cela semble n’avoir pas suffi quand on regarde Daech, El Qaïda, la campagne contre Benyounes ou le retour du FIS et la tenue du Sultan de l’AIS qui a avoué un meurtre à la télé sans faire bouger personne, sauf Ouyahia qui lui a servi du thé.

Le second livre, celui dicté par la chaise, est la Constitution. Femme violée, livrée, piétinée, semelle votée, loi fondée et dévergondée. A quoi cela sert une constitution dans les pays dits « arabes » ? A rire jaune puis à faire semblant de lire.