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La Une CED

Persévérance du fait juif Une théorie politique de la survie, Danny Trom (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 03 Juillet 2019. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Persévérance du fait juif Une théorie politique de la survie, Danny Trom, Seuil/Gallimard, coll. Hautes Études, juin 2018, 492 pages, 28 €

 

Le livre de Danny Trom – un grand livre – se propose de répondre à une question à la fois simple et dérangeante : pourquoi y a-t-il encore des Juifs ? Comment se fait-il que ce peuple très ancien, aussi ancien que les Chinois, existe encore ? À propos de la longue obstination déployée pour faire disparaître les tribus indiennes des Andes, Jean Raspail notait : « Un tel acharnement impressionne. Il n’a de comparable que celui qui accabla les Juifs tout au long de leur histoire, survivants du déluge, hommes d’avant les hommes, eux aussi » (La Hache des steppes, Via Romana, 2016, p.223). De grands empires s’y sont essayé : l’Égypte, Rome, l’Église constantinienne (de façon schizophrène, car son fondateur et ses premiers disciples étaient Juifs), le IIIe Empire germanique et, actuellement, tout ce que le monde arabo-musulman compte de fanatiques (le réservoir est apparemment inépuisable). Mais ce sont ces empires qui ont disparu ou sont en voie de disparition. Une explication évidente (mais est-elle aussi évidente que cela et ne serait-elle pas plutôt un refus d’explication ?) consisterait à invoquer la protection divine.

Le Paradis à reconquérir, Henry David Thoreau (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 03 Juillet 2019. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Le Paradis à reconquérir, Henry David Thoreau, Le Mot et le Reste, juin 2019, 96 pages, 3 €

 

Moderne postmodernité

C’est à une certaine expérience de lecture que nous convie ce petit livre de Thoreau que publient les éditions Le Mot et le Reste. Intéressante expérience dans la mesure où cet ouvrage nous permet d’étendre notre connaissance du philosophe et poète américain. Intéressante aussi car le livre est un texte qui sert un texte, dernier texte lui-même qui lui aussi augmente en valeur un autre livre. Ainsi, nous avons là une préface à un livre qui s’inspire de la philosophie de Charles Fourier. Cette littérature à étage nous fournit un Thoreau jeune et altier, écrivain qui pressent peut-être son utopie, et son livre Walden. Donc, j’ai vu ici une sorte de proposition visionnaire, le travail d’approche à la fois de la lecture – de ce livre de J.A. Etzler que préface Thoreau – et de l’écriture – car l’auteur américain semble essayer sa langue, chercher sa matière.

Journal de voyage, Albert Einstein (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Mardi, 02 Juillet 2019. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Journal de voyage, Albert Einstein, Rivages, mai 2019, 182 pages, 18 €

 

Après des conférences en Europe et une tournée aux États-Unis, Einstein est invité au Japon. Il embarque à Marseille avec Elsa, sa seconde femme, pour un voyage de près de six mois (du 7 octobre 1922 au 15 mars 1923). Port-Saïd, Colombo, Singapour, Hong Kong et Shanghai sont sur sa route, avant d’atteindre l’archipel nippon. Au retour, Jérusalem et la Palestine et, pour finir, l’Espagne.

Journal de voyage… le titre fait rêver. Il faut toutefois prendre ce livre pour ce qu’il est : un ramassis de notes prises au fil des jours et rédigées en style télégraphique : « Belle vue sur le Stromboli. Dix-huit heures, Naples. Nuages gris sur le Vésuve, ciel couvert ». Çà et là, quelques croquis et des détails pour le moins intimes (« inflammation de l’intestin avec d’horribles hémorroïdes », par exemple) qui prouvent le caractère strictement privé du journal. Écrites par quelqu’un de moins célèbre, ces notes n’auraient jamais été exhumées. Et pourtant, malgré ça, elles nous font approcher l’homme dans son quotidien. Un quotidien bousculé par la célébrité : Einstein déchaîne les passions. Au fil de ce journal, on mesure la renommée du savant. Renommée qui s’accroît au cours du voyage : « La nouvelle selon laquelle on me décernait le prix Nobel m’est parvenue par télégraphe à bord du Kitano Maru, peu avant mon arrivée au Japon ».

Les travaux et les jours (extraits 7) (par Ivanne Rialland)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mardi, 02 Juillet 2019. , dans La Une CED, Ecriture, Bonnes feuilles

 

Le jardin

Modeste carré entouré de haies de buis, il végétait tranquillement sous le règne de propriétaires insoucieux qui laissaient pousser l’herbe haute, quelques ronces, et ne haïssaient pas les orties. Le liseron s’entortillait dans le buis ; la menthe crépue, jamais coupée, méditait l’invasion du coin nord. À l’ouest, vaillamment, les hortensias résistaient à toutes les incuries.

Au sommet d’un vieux pin ombrageant les poubelles une corneille avait bâti un nid désordonné. Les fourmis s’affairaient dans les graviers de l’allée, les punaises s’accouplaient sous les feuilles d’une rhubarbe à l’abandon. Des gendarmes noirs et rouges et des coccinelles pâles formaient l’aristocratie d’une faune qui n’avait jamais vu de papillons.

Quelques abeilles rousses d’une ruche voisine dérangeaient tenacement les petits déjeuners d’été sur la table qui neuf mois sur douze rouillait là gentiment.

Lettre à Rachid, Histoire tunisoise (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Lundi, 01 Juillet 2019. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles

 

1- Mon cher Ami P.,

J’espère que tu vas bien moi j’y vais bien ! Ici à Tunis-capitale il fait froid car c’est l’hiver. Je travaille beaucoup dans mon restaurant qui marche très bien. Je fais le serveur et je reçois beaucoup de bakchichs. Pas des Tunisiens qui sont trop radins mais des Français ou des Allemands qui m’aiment beaucoup. Je m’ennuie aussi beaucoup de toi toujours et je voudrais te revoir vite. Je t’aime beaucoup et je sais que toi aussi tu m’aimes beaucoup toujours. Alors tu vois. S’il te plaît, reviens vite en Tunisie. On ira à Metlaoui et à Tozeur voir Fawzi et Bilal et après on rentrera en France avec toi. Ici à Tunis-capitale j’ai pas trop d’amis. Comme tu le sais tous mes amis ils sont à Tozeur et à Metlaoui. La mentalité de Tunis-capitale est pas bonne pour moi. Ils courent toujours comme s’ils allaient jamais mourir. Moi je trouve ça con ! En plus on peut jamais savoir si, avec qui on parle, on va pas avoir des problèmes. A Tozeur et à Metlaoui, tous les flics je les connais et ils me connaissent moi, donc pas de problèmes. Ici déjà j’ai eu des problèmes. Alors tu vois. Tu me manques trop et depuis que tu es parti j’ai jamais fait l’amour avec.