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La Une CED

Sodoma, Enquête au cœur du Vatican, Frédéric Martel (par Mélanie Talcott)

Ecrit par Mélanie Talcott , le Jeudi, 27 Juin 2019. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Sodoma, Enquête au cœur du Vatican, Frédéric Martel, Robert Laffont, février 2019, 638 pages, 23 €

 

Sodoma… Un titre scabreux évoquant le lucre et le foutre… Un livre de Frédéric Martel, sociologue, journaliste et militant LGBT qui nous précipite au sein du Vatican dans une Gomorrhe hallucinante.

En préambule, il me faut saluer le travail rigoureux que représente cette investigation. Son propos, l’homosexualité prégnante dans les premiers cercles des papes et « la société intime des prêtres, leur fragilité et leur souffrance liée au célibat forcé, devenu système », tient a priori de l’enfer pavé de bonnes intentions. On pourrait la comparer à celle d’un flic infiltré dans le milieu de la drogue en Colombie, qui pour être crédible doit se faire de temps à autre violence à lui-même. Pour obtenir les confidences des uns et des autres – une quarantaine de cardinaux, de nonces et d’ambassadeurs étrangers, une cinquantaine d’évêques et de monseigneurs, et plus de deux cents prêtres et séminaristes, nous dit son éditeur Robert Laffont –, il a certainement dû montrer patte blanche, savoir convaincre, se faire accepter, éviter les pièges et même déjouer les assauts de séduction… bref, tout un travail diplomatique de longue patience !

La Minute bleue de l’aube, Estelle Fenzy (par France Burghelle Rey)

Ecrit par France Burghelle Rey , le Jeudi, 27 Juin 2019. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

La Minute bleue de l’aube, Estelle Fenzy, éd. La Part Commune, mai 2019, 120 pages, 13 €

 

Forte de dix recueils déjà parus, Estelle Fenzy a consacré une année à ces cent pages de « minutes » éclairant comme des flashs aube après aube. Proches par leur concision des haïkus deux ou trois textes occupent chacune des pages de ce nouvel opus.

Celui-ci s’ouvre sur une naissance, celle du jour, de la lumière et de la vie, pour se clore sur le vide, le silence et la mort. L’importance de l’écriture est annoncée d’emblée et les allusions métapoétiques seront récurrentes jusqu’à la fin :

 

Ecrire

Tenir ouverte

la bouche de l’enfance

Nouvelles triestines, Giorgio Pressburger (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Mercredi, 26 Juin 2019. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Nouvelles triestines, Giorgio Pressburger, Actes Sud, juin 2019, trad. italien Marguerite Pozzoli, 163 pages, 19,50 €

 

Certaines villes attirent les écrivains, au rang desquelles Trieste (« À Trieste, beaucoup de gens écrivent »). Jules César y publia la Guerre des Gaules. Stendhal en fut l’éphémère consul. Italo Svevo y eut pour professeur d’anglais, puis ami, James Joyce (Ulysse est né à Trieste)…

Exilé hongrois, naturalisé italien, Giorgio Pressburger y est mort, il y a moins de deux ans.

Allons-y sans tarder.

La visite commence via Brunner et se fera en sept nouvelles. Nous irons ainsi via Milano ; sur les hauteurs de Trieste (Opicina) ; au Café Tommaseo, le plus ancien de la ville ; via Rismondo ; et arpenterons aussi d’autres vies… Avec, peut-être, au bout du compte (du conte), l’envie de nous y rendre physiquement : « Ceux qui liront ce livre » ne sont-ils pas invités par l’auteur à venir « voir de près certains des lieux mentionnés ».

Au fil du labyrinthe, suivi de Marines résiliences, Silvaine Arabo (par André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Mardi, 25 Juin 2019. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Au fil du labyrinthe, suivi de Marines résiliences, Silvaine Arabo, éditions Rafael de Surtis, février 2019, 100 p. 15 €

 

Le dernier ouvrage en date de Silvaine Arabo, composé de deux ensembles, procède d’une remontée dans le temps. En effet, comme elle l’explique elle-même en quatrième de couverture, « ces textes dormaient dans un tiroir ». Le premier d’entre eux a été écrit à vingt-six ans alors qu’elle venait de perdre sa mère, le second deux ans plus tard pour tenter de se reconstruire. Après une relecture attentive, elle a décidé de les revoir et de les corriger en vue d’une publication. C’est aujourd’hui « cet enfant d’autrefois » qu’elle propose à ses lecteurs.

La mort d’une mère est une expérience traumatisante, un « grand vertige » dit Silvaine Arabo. Une rupture dans l’existence. Le monde est devenu inhabité depuis que la mère l’a quitté. « On ne ressent plus rien comme autrefois » répète la poète, comme pour exorciser une douleur trop intense et qui ne cessera plus. Entrer dans ce deuil-là, c’est comme entrer dans un labyrinthe. Labyrinthe des mots bien sûr, qui s’épuisent à essayer d’exprimer l’inexprimable, mais aussi labyrinthe de l’égarement ressenti devant l’insupportable, l’inexplicable. Un dédale du chagrin et de la perte qui n’a pas de fin.

La dérive ludique du monde (par Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Lundi, 24 Juin 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques

Le jeu, comme le rire, est indissociable de l’aventure humaine. Quand l’imaginaire s’investit dans la recherche des possibles, réactive les vitalités cathartiques, les explorations fantastiques, les exaltations poétiques, il échappe aux mécaniques normatives. Le jeu détourne les choses de leurs fonctionnalités pragmatiques et leur confère une aura magique. Il met en œuvre l’acte adamique de nomination en vertu duquel les choses existent et tisse des ressemblances improbables dont le langage est l’archive (Walter Benjamin). L’irrationalité ludique restructure le monde, relie des réalités dissociées par des passerelles invisibles, combine des polarités disparates dans des esthétiques imprévisibles. La peinture enfantine recompose intuitivement les formes essentielles et les couleurs substantielles de la nature. Walter Benjamin situe dans cette anamnèse platonicienne la jonction entre l’accomplissement de l’expérience, l’acquisition de la connaissance et la transformation de la conscience. Le livre d’images est le paradis des visions initiatiques, la terre originelle du souvenir désencombré de la nostalgie. L’arc-en-ciel déploie ses chromatiques extraordinaires dans une bulle de savon. L’intelligence analogique, le ludisme écologique, l’autogestion pédagogique s’épanouissent dans la création libre, hors barrières éducatives. Le jeu est libérateur quand il est un espace de création pionnière, un espace de perception buissonnière, un espace de renaissance printanière (Walter Benjamin, L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique).