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Critiques

Colombey est une fête, Aurélie Chenot (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 17 Mai 2022. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Récits, Inculte

Colombey est une fête, Aurélie Chenot, mars 2022, 192 pages, 15,90 € Edition: Inculte

 

Le domaine de La Boisserie, à Colombey-les-Deux-Églises (Haute-Marne), est entré dans l’Histoire en même temps que son dernier propriétaire, Charles de Gaulle, qui l’avait acquis en 1934. Ce fut à la fois une maison familiale et un endroit où il recevait ses fidèles, mais également le lieu où le Général écrivit ses Mémoires. Mais De Gaulle n’a pas fait construire La Boisserie et l’histoire de la demeure ne commence pas avec lui. Dans Colombey est une fête, Aurélie Chenot consacre à un précédent occupant le livre qu’il mérite. Le nom d’Eugene Jolas ne dit pourtant plus rien à personne, si ce n’est à quelques érudits et bibliophiles.

Il était né en 1894 près de New York et, du fait de circonstances qu’on découvrira, avait grandi en Moselle, qui n’était pas alors un département français, mais faisait partie du Reich allemand. L’enfant vécut dans un univers multilingue, où se croisaient l’allemand, le français, le luxembourgeois, l’alsacien et le platt (dialecte alémanique de la Moselle).

Tout ce qui brûle, Lisa Harding (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 13 Mai 2022. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Joelle Losfeld

Tout ce qui brûle, mars 2022, trad. Irlandais, Christel Gaillard-Paris, 331 pages, 22 € . Ecrivain(s): Lisa Harding Edition: Joelle Losfeld

Tout ce qui brûle est le roman d’un personnage féminin en combustion dans le contexte volontairement flou d’une Irlande moralisatrice, socialement conservatrice et structurellement patriarcale.

Sonya, après des débuts prometteurs sous les feux des projecteurs dans une carrière de comédienne interrompue dans des circonstances qui ne sont pas communiquées de façon précise, vit seule avec ses deux « garçons » : son fils, Tommy, à qui elle voue un amour fusionnel, âgé d’un peu plus de quatre ans quand commence le récit, et le chien Herbie, qui est, de jour comme de nuit, compagnon de toutes les activités (jeux, promenades, sieste, repas, télévision). Mais Sonya est alcoolique. Son comportement de plus en plus anticonformiste, antisocial, épié par une voisine « qui lui veut du bien », ouvertement réprouvé par les bien-pensants du village, finit, estiment les quelques témoins de ses transes éthyliques, par mettre en danger tant sa propre vie que celles de son fils et de leur compagnon canin. Sur intervention de son père, avec qui elle a peu de contact mais qui semble la faire perpétuellement surveiller, Sonya est placée dans une institution religieuse spécialisée dans la désintoxication, et Tommy et Herbie sont envoyés séparément dans des lieux d’accueil dont on refuse de dévoiler la localisation à l’actrice privée momentanément, à son profond désespoir, de ses droits parentaux et de sa liberté de mouvements.

Éthique, Baruch Spinoza sous la direction de Maxime Rovere (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 12 Mai 2022. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Flammarion

Éthique, Baruch Spinoza, novembre 2021, édition et traduction, Maxime Rovere, 956 pages, 35 € . Ecrivain(s): Maxime Rovere Edition: Flammarion

 

La question du progrès, appliquée à la littérature ou à la philosophie, est d’un maniement délicat, même s’il est difficile de prétendre qu’elle n’a aucun sens. Dans des disciplines comme l’astronomie, la médecine ou les mathématiques, les progrès accomplis en, disons, cinq siècles, sont immenses et permettent seulement aux optimistes de rêver à ceux qui pourront encore l’être dans les cinq autres à venir. Le moins inspiré des doctorants en sait plus que l’astronome peint par Vermeer, où une longue tradition a voulu voir un portrait de Spinoza. L’idée d’un corps humain virtuellement immortel et réparable presque à l’infini par échanges de pièces ou d’organes n’appartient plus tout à fait à la science-fiction, même si les implications éthiques et politiques soulevées par cette perspective sont prudemment mises de côté, puisque cette immortalité virtuelle pourrait bien n’être que le privilège d’une caste très étroite. En mathématiques, les découvertes de la géométrie non-euclidienne, l’existence possible d’une infinité d’univers infinis, dans une infinité de dimensions, ne sont même pas assimilables par l’esprit humain.

De l’écran à l’écrit, Enseigner la philosophie par le cinéma, Frédéric Grolleau (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 12 Mai 2022. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres

De l’écran à l’écrit, Enseigner la philosophie par le cinéma, Frédéric Grolleau, éditions Lambert-Lucas (Limoges), décembre 2021, 328 pages, 24 €

« Quand Foucault définit le Panoptisme, tantôt il le détermine concrètement comme un agencement optique ou lumineux qui caractérise la prison, tantôt il le détermine abstraitement comme une machine qui non seulement s’applique à une matière visible en général (atelier, caserne, école, hôpital autant que prison), mais aussi traverse en général toutes les fonctions énonçables. La formule abstraite du Panoptisme n’est plus “voir sans être vu”, mais “imposer une conduite quelconque à une multiplicité humaine quelconque” ».

Gilles Deleuze

L’hypothèse des Idées (ou Formes)

Dans l’ouvrage De l’écran à l’écrit, Enseigner la philosophie par le cinéma, les dispositifs didactiques sont de haut niveau et Frédéric Grolleau, en méthodologiste averti, apprend, à travers ses cours, à regarder un film, ses plans-séquence, sa diégèse. Il s’agit ensuite de tirer parti de ce matériau visuel de base, à l’aide de sujets philosophiques adaptés, d’argumenter, car « ces activités [vont contribuer] à l’entraînement de la dissertation et au commentaire de texte ».

Les Saisons et les jours, Caroline Miller (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 11 Mai 2022. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Belfond

Les Saisons et les jours, Caroline Miller, mars 2022, trad. de l’anglais (USA) Michèle Valencia, 437 pages, 14 € Edition: Belfond

Paru un an avant Autant en emporte le vent, Les Saisons et les jours (1933) avait une réputation à tout le moins flatteuse, mais souffrait d’une singulière absence en librairie : un roman dont on entendait parler bien plus qu’on ne le lisait, malgré son succès colossal aux Etats-Unis durant plus de trente ans – puis un oubli lié probablement à l’arbre qui cachait la forêt : Autant en emporte le vent. L’ironie de la chose est que Margaret Mitchell fut découverte suite au succès du roman de Caroline Miller, qui reçut en 1934 le Prix Pulitzer : le roman du Sud des Etats-Unis, ce Sud perdant de la guerre de Sécession, c’est elle qui l’a inventé (ou presque), elle qui naquit en Géorgie et mourut en Caroline du Nord.

Ces lieux se retrouvent dans Les Saisons et les jours, mais inversés : la famille de Cean Carver est partie de Caroline pour arriver en Géorgie avant sa naissance, et sa mère qui « était née dans les collines rouges […] ne s’habituait pas aux bancs de sable, aux plaines boisées, immenses et solitaires, chichement ombragées par des pins aux longues aiguilles, qui soupiraient sans cesse, gémissaient par temps orageux et que les forts vents d’automne déracinaient et laissaient se dessécher au fil des saisons ».