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Critiques

Choix de poèmes, William Butler Yeats (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Lundi, 12 Novembre 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Choix de poèmes, éditions Petra, août 2018, édition bilingue, trad. anglais Claude-Raphaël Samama, 140 pages, 16 € . Ecrivain(s): William Butler Yeats

 

Cette nouvelle traduction française de poésies de William Butler Yeats par Claude-Raphaël Samama – après les restitutions françaises antérieures proposées par Fréchet (Aubier), Cazamian (Aubier), Bonnefoy (Gallimard), Briat (Seuil), Masson (Verdier) – se penche sur la part humaniste, sentimentale et réflexive de l’œuvre de l’écrivain irlandais, plutôt que sur celle ésotérique ou politique. Un lyrisme personnel s’exprime dans ces textes poétiques à la voix émouvante et désabusée, retenant l’attention du lecteur touché par l’expression de faits, d’états sentimentaux que le poète a pu lui-même expérimenter. Les textes de Yeats choisis par Claude-Raphaël Samama évoquent la guerre, les déceptions sentimentales, l’impossibilité de l’amour, la tentation de la résignation face à la bêtise ou le dépit amoureux, la sagesse acquise avec l’âge, la mort rêvée ou méditée, etc. La relativisation du sentiment amoureux revient murmurer au destinataire (lecteur, lectrice, Je, Tu, Nous) : « Ne donne jamais ton cœur » ou « Surtout n’aime pas trop longtemps » : Ma douce amie, que ton amour ne dure :Moi j’ai aimé trop et trop longtemps.

Barcelone brûle, Mathieu David (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 09 Novembre 2018. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Gallimard

Barcelone brûle, octobre 2018, 144 pages, 15 € . Ecrivain(s): Mathieu David Edition: Gallimard

 

« Délaissant les bancs d’école, je voulais m’exercer dans tout ce que j’avais lu, la fantaisie pleine de batailles, d’enchantements, de rêveries, d’amours et de défis… J’appris rapidement que les choix de vie produisent des effets insoupçonnés qui engendrent des conséquences imprévisibles. Et au mois de mars, pris dans une tempête, je suis poussé par des vents contraires à 1000 kilomètres au sud de Paris, échouant à Barcelone, dans le quartier de Sant Antoni ».

Barcelone s’ouvre à l’écrivain comme un roman de tous les dangers et de toutes joies, et il va y livrer quelques batailles pleines de fantaisies. Ce mot convient merveilleusement bien à la cité de Gaudi, de Picasso, de Bataille, de Breton, mais aussi de Genet, d’Orwell, et de Simone Weil les armes à la main. La Ville des prodiges (1) a traversé les siècles et fomenté des révoltes, et son Histoire tellurique et ses histoires palpitantes irriguent le petit livre de Mathieu David. La guerre n’est jamais très loin, et la ville a toujours un temps d’avance, sa géographie enchantée y est pour beaucoup.

Hymnes à Shiva, Outpala Déva (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 09 Novembre 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Asie, Poésie, Arfuyen

Hymnes à Shiva, Outpala Déva, septembre 2018, trad. sanskrit David Dubois, 168 pages, 16 € Edition: Arfuyen

 

« Égaré par l’ivresse de ton amour,

je veux voir tout ceci :

le monde entier

comme étant Dieu

à travers mon corps, ma parole et mon esprit.

Et aussi, que toutes mes actions

soient une adoration ! » (7-8)

Le shivaïsme distingue, au sein du Principe suprême – Shiva, c’est-à-dire Dieu – trois aspects complémentaires, comme des « sortes d’archanges délégués » de Shiva – Brahma, principe de création ; Vishnou, principe de conservation ; Roudra, principe de destruction – voués à « des tâches subalternes au plan de la dualité (mâyâ) ».

Le Syrien du septième étage, Fawaz Hussain (par Théo Ananissoh)

Ecrit par Theo Ananissoh , le Mercredi, 07 Novembre 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Le Serpent à plumes

Le Syrien du septième étage, septembre 2018, 231 pages, 18 € . Ecrivain(s): Fawaz Hussain Edition: Le Serpent à plumes

 

C’est double et réciproque, un pays ! Nous vivons en lui, et il existe à travers nous. Il nous contient, et nous le portons en nous. Il est un espace géographique, et aussi une somme immatérielle qui demeure en nous jusqu’à la mort. Cette dualité est une, en vérité. C’est juste pour parler clairement que nous distinguons. Des pays, dans l’histoire, ont été rayés pour ainsi dire de la carte du monde – la Pologne, je crois. Mais c’est un nom – un mot – qu’on a biffé ou cru biffer ; cette double existence que nous décrivons reste, encore plus fermement même dans l’âme meurtrie des natifs. Sous nos yeux, depuis trop d’années, la Syrie est saccagée. Meurtres de masse, destructions de villes et de monuments antiques, fuites de populations…

« Ma mère m’annonce une nouvelle qui me terrasse. Elle ne sait pas qui l’a fait, mais on a plastiqué notre unique pont, le seul point de passage qui restait entre les deux parties de la ville quand les pluies torrentielles ou la fonte des neiges sur les montagnes du nord causaient des crues incroyables et que le paisible fleuve quittait son lit. Elle continue sur sa lancée : on ne sait plus qui fait quoi, il lui semble que tout le monde veut la mort de tout le monde (…).

Loin de Douala, Max Lobe (par Grégoire Meschia)

Ecrit par Grégoire Meschia , le Mercredi, 07 Novembre 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Afrique, Roman, Zoe

Loin de Douala, mars 2018, 176 pages, 16 € . Ecrivain(s): Max Lobe Edition: Zoe

Avec sa gouaille si particulière, Loin de Douala traite d’un phénomène de société. Il s’intéresse au cas des jeunes footballeurs qui rêvent de faire carrière dans un club européen et qui empruntent pour cela de dangereuses routes migratoires. Ils jouent gros et deviennent la plupart du temps les proies d’un système de traite bien ordonné. Cette situation est si répandue que les Camerounais lui ont donné un nom : faire « boza ».

Le thème choisi par Max Lobe est celui de la fugue d’un adolescent, qui rappelle le personnage d’Antoine Doinel dans Les Quatre Cents coups de Truffaut, mais plongé au cœur de l’actualité camerounaise.

Comme dans Confidences, son précédent roman, Max Lobe choisit la première personne du singulier pour faire ressentir l’intimité d’un pays, vécu de l’intérieur, avec ses réalités propres, ses manières de s’exprimer aussi. Jean, le narrateur, est le bon élève de la famille et le « choupi » de sa maman, adepte fanatique de l’église du Vrai Evangile. Son frère Roger a perdu avec la mort de son père son seul soutien dans la famille. Sa mère l’a toujours dénigré et roué de coups. La passion de Roger, c’est le football. Mais sa mère a toujours refusé qu’il emprunte cette voie. Il est donc réduit à fuguer et à chercher un chemin clandestin pour quitter un pays où rêver n’est pas possible.