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Critiques

Deux mètres dix, Jean Hatzfeld (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Jeudi, 22 Novembre 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

Deux mètres dix, Jean Hatzfeld, août 2018, 206 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Jean Hatzfeld Edition: Gallimard

 

Du saut en hauteur considéré comme l’un des Beaux-Arts.

Ancien journaliste-correspondant de guerre, Jean Hatzfeld a consacré plusieurs ouvrages à des zones de conflit, notamment le Rwanda. Il est l’auteur, entre autres, d’un essai, Une saison de machettes (Prix Femina 2003), et plus récemment Un papa de sang (2015). Il fut également journaliste sportif, et son dernier livre, Deux mètres dix, nous présente l’histoire de quatre athlètes, sous forme romanesque. Il s’agit des destins croisés, des années 80 à aujourd’hui, de deux sauteuses en hauteur, l’une Américaine et l’autre Kirghize d’origine koryo-saram, et de deux haltérophiles, également un Américain et un Kirghize, ce dernier concourait comme son homologue féminin sous le drapeau soviétique. Ces quatre sportifs de très haut niveau flirtent avec les records du monde et les médailles olympiques. Bien qu’imaginés, ces personnages ressemblent de près aux sportifs des années 80.

L’Expérience à l’épreuve, Correspondance et inédits (1943-1960), Georges Bataille, Georges Ambrosino (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 21 Novembre 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Correspondance

L’Expérience à l’épreuve, Correspondance et inédits (1943-1960), Georges Bataille, Georges Ambrosino, Editions Les Cahiers, coll. Hors Cahiers, novembre 2018, 424 pages, 35 €

 

 

Face à Face

La recherche de la vérité et la manière de résoudre les problèmes que cela pose restent le centre des querelles dont les lettres de Bataille Et Ambrosino se font écho. Les deux chercheurs pouvaient se rejoindre dans une forme de synthèse ou du moins vers celui qui pourrait la donner : le poète. Seul il « sait qu’il n’y a pas de solution mais seulement une intensité dans le paradoxe ». Mais pour Ambrosino, le scientifique s’en estime plus proche que le philosophe. Ce que Bataille d’une certaine manière conteste : au mépris du savant répond sa méfiance envers lui.

Kentucky Straight, Chris Offutt (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 20 Novembre 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Nouvelles, Gallmeister

Kentucky Straight, mai 2018, trad. américain Anatole Pons, 163 pages, 8,30 € . Ecrivain(s): Chris Offutt Edition: Gallmeister

 

Âpres, souvent violentes, ces neuf nouvelles ont le goût et l’accent du territoire où elles se déroulent. Le Kentucky bien sûr, mais beaucoup plus précisément dans un bout de Kentucky grand comme un mouchoir, à l’est de Rocksalt, entre la Clay Creek et la Blue Lick River. Un territoire oublié des dieux, pauvre et sauvage et dont les habitants ne le sont pas moins.

Des gens frustres, brutaux, qui survivent avec les plus pauvres moyens mais gardent néanmoins, sous la plume de Chris Offutt, une vraie dignité humaine. La religion est là comme une maladie nerveuse, juste habituelle et répétitive, sans aucune spiritualité. Et le rapport aux animaux et à la nature n’est fait que de besoins, sans une once d’émotion esthétique ou morale.

« Quand j’étais petit, on avait un coonhound qui s’était fait arroser par une moufette et qui avait eu le culot de venir se coucher sous la terrasse après ça. Il pleurnichait dans le noir et voulait pas sortir. Papa lui a collé une balle. Il puait quand même toujours, mais papa se sentait mieux. Il a dit à maman qu’un chien qui sait pas faire la différence entre un raton laveur et une moufette, il faut le tuer » (La sciure).

Nos richesses, Kaouther Adimi (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 20 Novembre 2018. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Maghreb, Points

Nos richesses, septembre 2018, 192 pages, 6,60 € . Ecrivain(s): Kaouther Adimi Edition: Points

Faire d’une vie d’éditeur un roman, c’est le projet que s’est donné cette jeune écrivaine de trente-deux printemps, née à Alger, vivant aujourd’hui à Paris. Alger n’est pas pour rien dans cette histoire puisque la capitale algérienne joue un grand rôle, elle est l’un des décors importants de cette aventure.

Edmond Charlot, né en 1915, décédé en 2004, fut dans les années trente et quarante une figure héroïque de l’édition à Alger. La librairie qu’il ouvrit devint un vivier de littérature et d’écrivains d’artistes, accueillis dans un mouchoir de poche, un local de quatre mètres sur sept, 2 bis, rue Charras. Camus, Armand Guibert, Jean Amrouche, entre autres, sont passés par cet étonnant lieu de culture, tenu à bout de bras par Charlot et une petite équipe.

Le roman recrée des épisodes de la vie de cet intellectuel rassembleur et passeur grâce aux « Carnets », en alternance ici avec l’aventure d’un jeune étudiant, Ryad, chargé en 2017 de déblayer la Librairie Charlot Les Vraies Richesses, de jeter les livres restants. Au grand dam d’Abdallah, « le dernier gardien des lieux ». La librairie a fermé depuis longtemps, nullement débarrassée. Elle est restée telle après les avanies du temps, quelques parcours agités. La figure de cet ancien, drapé de blanc, rappelle combien le livre était pour lui un trésor à conserver dans les meilleures conditions. Le temps va en décider autrement.

La Stásis dans la politique d’Aristote La cité sous tension, Esther Rogan (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 20 Novembre 2018. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Classiques Garnier

La Stásis dans la politique d’Aristote La cité sous tension, janvier 2018, 430 pages, 52 € . Ecrivain(s): Esther Rogan Edition: Classiques Garnier

 

On connaît la formule d’Aristote suivant laquelle l’être humain est unzoôn politikon, un animal destiné à la vie en société. Comme l’ont montré les multiples exemples d’enfants sauvages ou d’enfants-loups (qu’il se soit agi d’expériences ou de hasards), aucun individu ne peut se développer normalement loin de ses semblables.

Une fois ce principe posé, Aristote ne s’est pas contenté d’imaginer, comme tant de penseurs, une société idéale, harmonieuse, où chacun vivrait en bonne entente avec ses semblables. Il a introduit au cœur de sa vision une notion redoutable, la stásis, vocable polysémique, que les dictionnaires de Bailly et de Magnien-Lacroix traduisent par soulèvement, révolte, division politique entre deux personnes, opposition, désaccord, querelle… Le mot n’est pas spécifique au lexique aristotélicien, qui se retrouve dans le Nouveau Testament.