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Critiques

Bernard Noël, François Lunven (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 17 Décembre 2019. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Fata Morgana

Bernard Noël, François Lunven novembre 2019, 88 pages, 19 € Edition: Fata Morgana

 

Bernard Noël : portrait d’un artiste maudit et saint.

Poussé par son amitié et la fascination qu’il éprouvait à son égard, mais pas seulement, Bernard Noël a écrit les plus belles pages sur un artiste « maudit » qui se suicida à 31 ans : François Lunven. Ces textes collationnés et réunis permettent un « turn-over » sur l’homme et l’œuvre aussi habités par Satan Trismégiste que sacrés (mais c’est un peu la même chose).

Avec le poète et un autre graveur (Ramon Alejandro), le trio iconoclaste – comme le rappela ce dernier – redéfinissait la position du diable « dans le livre des Etudes carmélitaines que nous étudiions assidûment en nous esclaffant de rire devant l’autorité bafouée de notre sainte Mère défunte ».

Le souffle du ciel, Sonia Elvireanu (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Lundi, 16 Décembre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, L'Harmattan

Le souffle du ciel, octobre 2019, 162 pages, 17 € . Ecrivain(s): Sonia Elvireanu Edition: L'Harmattan

 

Rencontre avec l’être aimé au-delà de toute apparence : voilà le ressenti premier à la lecture de ces poèmes qui élargissent l’état de grâce du projet, la motivation universalisant le propos. Les éléments naturels sont raccourcis dans leur état de manière à susciter chez le lecteur une sorte de choc des atomes perturbés dans leurs créations permanentes mêlant ciel, terreau nourricier et dialogue, tel : « Ouvre, ma bien aimée, le jour est en train de mourir, je suis venu te caresser ».

L’aspiration vers le haut s’arrête cependant en relais de vie entre la lumière et les feuilles des grands arbres complices, avec en écho « cette (ta) voix pour caresser les (mes) jours et retarder la nuit ».

La cohésion du ciel et de la terre ayant prise dans la réalité par neige pure interposée dans le silencieux gel des âmes, Sonia sait que « les choses de la vie ne sont pas des miracles », faisant de sa croyance une foi qui globalise bien une certaine ferveur tout humaine, avec « le baiser : (la) myrrhe et l’encens à l’aube ».

Bethani, Martine-Gabrielle Konorski (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 16 Décembre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Le Nouvel Athanor

Bethani, Martine-Gabrielle Konorski, mars 2019, Préface Emmanuel Moses, 68 pages, 15 € Edition: Le Nouvel Athanor

 

Le poème-traversée

Pour dire le voyage, il faut faire confiance au lexique de la pérégrination, et aussi à l’aptitude de la langue à immobiliser, à saisir la traversée, la perambulation, cette course faite à la lumière des étoiles de l’Épiphanie par exemple. C’est là le privilège principal du recueil de Martine-Gabrielle Konorski. En effet, tous les poèmes du livre contiennent peu ou prou l’idée du mouvement, d’une quête que la poésie invente et réifie tout à la fois. Ces poèmes disent la mobilité du trajet, de l’exode (et sans doute en relation avec le livre de l’Exode) mais ramené à une errance vers Bethani – Béthanie en vérité – qui en hébreu signifie la maison de pauvreté comme le note Emmanuel Moses dans sa préface. Le voyage se déroule donc non pas dans le lustre d’une croisière pleine de divertissement sans esprit, mais préfère la quête spirituelle, non pas vers l’acclamation, la richesse et l’apparat, mais vers la simplicité, un langage pauvre qui seul garantit la nomination mystique de cette « maison de pauvreté » où campe la poétesse.

Suite et fin des aventures de Sancho Panza, Andrés Trapiello (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 13 Décembre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Espagne, Quai Voltaire (La Table Ronde)

Suite et fin des aventures de Sancho Panza, septembre 2019, trad. espagnol Serge Mestre, 464 pages, 24 € . Ecrivain(s): Andrés Trapiello Edition: Quai Voltaire (La Table Ronde)

 

« Telle fut la fin de l’ingénieux hidalgo de la Manche, dans un village dont Sidi Ahmed n’a pas voulu préciser le nom, pour que tous les bourgs et villages de la Manche se le disputent et se l’approprient, comme les sept villes de Grèce s’étaient disputé l’honneur d’avoir vu naître Homère », L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche (1).

« On aurait dit que celui-ci était un personnage à propos duquel on pouvait écrire non pas un ni deux, mais deux cents ouvrages, car ces évènements racontés par Sidi Hamed et traduits par Cervantès, qui se déroulaient lors des différentes sorties de don Quichotte, pouvaient encore être agrémentés de détails et complétés et enrichis de mille nuances qui transformaient le livre en une narration sans fin », Suite et fin des aventures de Sancho Panza.

Oeuvres, Joris-Karl Huysmans en La Pléiade - En ménage (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Vendredi, 13 Décembre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, La Pléiade Gallimard

En ménage, octobre 2019, 1856 pages, 66 € . Ecrivain(s): Joris-Karl Huysmans Edition: La Pléiade Gallimard

Cela pourrait presque être un vaudeville. Ou alors une tragédie. Il est vrai que la frontière entre les deux est parfois ténue.

Un soir, André est en vadrouille avec son camarade Cyprien. Pour une fois, il décide de ne pas s’encanailler toute la nuit et rentre plus tôt que prévu chez lui. Mal lui en prend. Il découvre en effet sa femme, Berthe, au lit avec un autre. Il réagit avec froid, presque avec flegme. La scène se passe sans colère, sans grande effusion, peut-être même sans tristesse. Quelques jours plus tard, André s’étonnera d’ailleurs de sa réaction et se demandera pourquoi il n’a pas étranglé l’amant de sa femme.

Il fait sa valise et quitte le foyer conjugal. Il se réfugie chez son ami Cyprien (Cyprien qui, d’ailleurs, a été l’amant d’une des sœurs Vatard dans le roman du même nom de Huysmans). Il pense qu’au moins, un scandale a été évité et c’est sans doute là le principal. Qu’il soit cocu n’est finalement pas si surprenant car « il avait épousé sa femme sans entrain, sans génie ». Mais il laisse Berthe presque à regret, car il va devoir tout recommencer à zéro. « La vie de dix-huit ans qu’il fallait revivre à trente ans passés, la confiance et l’espoir en moins, l’estomac délabré, et des besoins de confortable en plus ».