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Critiques

Martin Luther et la Kabbale (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 14 Avril 2020. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Langue allemande, Editions Honoré Champion

Martin Luther et la Kabbale, Du Shem ha-meforash et de la généalogie du Christ (1543), coll. Bibliothèque d’études juives, septembre 2019, trad. allemand, Hubert Guicharrousse, Mathilde Burgart, 246 pages, 28 € Edition: Editions Honoré Champion

 

C’est un texte effrayant. On a l’impression d’observer un malade du choléra, dont le corps se décharge aux deux extrémités. Cela n’en finit pas. Le tube digestif n’est jamais vide et il répand sans arrêt des matières pestilentielles autour de la cuvette, dans les draps ou sur les murs. Loin d’être isolé dans une aile éloignée de l’hôpital, dans une chambre en bout de couloir et au dernier étage, le malade en question s’est vu élever des statues. Et il passe pour avoir changé le monde.

Dans les deux épais volumes d’Œuvres qu’elles ont publiés en Pléiade, les éditions Gallimard ont reculé devant cette insanité, comme elles ont reculé devant les pamphlets de Céline (le parallèle n’est pas gratuit, on le verra). Plus anciennes que la maison Gallimard et avec une haute tradition érudite, les éditions Champion, elles, n’ont pas eu peur. Elles avaient déjà publié Des Juifs et de leurs mensonges, écrit par Luther en janvier 1543. Il y avait pire, il y a toujours pire et, en ce qui concerne le père de la Réforme, le voici.

Regarde, papa, Eva Montanari (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 10 Avril 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Thierry Magnier, Jeunesse

Regarde, papa, Eva Montanari, février 2020, 36 pages, 14,90 € (dès 2 ans) Edition: Thierry Magnier

 

Un conte animalier

Eva Montanari présente son dernier ouvrage, édité par Thierry Magnier, un album-jeunesse cartonné, à double-page, où sur la couverture de fin, se trouve abandonné ou jeté au sol un téléphone portable. L’illustratrice offre ainsi au recto et au verso de la couverture de l’album l’image de son sujet, titré d’une interjection familière : Regarde, papa. Des bulles et des rectangles aux contours souples relatent la journée d’une famille d’ours, plus exactement d’un père et de son fils. Tout comme les humains, un peuple animalier se livre à des facéties, s’émerveille à la vue d’un spectacle de cirque dans la rue. Trente-quatre scènes reconstituent les moments phares de la journée de l’ourson Théo, depuis le lever du jour.

Kyoto song, Colette Fellous (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 09 Avril 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Récits, Gallimard, Voyages

Kyoto song, février 2020, 192 pages, 20 € . Ecrivain(s): Colette Fellous Edition: Gallimard

 

« Je dis tour à tour Kyoto, Japon, Kyoto song, mais ce n’est jamais le mot juste, je sais seulement que cet endroit du monde est pour moi à la fois le pays réel et le pays mental, qu’il est très fragile et qu’il pourrait d’une seconde à l’autre disparaître, comme tant d’autres choses ».

Kyoto song est le récit inspiré d’un voyage à Kyoto de l’écrivain et de sa petite fille Lisa, âgée de dix ans, curieuse, joyeuse, et attentive : « j’ai envie d’être encore une enfant pour voir le Japon ». Un voyage odorant comme des fleurs des cerisiers, vibrant au rythme des haïkus de Bashô : « Dans le chant de la cigale, rien ne dit qu’elle est près de sa fin ». Un voyage placé sous très haute protection littéraire, Paul Claudel, Roland Barthes, Sōseki ; et cinématographique, Yasujirô Ozu : « (C’est que) tous ses films n’en forment qu’un, ils sont le grand roman qu’il n’a pas écrit, mais filmé ». La voix unique de Colette Fellous vibre à chaque page de Kyoto song, comme elle vibrait lorsqu’elle proposait ses Carnets nomades sur France Culture.

La faute, Daniel Monnat (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Jeudi, 09 Avril 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Slatkine

La faute, Daniel Monnat, février 2020, 315 pages, 23 € Edition: Slatkine

 

 

La culpabilité est un sentiment humain décisif dans l’adoption d’une conduite, dans l’élaboration des choix de vie personnels, surtout en de dramatiques circonstances. Michel Suter est un bon citoyen helvétique, originaire de La Chaux-de-Fonds, petite bourgade campagnarde de la Suisse romande, mais qui a décidé de conquérir la ville de Genève, où il effectue des études de médecine. Il a pour objectif de s’établir, d’épouser Oriane, issue d’une famille bourgeoise genevoise. Ce projet a pour but de lui constituer un solide carnet d’adresses dans l’Establishment genevois, et d’accéder à un statut social enviable. Lors de ses sorties dans les auberges et cafés de la cité de Calvin, il rencontre Daniel et Judith Tauchner, des réfugiés ayant fui l’Allemagne nazie voisine. Daniel Tauchner est marchand d’art à Munich, cité qui joua lors de la République de Weimar un rôle culturel significatif.

Connaissance de l’enfer, Antonio Lobo Antunes (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 08 Avril 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Langue portugaise, Roman, Points

Connaissance de l’enfer (Conhecimento do inferno, 1980), trad. portugais, Michelle Giudicelli, 372 pages, 7,10 € . Ecrivain(s): Antonio Lobo Antunes Edition: Points

 

Connaissance de l’enfer est le troisième roman d’une trilogie que Lobo Antunes consacre aux souffrances et horreurs qu’il a vécues pendant vingt-sept mois dans la terrible guerre coloniale qui a ensanglanté l’Angola sous la dictature de Salazar. Les deux premiers – Mémoire d’éléphant et Le cul de Judas – parus coup sur coup en 1979 – se situaient en Angola. Ce troisième volet est celui du retour au Portugal, vers l’hôpital Miguel-Bombarda dans lequel le narrateur Lobo Antunes exerce les fonctions de psychiatre. Antonio Lobo Antunes exerça – jusqu’en 1985 – la profession de psychiatre à l’hôpital Miguel-Bombarda de Lisbonne, celui-là même où se déroule l’essentiel de ce roman.

Le chemin du narrateur n’est pas vraiment une descente en enfer. C’est plutôt la route qui mène d’un enfer à l’autre. Après la guerre – coloniale et atroce – à laquelle il a dû participer, horrible carnage pour « sauver » les bouts de l’empire portugais en décomposition, il rentre au Portugal pour rejoindre l’hôpital psychiatrique où il doit exercer – il est médecin. Cauchemar plus affreux encore.