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Critiques

Autour des livres, du nécrologe au martyrologe, Precamur fraternitatem vestram, Jean-Loup Lemaître (par Gilles Banderier)

, le Mercredi, 08 Avril 2020. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres

Autour des livres, du nécrologe au martyrologe, Precamur fraternitatem vestram, Jean-Loup Lemaître, Coordination éditoriale, Patrick Henriet, Pauline Bouchaud, Librairie Droz, Genève, septembre 2019, 714 pages, 89 €

 

C’est une platitude de déclarer que la littérature n’existe pas sans les livres. On objectera que de riches et abondantes littératures orales se sont développées, en Europe ou ailleurs. Mais existent-elles encore ? Sont-elles transmises à une époque où la modernité a envahi les moindres recoins de la planète et où l’on est parfois directement passé de l’oralité à la télévision ? La remarque initiale – la littérature n’existe pas sans les livres – en appelle une autre. Si la production de textes écrits (et en particulier de fiction) apparaît comme un trait caractéristique de l’espèce humaine (ainsi que – diraient les cyniques – le massacre de ses semblables, en dehors de toute logique de subsistance ou de survie), le livre a connu, de même que tous les artefacts, une évolution. La Bible hébraïque et la littérature gréco-latine furent copiées siècle après siècle sur des rouleaux de parchemin, auxquels le judaïsme est demeuré fidèle dans l’usage liturgique (de nos jours encore, un sefer Torah se présente sous la forme d’un rouleau manuscrit).

Livre(s) de l’inquiétude, Fernando Pessoa (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 07 Avril 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Langue portugaise, Christian Bourgois

Livre(s) de l’inquiétude, trad. portugais, Marie-Hélène Piwnik, 560 pages, 27 € . Ecrivain(s): Fernando Pessoa Edition: Christian Bourgois

 

Le grand public découvrit pour le centenaire de la naissance du grand Portugais la première version du Livre de l’intranquillité, qui, d’édition en édition, enfla, reprenant nombre de séquences inédites.

Le titre, magnifique, rendait bien compte du parcours de ce Bernardo Soares, semi-hétéronyme.

Depuis, la malle aux 27000 manuscrits a révélé d’autres inédits, et la spécialiste Teresa Rita Lopes a ordonné la matière du Livre de l’intranquillité en trois massifs intitulés aujourd’hui Livre(s) de l’inquiétude, avec trois hétéronymes : Vicente Guedes, Baron de Teive, et Bernardo Soares. Il faut dire d’emblée que ce titre est beaucoup moins intense, et le (s) assez artificiel. L’intranquillité de penser, de vivre, de communiquer sensations et émotions, dépassait de loin la simple « inquiétude », même existentielle.

Passons.

En l’état, trois parties creusent cette « inquiétude » en trois livres.

La mission Coupelle, Jean-Benoît Puech (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 07 Avril 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Fata Morgana

Edition: Fata Morgana

 

Jean-Benoît Puech : double je

Jean-Benoît Puech sort la littérature de ses tuyaux comme il sort l’écrivain de ses conduites forcées, par une ironie générale portée à son statut. Il a inventé un auteur (Benjamin Jordane), a écrit ses textes et a même créé un colloque à son sujet et une exposition à Paris et Dijon.

Cette « goutte de cruauté », chère à Nietzsche, envers le statut d’écrivain, devient un océan qui ne cesse de grandir et auquel ce père putatif d’un fils incestueux (puisqu’il couche au besoin avec la compagne du premier) ajoute une nouvelle aux accents exotiques là où deux officiers s’entretuent au nom d’un missionnaire légendaire et au long cours. S’y ajoute une belle réflexion en réponse à une question au sujet de la « vraie vocation » de l’écrivain. Elle entraîne sur les pistes aléatoires de l’interprétation lorsque celle-ci est victime du mirage des sources de la création.

Laura Willowes, Sylvia Townsend Warner (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Lundi, 06 Avril 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Joelle Losfeld

Laura Willowes, Sylvia Townsend Warner, janvier 2020, trad. anglais, Florence Lévy Paoloni, 224 pages, 5,10 € Edition: Joelle Losfeld

 

Sylvia Townsend Warner (1893-1978) était romancière et nouvelliste, poétesse et musicienne, excentrique et éprise de liberté. C’est de son premier roman, publié en 1926, réédité chez Joëlle Losfeld en 2007 et à présent épuisé, dont il sera question ici.

Laura Willowes, son héroïne, est au début du roman une jeune femme insignifiante de la bourgeoisie anglaise. Enfant docile et insouciante, elle est brusquement jetée dans l’âge adulte par la mort prématurée de sa mère, et devient une maîtresse de maison tout à fait convenable. Elle serait un beau parti… si elle était mariable – or il se trouve qu’elle ne l’est guère. Des lectures peu orthodoxes – pour une jeune femme de son milieu et de son temps, s’entend – et pour lesquelles elle a toujours joui d’une rare liberté, un vif intérêt pour les simples et le brassage, une passion pour les fleurs, une propension à la rêverie et un goût pour la solitude « l’ont jetée hors du monde », comme le souligne Geneviève Brisac dans la préface de cette édition. En somme, c’est une excentrique – comme toute famille anglaise se doit, paraît-il, d’en engendrer une – mais du genre introverti.

Sanction, Ferdinand von Schirach (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 06 Avril 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Langue allemande, Nouvelles, Gallimard

Sanction, Ferdinand von Schirach, février 2020, trad. allemand, Rose Labourie, 169 pages, 16 € Edition: Gallimard

Généalogie de nos fautes

Cousine du genre romanesque, la nouvelle est un récit bref, tendu, centré autour de peu de personnages et conduisant vers une « chute ». Elle n’est pas qu’un « roman court », comme on le dit parfois. Elle possède ses particularités, l’art de la litote, la capacité de suggérer plutôt que de détailler longuement, et un style épuré, des mots choisis, une écriture à la serpe. Néanmoins, derrière cette économie d’écriture, elle sait dire le drame d’un personnage, évoquer la complexité d’un autre ou encore faire découvrir une situation inédite. Un genre à part entière, trop négligé par le monde de l’édition, à notre goût.

Il est des auteurs amateurs de nouvelles, Maupassant, Stefan Zweig, Alice Munro, pour les plus célèbres. Et c’est le cas de l’auteur allemand Ferdinand von Schirach dont le dernier opus Sanction paraît chez Gallimard dans la Collection Du Monde entier. Comme ses autres recueils de nouvelles, Crimes, Coupables, le livre gravite autour du monde de la justice. Von Schirach est d’ailleurs un célèbre avocat pénaliste outre-Rhin.