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Critiques

Jamais la même vague, Frédéric Schiffter (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 23 Avril 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Flammarion

Jamais la même vague, janvier 2020, 268 pages, 19 € . Ecrivain(s): Frédéric Schiffter Edition: Flammarion

 

« La jubilation de surfer vient de la maîtrise durant quelques instants de la verticalité du corps sur une horizontalité ondoyante, écumante, rapide. Le surf est un rodéo debout. Il faut s’accrocher à l’air jusqu’à épuisement de la monture ».

Jamais la même vague est un roman ondoyant, écumant et vif, sorte de rodéo littéraire que livre Frédéric Schiffter avec ses personnages et les aventures romanesques et follement réelles, qui les saisissent, les renversent, les électrisent, et les tétanisent. Jamais la même vague est le roman de deux destinées qui vont se rencontrer, Alice et Boris, l’une va embrasser la vie d’un beau surfeur américain qu’aucune vague n’effraie, l’autre défendre un jeune délinquant néonazi impliqué dans la mort d’un jeune antifa lors d’une bagarre de rue entre deux bandes rivales de jeunes gens énervés, que tout oppose sauf, les poings et les insultes.

Miscellanées des fleurs, Anne-France Dautheville (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Jeudi, 23 Avril 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Buchet-Chastel

Miscellanées des fleurs, Anne-France Dautheville, mars 2020, 144 pages, 15 € Edition: Buchet-Chastel

Quand Colette parle des fleurs, c’est un enchantement et c’est de la littérature, que ce soit dans ses récits, dans des chroniques ou dans Pour un herbier (La guilde du livre de Lausanne, 1953). On pourrait lui reprocher son anthropomorphisme, son maniérisme stylistique et, peut-être, une forme de mysticisme – nous n’y songeons pas, n’étant pas encore délivrée de notre idolâtrie.

Mais tout le monde n’est pas Colette et il n’en va pas de même du livre d’Anne-France Dautheville, bien qu’il ne soit pas, loin s’en faut, dénué d’intérêt.

Il rassemble de brèves chroniques d’un intérêt inégal, qui mêlent botanique, anecdotes, légendes, références littéraires, mythologiques et historiques, considérations étymologiques et notations sur la symbolique et le langage des fleurs. Il y est question des atours et des métamorphoses des fleurs, de leurs inépuisables ressources, de leurs mœurs et de celles des insectes qui les fréquentent, mais aussi de leurs ruses et de leurs tours, des trompe-l’œil et autres subterfuges qu’elles fomentent, retorses, pour abuser la naïveté des butineurs et assurer leur survie et leur reproduction, ce qui témoigne de la sagacité et de l’à-propos de la nature – autant, sans doute, que d’un certain arbitraire dans la distribution de la perspicacité.

Héros et Tombes, Ernesto Sábato (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 22 Avril 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Amérique Latine, Roman, Points

Héros et Tombes (Heroes y Tumbas, 1961), Ernesto Sábato, Points Coll. Signatures, 2009, 529 pages, 10,70 € Edition: Points

 

Ce roman est un roman d’amour.

Ce roman est une descente aux Enfers.

Ce roman est un roman dans un roman dans un roman …

C’est un serpent constricteur qui étreint les deux personnages liés par un pacte létal : Martin par un amour maudit et une jalousie morbide, Alejándra par une cruauté invincible autant qu’involontaire. L’involontaire disait Lacan n’empêche pas l’intentionnel et les intentions de cette femme sont celles rien moins que du Diable : faire le Mal, avec soin, art, une forme de délectation, mais le Malin le fait toujours en toute innocence. Son amoralité est quasi parfaite – même les rares traces de compassion que ce pauvre fou de Martin lui fait éprouver deviennent des instruments de torture dans son âme égarée.

La fantaisie répond à la mélancolie, François Baillon (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Lundi, 20 Avril 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Le Coudrier

La fantaisie répond à la mélancolie, François Baillon, novembre 2019, ill. Odona Bernard, 139 pages, 20 € Edition: Le Coudrier

 

Dieu hésite au-dessus de son œuvre dans la bouillante marmite de sa création. Aurait-il un doute ?

François Baillon l’aide-t-il à faire feu de tout poème à précipiter, entre les mots du juste questionnement, la vivacité culinaire de la Poésie ?

C’est qu’il ne manque pas d’ingrédients à épicer une mélancolie philosophale d’une pincée de fantaisie : « Je réduis la cuisson, se dit Dieu, et tous les éléments devraient pouvoir rester ».

Dieu et le scientifique se confrontent dans une sorte d’hilarité explosive qui n’a rien à envier aux rétrécissements et agrandissements « d’Alice » dans son « Pays des merveilles », François tirant les audaces littéraires d’une sorte de chapeau d’Eternité, laissant éclater une sorte d’irresponsabilité d’un Dieu laissant échapper un projet inabouti ou peut-être bien, plus volontairement, obligeant l’Homme à prendre ses responsabilités.

Les Yeux dans les yeux, Le Pouvoir de la conversation à l’heure du numérique, Sherry Turkle (par Ivanne Rialland)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Lundi, 20 Avril 2020. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Actes Sud

Les Yeux dans les yeux, Le Pouvoir de la conversation à l’heure du numérique, Sherry Turkle, janvier 2020, trad. anglais, Elsa Petit, 553 pages, 28 € Edition: Actes Sud

 

Sherry Turkle, professeure au MIT, étudie depuis des dizaines d’années nos interactions avec les objets technologiques, concentrant son attention sur la manière dont ils affectent notre identité et nos relations sociales. Comme de nombreux autres penseurs des nouvelles technologies, son regard d’abord positif sur les possibilités d’expression offertes en ligne – à travers par exemple les avatars créés par les joueurs de jeux vidéo – est devenu beaucoup plus négatif à mesure que ces technologies s’imposaient dans notre quotidien, à la faveur du développement des smartphones, des progrès de l’intelligence artificielle, de la multiplication des objets connectés.

Le livre traduit par Actes Sud date de 2015 : c’est beaucoup pour un domaine en forte évolution. Les pages que Sherry Turkle consacre à l’impact des algorithmes des moteurs de recherche et des réseaux sociaux peuvent paraître ainsi un peu rapides, pour qui aura été attentif à la question durant ces cinq dernières années – les médias s’étant par exemple fait largement l’écho du livre du sociologue Dominique Cardon, À quoi rêvent les algorithmes (Seuil, 2015).