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Roman

Mon âge, Fabienne Jacob

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Samedi, 30 Mai 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Mon âge, septembre 2014, 165 pages, 16,90 € . Ecrivain(s): Fabienne Jacob Edition: Gallimard

Descendre jusqu’au cœur des choses – au profond de soi, tout en restant au bord – plonger dans la matière rugueuse d’une écorce d’arbre auquel on s’enroule et sentir le flux de la vie qui nous déborde – ce roman de Fabienne Jacob est le roman de l’écriture du corps et des sensations, du temps intérieur. Mon âge, ce roman constitue un voyage au fil des reflets saisis impromptus – ou presque toujours par hasard – dans le regard d’un miroir que l’on croise, au courant de l’existence, au cœur d’une irisation troublante où la mémoire refait la traversée/un voyage au fil de reflets de soi surpris…

Comme en boucle le récit avance dans le rythme d’une limpidité interrompue/confondue lorsque le cours de la vie arrête un laps de lucidité la narratrice – lorsque son regard croise ces miroirs d’où remonte le flux éloquent toujours vif d’une mémoire en résurgence d’immersions ou de projections. Des îlots de poésie émergent véritablement par-ci par-là des surfaces de l’eau tranquille des habitudes ou du cours paisible ou inextinguible de la vie conjugale – éclaboussements d’écume et de sel dans le flux cyclique du tempo de la quotidienneté – ainsi cette odeur du sommeil des enfants, ce miracle éphémère qui tremble dans (l’)apesanteur irisée des bulles d’air, ce froissement de papier de soie blanc, papier fin presque translucide faisant courir une première salve de chair de poule sur le bras. Des passages émaillent les pages de cette poésie née du récit dans un flot de souvenirs teints de nostalgie et de fraîcheur :

La Trilogie romanesque. Les Cancrelats. Les méduses. Les phalènes, Tchicaya U Tam’si

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 29 Mai 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Afrique, Gallimard

La Trilogie romanesque. Les Cancrelats. Les méduses. Les phalènes, Gallimard, coll. Continents noirs, mars 2015, Edition préparée et présentée par Boniface Mongo-Mboussa, 957 pages, 20 € . Ecrivain(s): Tchicaya U Tam’si Edition: Gallimard

 

La collection Continents noirs des éditions Gallimard poursuit la publication des œuvres complètes du grand poète et romancier congolais Tchicaya U Tam’si. Après sa poésie complète l’année dernière dont nous avons rendu compte ici, voici rassemblés en un volume trois de ses quatre romans – près de mille pages – introduits encore une fois avec clarté et maîtrise par le critique et écrivain Boniface Mongo-Mboussa. Une introduction (prévenons le lecteur) placée… à la fin de l’ouvrage.

Tchicaya U Tam’si, ce sont trois vies successives en l’espace de cinquante-sept ans : poète, dramaturge puis romancier. Cette dernière phase de sa vie dure moins d’une dizaine d’années. Quatre romans en sept ans, sans oublier un recueil de nouvelles. En 1977, Tchicaya publie La Veste d’intérieur, Prix Louise-Labbé. Ce sera son dernier recueil de poèmes. Vingt-cinq années de création poétique ont fait de lui un des poètes majeurs de l’Afrique malgré l’ombre écrasante de Senghor. Mais à l’orée de la cinquantaine, il est gagné par le doute quant à sa postérité.

Les Partisans, Aharon Appelfeld

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 28 Mai 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, L'Olivier (Seuil), Israël

Les Partisans, mai 2015, traduit de l’hébreu par Valérie Zenatti, 319 pages, 22 € . Ecrivain(s): Aharon Appelfeld Edition: L'Olivier (Seuil)

Aharon Appelfeld continue sa quête – celle de « le garçon qui voulait dormir ». Sa quête de l’âme juive. Pour être plus exact, celle de l’âme juive qui naît après l’anéantissement du Ghetto de Varsovie, après que la raison des survivants eut accepté que le cauchemar vécu était bien la réalité et non pas, ni un mauvais rêve, ni un épisode affreux de l’Histoire qui ne pouvait pas aller au bout de son programme meurtrier. Dans l’entre-deux, dans l’espace qui sépare les chambres à gaz et la naissance future et encore improbable de la naissance de l’Etat d’Israël.

C’est là le chemin original d’Appelfeld, celui qui explore une genèse, l’éclosion d’un homme juif nouveau. Dévasté par les pogroms subis, par les expulsions des Nations, par le statut de « dhimmi » ou de « untermeschen », par l’extermination enfin, l’homme juif se relève lentement, douloureusement. Groggy et dévoré par les images vécues, écrasé par la culpabilité d’avoir survécu, terrassé par le souvenir des êtres aimés massacrés, le Juif se relève néanmoins. Et – c’est là ce qui intéresse Appelfeld – il se relève armé, prêt à combattre, décidé à ne plus jamais mettre un genou à terre devant qui que ce soit. Les oripeaux du ghetto ou du camp d’extermination laissent la place au fusil mitrailleur et à la tenue de partisans. Blessés, épuisés, mais d’une détermination sans faille, la couleur étant annoncée dès les premières lignes du roman : « Nous tiendrons jusqu’au bout ».

Nous, les chats…, Claude Habib

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 28 Mai 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions de Fallois

Nous, les chats…, février 2015, 190 pages, 15 € . Ecrivain(s): Claude Habib Edition: Editions de Fallois

 

Autobiographie d’un chat en colère, d’un vrai chat, pas un chat qui s’est compromis, affadi, au contact de l’Homme, « En résumé, voici l’affaire : les hommes chérissent dans le chat un petit homme très joli. Le chat tient à l’homme comme à sa propre mère, une mère invalide et fort enlaidie. De part et d’autre, la relation repose sur l’imposture et sur l’hallucination ». Non, ici nous avons affaire à un chat réel, un chat des bois, un chat digne de son espèce, qui a donc forcément une très haute opinion de lui-même, car ce n’est pas rien d’être l’aboutissement de la création, la perfection incarnée. Faut savoir tenir son rang !

« Nous sommes l’ourlet du monde. C’est là qu’il finit, et je puis ajouter – sans me vanter – qu’il finit bien. Sans nous la création serait dépenaillée, il y aurait un effilochement constant des espèces, une dégénérescence à la marge. Le monde cesserait d’être beau pour être plein, et plein de quoi, grands dieux ? Il serait plein d’oiseaux sans ailes, rempli de biches obèses et de bêtes fumistes, plein à craquer ».

Berlin, Bucarest-Budapest Budapest-Bucarest, Gonçalo M. Tavares

Ecrit par Marc Ossorguine , le Vendredi, 22 Mai 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, La Contre Allée

Berlin, Bucarest-Budapest Budapest-Bucarest (Berlim, Bucareste-Budapeste Budapeste-Bucareste) mars 2015, traduit du portugais par Dominique Nédellec, 96 pages, 8,50 € . Ecrivain(s): Gonçalo M. Tavares Edition: La Contre Allée

 

Gonçalo M. Tavares restera toujours un écrivain surprenant, à la fois exigeant envers le texte et envers ses lecteurs et toujours joueur et ironique, avec cette pointe « d’understatement » dont on pense, à tort, qu’elle est une spécialité purement britannique.

Dans cette nouvelle collection à vocation européenne, et donc voyageuse, ce nouvel opus de l’homme du « barrio » (cette série de petits livres délicieux, délicieusement graves et fantaisistes, Monsieur Valéry, Monsieur Kraus, Monsieur Swedenborg, Monsieur Calvino…) nous fait voyager, comme son titre l’affiche clairement et d’étrange façon, entre Berlin, Budapest et Bucarest.

Berlin en compagnie d’une jeune femme radicale et perdue, à la fois sans illusion et à la poursuite de ses rêves – ou de ses cauchemars, peut-être. Pourfendeuse des simulacres culturels, elle cherche dans la ville elle-même ou ce qui lui permettra de grandir sans se perdre plus qu’elle ne l’est au fil de ce bref road movie urbain.