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Roman

Le Voyage d’Octavio, Miguel Bonnefoy

, le Mercredi, 15 Avril 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, Rivages

Le Voyage d’Octavio, janvier 2015, 124 pages, 15 € . Ecrivain(s): Miguel Bonnefoy Edition: Rivages

 

Tout commence par la découverte de la lecture et de l’amour, intrinsèquement liés à travers la personne de Venezuela, qui initie don Octavio à cet univers du désir : celui d’apprendre, d’imaginer, celui de l’autre. Ainsi naît l’histoire, en rupture avec ces temps précolombiens de l’ignorance, tels que la colonisation espagnole les ont dépeints. Ou plutôt, tout commence un peu avant, dans la légende fondatrice de Saint-Paul-du Limon : l’arrivée des colons et de la peste, le miracle des citrons qui tombent comme un signe du ciel sur une procession et guérissent tous les pestiférés. La statue du Nazaréen érigée dans la première église qui lui est consacrée dans le village disparaît un jour, sans que nul ne s’étonne, on rase l’arbre miraculeux, il ne reste que le nom donné au village dont chacun a oublié le mythe originel, et Octavio naît là dans une ignorance totale que la rencontre de Venezuela va transformer en un parcours initiatique vers la connaissance de soi et de son pays, au cours des épreuves qu’il traversera. Après l’idylle amoureuse et la découverte des fruits de la connaissance, vient le temps de la chute : Octavio fait partie d’une bande de nobles voleurs justiciers, installés dans l’église, qui cambriole un jour la maison de Venezuela. Cette dernière reconnaît son amant parmi les pilleurs, ce qui pousse ce dernier à un long exil.

Les deux mages de Venise, Philippe André

, le Mardi, 14 Avril 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Passeur

Les deux mages de Venise, février 2015, 256 pages, 18,90 € . Ecrivain(s): Philippe André Edition: Le Passeur

 

Cosima fan tutti

Richard Wagner et Franz Liszt étaient amis dans la vie et unis dans leur Art : la musique. Ils étaient aussi l’un et l’autre attirés par la gente féminine qui le leur rendit bien. Wagner poussa l’amitié jusqu’à entretenir une liaison avec la fille de Liszt, Cosima, avant de l’épouser.

Les deux mages de Venise est une fantaisie féérique dont l’action se déroule dans la cité des Doges pendant l’hiver 1883. Richard Wagner a fait créer son ultime opéra, Parsifal, en juillet 1882 à Bayreuth, et essoufflé, malade, vieillissant, il se laisse entraîner dans le labyrinthe vénitien par Franz Liszt venu passer quelques jours avec sa fille, son gendre et leurs enfants. Près de l’Arsenal ils découvrent une vieille galère échouée qui ferait un parfait petit théâtre. Et, coïncidence miraculeuse, dans une pièce juchée au sommet d’un vaste palais dont le toit de verre permet de voir tomber la neige, ils font la connaissance de John Milton.

L’Océan au bout du chemin, Neil Gaiman

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 14 Avril 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Au Diable Vauvert

L’Océan au bout du chemin, octobre 2014, 314 pages, 18 € . Ecrivain(s): Neil Gaiman Edition: Au Diable Vauvert

 

Neil Gaiman est un grand raconteur ; toute son œuvre publiée en français est là pour le prouver, de De Bons Présages (en collaboration avec Terry Pratchett, pas moins) à American Gods, du recueil Des Choses Fragiles à la fantasy de Stardust, du Londres fantasmé de Neverwhere à ce bref récit sur l’enfance qu’est Coraline, tout est enchanteur et… enchanté, puisque le fantastique dans toutes ses variantes, jusqu’au merveilleux, est à l’honneur chez cet Anglais né en 1960.

D’enfance et de merveilleux, il est aussi question, L’Océan Au Bout Du Chemin, très beau roman qui s’ouvre sur un deuil : un homme, la quarantaine passée, vient d’assister à un service funéraire et doit se rendre chez sa sœur, lorsqu’il décide de suivre le « petit chemin de campagne de [s]on enfance [,] désormais une route d’asphalte noir qui servait de zone tampon entre deux lotissements tentaculaires » ; cette route le mène finalement à « dans toute la gloire décatie de ses briques rouges : la ferme des Hempstock », et c’est là qu’il rencontre une vieille femme, qui au nom du passé l’autorise à se rendre près d’une mare que sa petite-fille appelait « l’océan », ainsi que s’en souvient le narrateur en s’en approchant…

Nous l’appelions Em, Jerry Pinto

Ecrit par Martine L. Petauton , le Vendredi, 10 Avril 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Actes Sud

Nous l’appelions Em, février 2015, traduit de l’anglais (Inde) par Myriam Bellehigue, 260 pages, 22 € . Ecrivain(s): Jerry Pinto Edition: Actes Sud

 

Et l’enfer s’appela bipolarité…

« Je grandis en entendant dire que ma mère avait un problème de nerfs. Plus tard, on m’expliqua qu’il s’agissait d’une dépression nerveuse… on nous dit qu’elle était schizophrène… finalement, tout le monde s’accorda à dire qu’elle était maniaco-dépressive. Tout au long, elle n’utilisa pour elle-même qu’un seul mot : folle ».

Alors, adulte, il en fit un livre : sa mère, sa sœur, lui et son père, plus quelques autres, parents, amis, psychiatres, face à ce qu’on nomme maladie chronique bipolaire, et qu’on devrait plutôt nommer : monstre ou fauve, qui épuise, et terrorise, revient en boucle, et s’accroche. Un de ses proches mentalement atteint ; un drôle de voyage. Parce qu’il y a sa mère malade, et puis, eux tous, et encore le reste du monde qui regarde et juge. Une douleur fragmentée. Infinie, mâtinée pour autant ça et là de l’émotionnel « normal » et banal de toute vie. Et au bout, ce livre, magnifique, écrit de main de fils, avec la pudeur, l’humanité, le juste, que pas un documentaire ne parvient à rendre (tout en en étant pourtant un, et des meilleurs).

Les Fiancés, Déborah Lévy-Bertherat

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 09 Avril 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Rivages

Les Fiancés, Mars 2015, 220 p. 18 € . Ecrivain(s): Déborah Lévy-Bertherat Edition: Rivages

 

Délicieux univers que celui de ce roman. La douleur pourtant y est omniprésente mais, Déborah Lévy-Bertherat déroule les pelotes du temps qui passe avec une douceur, une délicatesse, une finesse infinies. La tragédie humaine – celle, universelle, de l’inéluctable vieillesse et sa fin – prend du coup des couleurs moins sombres, est irisée d’arcs-en-ciel. Il faut dire que l’écriture ici, poétique et soignée, n’a pas pour objet la noirceur. Et elle atteint parfaitement ses fins : parler du destin sans verser, jamais, dans le pathos du romantisme désespéré.

Pourtant, le sujet aurait pu y tomber. Deux vieillards, un homme et une femme, Madeleine et René, se croisent dans une maison de retraite au crépuscule de leurs vies.  Et ils vont connaître une dernière – très belle – histoire d’amour. A partir de cette matrice, Déborah Lévy-Bertherat va décliner un beau roman sur le temps. Le temps perdu, à jamais. Le temps récurrent, celui de la mémoire, le temps retrouvé enfin, celui de l’affect (re)vécu.