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Roman

Warum, Pierre Bourgeade (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 22 Janvier 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Tristram

Warum, Pierre Bourgeade, janvier 2020, 242 pages, 19,90 € Edition: Tristram

 

Fin d’été

Il fut un temps où Pierre, le héros de Warum, semblable et frère de son auteur, ne se contentait pas de rêver les femmes. Il se les calait douces, les enfilait comme se passe un pull en hiver pour se réchauffer. Il avait les épaules larges, elles y cherchaient un creux et certaines pensent encore à lui. Car ils ont fait des fêtes et ont dû swinguer du valseur avec lui sur le She loves you des Beatles.

Mais néanmoins lentement cœur se fendille, corps se fume. Reste à savoir où commence l’indifférence ou si l’on préfère comment meurent les amours. « Qui s’exprime lorsque le corps ne répond plus ? » avoua Bourgeade à une de ses dernières égéries. Et c’est à cette réponse que Warum fait écho dans son aspect road-movie en hommage à La Femme au nom d’une voire de plusieurs d’entre elles.

L’œil du paon, Lilia Hassaine (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 21 Janvier 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

L’œil du paon, Lilia Hassaine, octobre 2019, 230 pages, 18,50 € Edition: Gallimard

 

Très bien écrit, fluide, on se laisse facilement aspirer par L’œil du paon qui trace un portrait acerbe d’un certain milieu parisien plutôt huppé. Dans ce roman qui a quelque chose d’un conte moderne froid et cruel, il y a une esthétique de l’écriture qui tient de la peinture. Il y est d’ailleurs fait mention des tableaux de Hopper, dont l’univers colle assez bien en effet avec l’atmosphère du roman.

Le côté froid, vaniteux, désabusé, à la fois superficiel et pesant de cette vie parisienne, auquel se confronte Héra, la jeune femme, personnage principal du roman, contraste avec la chaleur, la liberté, les couleurs, les parfums de l’île au large de la Croatie dans laquelle elle a grandi, sorte d’éden à l’abri du monde, peuplé de paons. Oiseau emblématique, délibérément choisi par l’auteur pour ce qu’il évoque : la beauté mais aussi et surtout l’orgueil, caractéristique typiquement humaine, que nous projetons sur lui. Sur cette île où Héra a vécu seule avec son père, gardien de l’île – sa mère étant morte là-bas très prématurément – plane une menaçante légende en lien avec une ancienne abbaye détruite durant les campagnes napoléoniennes.

De pierre et d’os, Bérengère Cournut (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Lundi, 20 Janvier 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Tripode

De pierre et d’os, Bérengère Cournut, août 2019, 219 pages, 19 € Edition: Le Tripode

 

 

Le chant d’Uqsuralik

Le roman s’ouvre sur une fracture : celle de la banquise, qui sépare Uqsuralik, jeune Inuit, de sa famille et de son enfance. Son père a tout juste le temps de lui lancer, par-dessus la faille, un maigre viatique : une peau, un harpon qui se brise et se perd dans l’eau, une dent d’ours en amulette. Armée du couteau en demi-lune qui n’avait pas quitté sa poche, bientôt rejointe par sa chienne Ikasuk et quatre jeunes mâles plus prédateurs que protecteurs, elle se met en route, aiguillonnée par la nécessité de survivre : d’abord trouver un abri et de la nourriture, et s’imposer comme cheffe de la meute pour ne pas finir dévorée. Ensuite, rejoindre d’autres Inuits pour entrer, un jour, dans une nouvelle famille. Puis devenir femme, amante, mère, et enfin chamane.

Le Train zéro, Iouri Bouïda (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 16 Janvier 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Gallimard

Le Train zéro, Iouri Bouïda, trad. russe Sophie Benech, 127 pages, 6,90 € Edition: Gallimard

 

Ce train Zéro, tout droit sorti de l’Enfer de l’Arc d’Héraclite, celui qui mène à l’inéluctable sort des hommes, vous hantera à jamais de ses bruits de ferraille, son souffle effroyable, son mystère vertigineux. D’où vient-il ? Où va-t-il ? Que transporte-t-il ? Qui le conduit ?

A la Station 9 de la Ligne, Ivan Ardabiev, surnommé Don Domino, veille, avec quelques personnes, à ce que le Train passe sans encombre, à l’heure dite « Ric-Rac » ! Il ne se pose pas de questions, il exécute les ordres venus « d’en-haut » parce que c’est l’ordre de la « Patrie ». Les gens qui vivent autour de la station 9 sont chrétiens, sont juifs, peu importe, ils sont d’abord très pauvres, très isolés et, peu à peu désespèrent et s’en vont. Le roman commence d’ailleurs de manière très drôle – on pense à une histoire russe célèbre :

« “Les Juifs s’en vont !” cria-t-il dans le vide sonore de la maison et, ayant attendu en vain une réponse, il retourna à la fenêtre. “Les Juifs s’en vont toujours. Il n’y a que des idiots comme nous pour rester !” ».

Dans la mansarde, Marlen Haushofer (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mercredi, 15 Janvier 2020. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Babel (Actes Sud)

Dans la mansarde, Marlen Haushofer, août 2019, 222 pages, 7,80 € Edition: Babel (Actes Sud)

 

« Il est difficile d’imaginer à quel point

nous avons rendu notre univers étriqué et misérable »

 

Un drôle d’oiseau

Dans la mansarde commence et se termine un dimanche, au réveil, dans le lit conjugal de la narratrice qui rend compte, à chaque fois, d’une de ces sempiternelles et oiseuses chamailleries de vieux couple, devenues rituelles et qui en étayent l’édifice branlant et fissuré. Entre ces deux matins, une semaine comme les autres, à un détail près : un épisode éprouvant de son passé ressurgit inopinément, sous la forme d’enveloppes jaunes déposées dans sa boîte aux lettres et qui contiennent chacune une partie du journal intime qu’elle avait écrit à cette époque, frappée d’une soudaine surdité, elle avait été envoyée quelques mois dans une cabane forestière, sous la surveillance d’un garde-champêtre peu amène.