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Poésie

Le Grand Chosier, Laurent Albarracin

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 22 Janvier 2018. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Le Grand Chosier, Le Corridor bleu, 2015, 184 pages, 18 € . Ecrivain(s): Laurent Albarracin

 

Ce quatorzième livre de poèmes du poète né en 1970 répond sans doute au vœu de faire de la poésie le nœud de recherches formelles, dans le grand souci d’une langue inventive, ici, prise littéralement de folie lexicale, tant la langue d’Albarracin se donne toujours prête à se mordre la queue, à se dérouler en matrice permanente, jouant le jeu de s’autoproduire à satiété :

Un caillou est chauve de tout. Comme peaufiné par rien. Il fait un trou dans l’eau de l’air.

Un caillou est comme un trou mais un trou fait de matière, une légère béance comblée de pierre… (p.31).

L’humour, normal pour ce continuateur de l’Oulipo, dont les exercices de style fusent ici à tout vent, produit un exemple notoire avec Le Poirier (p.13) :

Les gens comme ça va, Dominique Sorrente

Ecrit par France Burghelle Rey , le Mardi, 16 Janvier 2018. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Cheyne Editeur

Les gens comme ça va, juin 2017, 17 € . Ecrivain(s): Dominique Sorrente Edition: Cheyne Editeur

Né « au lendemain des attentats du 7 janvier 2015 à Paris », comme l’annonce le préambule, le nouveau recueil de Dominique Sorrente est le septième de son auteur aux éditions Cheyne. Le poète, qui vit à Marseille, a reçu de nombreux prix (Antonin Artaud et Georges Perros entre autres), est également passeur de poésie avec le collectif Le Scriptorium qu’il anime dans sa ville depuis 1999 et grâce auquel il veut favoriser la présence de la poésie au cœur de la vie citoyenne.

La première partie du recueil qui en comprend sept s’intitule d’une façon volontairement fautive Ils sont les gens. Cette présentation naïve ainsi que les premières pages ne sont pas sans rappeler aux lecteurs sexagénaires un titre comme Il y a des gens de toutes sortes, qui appartenait à la collection des magiques petits livres d’or. On pouvait y découvrir les gens bons, les gens méchants, les beaux, les laids, etc. Ici les énumérations réalistes, humoristiques ont, mutatis mutandis, le même pittoresque efficace qui mêle l’étrange au banal et qui donne envie de tourner les pages. Ainsi après la description de ces gens « pète-secs, rêvasseurs, pisse-drus », passe-t-on à une écriture narrative où on les voit vivre à tous les âges :

Ouvrir, Guillevic

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 09 Janvier 2018. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Ouvrir, décembre 2017, 352 pages, 25 € . Ecrivain(s): Eugène Guillevic Edition: Gallimard

 

Ouvrir, le recueil de textes de Guillevic que publient les éditions Gallimard en ce décembre 2017, est à la fois un livre et un portrait. Un livre bien sûr, car il rassemble les textes, proses ou poèmes publiés de façon éparse, qui vont de la période de formation à la maturité du poète. Et portrait aussi, car les textes réunis ici donnent à voir un ensemble d’œuvres qui fonctionne à la manière d’une sorte de description cubiste et dessine une image du poète, tout à la fois du grand poète que l’on connaît, mais aussi par des arêtes diverses et parfois nouvelles, petites touches qui font la représentation d’un homme vivant derrière l’œuvre poétique. Ainsi, qu’il s’agisse de l’amitié pour Elsa Triolet ou des peintres de l’entourage de l’écrivain, on est toujours en alerte et on suit le raisonnement de l’homme, non pas comme en une page, mais in vivo, dans l’atelier même du poète.

Œuvres romanesques précédées de Poésies complètes, Blaise Cendrars en la Pléiade

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 22 Décembre 2017. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Pléiade Gallimard

Œuvres romanesques précédé de Poésies complètes, Edition établie et présentée par Claude Leroy, 2 volumes, 115 € (jusqu’au 31 mars 2018) . Ecrivain(s): Blaise Cendrars Edition: La Pléiade Gallimard

 

« Je resterai ma vie durant

à regarder couler la Seine…

C’est un poème dans Paris »

(La Seine, Poèmes tardifs).

Blaise Cendrars fait une nouvelle apparition dans la Bibliothèque de la Pléiade, avec deux volumes d’œuvres romanesques et poétiques, aux mille éclats de paillettes d’or. En 2013, Gallimard publiait deux premiers opus, consacrés aux Œuvres autobiographiques – si essentielles à l’écrivain voyageur : L’Homme foudroyé, La Main coupée, Bourlinguer, et Prière d’insérer. Le Tour du Monde poétique et romanesque du poète armé du bouclier de son œuvre (1) s’achève. L’arpenteur, le guerrier du présent, le bourlingueur lettré, l’engagé volontaire, nous livre ses Mémoires d’outre-vie composées sur le vif du sujet, sur le motif, à la manière de Cézanne et c’est admirable.

Rien de trop, éloge du haïku, Antoine Arsan

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Lundi, 18 Décembre 2017. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Gallimard

Rien de trop, éloge du haïku, 2017, 11 € . Ecrivain(s): Antoine Arsan Edition: Gallimard

 

À la suite de l’indispensable Fourmis sans ombre, le livre du haïku, anthologie-promenade de Maurice Coyaud (Phébus, 1978), Antoine Arsan dirige notre regard vers le haïku, en essayant (il s’agit de tracer une voie directe) de gommer toute espèce d’intermédiaire qui serait, en définitive, futile bavardage, rappelant la façon qu’a cette forme poétique d’être accessible « à tous, sans initiation ni propédeutique ». Pour autant, si le haïku parle « au cœur sans intermédiaire obligé », si son essence « est profondément populaire », il atteint « dans l’expression une délicatesse, une élégance, un raffinement qui relèvent d’une forme inédite d’aristocratie ».

Mais un haïku, qu’est-ce exactement ?

« Forme poétique proprement japonaise, le haïku est la version ramassée en dix-sept syllabes d’un poème qui en comportait à l’origine trente et une – expression plus déliée que celle de la poésie officielle, longtemps inspirée du modèle chinois. Cette version courte s’est imposée à l’usage, tant par sa légèreté […] que par sa difficulté, beaucoup plus stimulante. […] [N]i élégiaque, ni lyrique, le haïku s’attache à saisir l’instant dans ce qu’il a d’insaisissable. Il se nourrit pour l’essentiel de la nature et du quotidien de la vie, dans une approche qui peut dissimuler une délicate subjectivité ».