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Nouvelles

Dernières nouvelles, Jim Harrison

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 05 Décembre 2017. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Flammarion

Dernières nouvelles, octobre 2017, trad. anglais (USA) Brice Matthieussent, 300 pages, 21 € . Ecrivain(s): Jim Harrison Edition: Flammarion

 

Aucun général ne devrait mourir ailleurs que sur le champ de bataille et aucun écrivain ailleurs qu’à sa table de travail, parce que ce sont les lieux où s’accomplit leur destin. Jim Harrison est mort le 26 mars 2016, comme doivent mourir les écrivains, à son bureau, en train de composer un poème. Il avait soixante-dix-huit ans. Les quantités de nourriture, d’alcool et de tabac qu’il absorba au cours de sa relativement longue existence étaient un défi lancé à toutes les normes diététiques et hygiénistes mises en œuvre dans son pays, puis importées en Europe : « ne pas manger trop gras trop salé trop sucré cinq fruits et légumes par jour à consommer avec modération manger bouger fumer tue ». Mais nous ne sommes pas seulement redevables aux États-Unis de cette litanie déprimante. Nous leur devons également, entre autres choses, l’œuvre de Jim Harrison, qui excellait dans la composition de novellas, des récits plus longs que des nouvelles au sens classique du mot, mais plus courts que des romans ; le plus célèbre étant Légende d’automne. Ces Dernières nouvelles recueillent les trois ultimes récits écrits par Jim Harrison au moment de sa disparition.

Un petit héros, Fédor Dostoïevski

Ecrit par Nathalie de Courson , le Lundi, 27 Novembre 2017. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Folio (Gallimard)

Un petit héros, septembre 2017, traduit du russe par Gustave Aucouturier, 79 pages . Ecrivain(s): Fédor Dostoïevski Edition: Folio (Gallimard)

 

La Collection Folio 2 € présente l’avantage de mettre à portée de la main, dans toutes les librairies de quartier, certaines œuvres de grands écrivains que l’on n’a pas toujours remarquées et qui contiennent en germe certains de leurs thèmes les plus importants. C’est le cas de Un petit héros publié en septembre dernier dans la traduction classique de Gustave Aucouturier (et dont celle, plus récente, d’André Markowicz pour Actes Sud, ne diffère pas considérablement). Cette nouvelle de 70 pages mérite d’être isolée car elle est très particulière dans la production de Dostoïevski, d’abord par les circonstances de sa composition : l’auteur, arrêté pour complot politique en 1849, attendant la sentence qui le condamnera à mort, s’empresse de l’écrire aussitôt qu’il peut disposer d’une bougie, d’une plume et d’un papier. Mais bien loin de raconter le dernier jour d’un condamné, ce récit a pour narrateur un garçon de onze ans que l’on envoie passer l’été dans une maison pleine de gaieté, et où de multiples invités virevoltent en une fête permanente et artificielle, comme en témoignent d’étourdissantes énumérations :

Il y avait des rivières infranchissables, Marc Villemain (2ème critique)

Ecrit par Marie du Crest , le Lundi, 06 Novembre 2017. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Joelle Losfeld

Il y avait des rivières infranchissables, Marc Villemain, Joëlle Losfeld, octobre 2017, 145 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Marc Villemain Edition: Joelle Losfeld

J’emprunte le titre de ma chronique à Marc Villemain lui-même, ou plutôt au narrateur de la dernière nouvelle de son nouveau recueil, Il y avait des rivières infranchissables. Je devrais dire à la rumeur qui entoure son dernier personnage masculin : un auteur de romans et de nouvelles, installé à Venise avec sa compagne. La Nostalgie, c’est toujours un retour, un nostos. Les treize premières nouvelles du livre sont marquées du sceau du retour à l’enfance, à l’adolescence ; du retour au pays océanique ; du retour au temps des chocolatines, des magasins Carrefour, des boums, des mobs ; à la musque écoutée sur une cassette audio. Retour enfin « aux premières fois », aux premières histoires d’amour souvent sans lendemain. Titre au passé.

Les personnages des nouvelles (filles et garçons) sont sans prénom ou nom, juste des « ils » ou des « elles » comme s’ils vivaient à travers chaque texte une expérience, presque une expérimentation du désir, des sentiments. Ils pourraient être aussi le même (c’est essentiellement le regard du garçon, son point de vue qui importe ici) à qui il arrive ces diverses aventures. Ils n’ont pas besoin d’être rattachés à une identité définie puisque l’important se situe dans ce présent (verbal) de l’adolescence et parfois de l’enfance.

Les bienheureux, Patryck Froissart

Ecrit par Michel Host , le Vendredi, 03 Novembre 2017. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Ipagination

Les bienheureux, 104 pages, 11,70 € . Ecrivain(s): Patryck Froissart Edition: Ipagination

« Ces yeux qui sont tout un poème / De langueur et de volupté / Disent, résolvant le problème / “Sois l’amour, je suis la beauté” »

Théophile Gautier, La Fellah, pp.84-85, cité par P. Froissart

 

Au bonheur des maux

Au bonheur des mots

Ce recueil de huit nouvelles bien frappées, champagne de l’esprit, met en scène l’humanité… Enfin, pas exactement, disons qu’il joue de ses deux composantes originelles, les hommes, les femmes… Sommes-nous, à chaque incipit, dans la douce lumière du Jardin d’Éden ? Adam et Ève s’y promènent-ils sous les ombrages, main dans la main par les sentiers d’un bonheur sans fin ? Pas exactement. Cette vision d’idylle tend à se brouiller : les couples, les unions passagères sont ici tous marqués d’une fatalité : rien ne va de soi, rien n’est simple ou, si l’on veut, tout se complique et les brumes de la discorde, les maux dont nous souffrons depuis toujours accablent les paysages prometteurs. « La faute à qui ? » – demandera le lecteur naïf, s’il en est encore un ici-bas.

Un Secret et autres récits, Severino Pallaruelo

Ecrit par Nathalie de Courson , le Lundi, 23 Octobre 2017. , dans Nouvelles, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Un Secret et autres récits, éditions de la Ramonda, trad. espagnol Monique et Charles Mérigot, 170 pages, 17 € . Ecrivain(s): Severino Pallaruelo

 

Les seize nouvelles de ce recueil se déroulent en Aragon, région natale de Severino Pallaruelo, rude pays montagnard de pauvreté, d’isolement, d’exode vers la ville, d’émigration vers la France, et plus récemment de canyoning et de randonnée pédestre. Mais plus que le décor d’un écrivain régionaliste, l’Aragon de Pallaruelo est un paysage comme l’entendrait Jean-Pierre Richard : l’ensemble des éléments sensibles qui forment le sol rugueux de son expérience créatrice. Ses personnages ressemblent à la nature qui les contient, « tenaces et durs comme les rochers de ces montagnes et comme les ajoncs qui poussent sur ces versants arides ».

Pallaruelo est un conteur comme on en trouve peu de notre côté des Pyrénées : entrant dans ses récits avec la vivacité d’une rivière de montagne, il sait par des sauts temporels en accélérer le rythme, pour le ralentir ailleurs en déployant des nappes de sensations : dans le premier récit, la perspective pour une petite fille de découvrir un secret est « un chatouillement dans la poitrine, comme si un mille-pattes minuscule avait dansé dans ce recoin de l’âme tellement sensible aux caresses délicieuses du doute, des secrets partagés et des révélations intimes ».