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Les Livres

Le silence d’entre les neiges, Sonia Elvireanu (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 25 Janvier 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, Poésie, L'Harmattan

Le silence d’entre les neiges, avril 2018, 132 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Sonia Elvireanu Edition: L'Harmattan

 

« J’ai crié ton nom, tu n’étais nulle part » : c’est presque ainsi que commence cet écho vibratoire de l’amour perdu. On sait ce choc immense sans mesure, et pourtant la poète va lui offrir un contexte renaissant à l’éveil, à la recherche d’une lumière blanche, celle qui aveugle tellement qu’elle repousse le cri, le laissant dans la gorge du temps positionné en images figées pour l’éternité.

La pure neige servira d’encensoir à la page blanche des mots. Le nom du disparu se fera chaque pas dans la neige, « traces grandissantes » de ces silhouettes qui ressemblent à des fantômes à souvenirs.

« Il nous reste le silence » dit Sonia. Un silence qui fond sur la page comme un flocon disparaît sur une surface chaude, y laissant la tache d’eau espérant l’éclat d’une autre vie possible ou ailleurs.

Comment ne pas songer à cette phrase d’Yves Montand après la disparition de Simone Signoret : « On ne refait pas sa vie, on la continue » ? Le bagage, ici, est silencieux. Il n’en est pas moins lourd pour autant avec des « souvenirs qui arrachent, brûlent, dévorent dans la solitude ».

Œuvres complètes, I et II. Nouvelles et récits, Romans, Franz Kafka en la Pléiade (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 25 Janvier 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

 

Œuvres complètesI et II. Nouvelles et récits, RomansFranz Kafka, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, novembre 2018, trad. allemand (Autriche) Isabelle Kalinowski, Jean-Pierre Lefebvre, Bernard Lortholary, Stéphane Pesnel, édition publiée sous la direction de Jean-Pierre Lefebvre avec la collaboration d’Isabelle Kalinowski, Bernard Lortholary et Stéphane Pesnel, 1408 et 1088 pages, 60 € et 55 € (prix de lancement jusqu’au 31 mars 2019)

 

« Le Voyageur du tramway » (traduction précédemment parue dans la Pléiade) :« Je suis debout sur la plate-forme du tramway et je suis dans une complète incertitude en ce qui concerne ma position dans ce monde, dans cette ville, envers ma famille. Je serais incapable de dire, même de la façon la plus vague, quels droits je pourrais revendiquer à quelque propos ce soir. Je ne suis aucunement justifié de me trouver ici sur cette plate-forme, la main passée dans cette poignée, entraîné par ce tramway, ou que d’autres gens descendent de voiture et s’attardent devant des étalages. Personne, il est vrai, n’exige rien de tel de moi, mais peu importe ».

Ce qui nous revient, Corinne Royer (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Vendredi, 25 Janvier 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Ce qui nous revient, Corinne Royer, Actes Sud, janvier 2019, 272 pages, 21 €

Dans le dernier roman de Corinne Royer, l’énigme du titre Ce qui nous revient est propre à intriguer le lecteur. Un voile se lèvera peu à peu au fil des pages et si la question reste en suspens, ce n’est pas primordial. Souvent, la question est plus importante que la réponse.

Le roman s’ouvre sur un prologue. La scène se passe à Paris, rue de Douai. Une rapide et haletante montée de cinq étages, un bouquet de vingt-et-une tulipes. Ce nombre n’est pas anodin. La clef de ce mystère chiffré se révèlera très vite à nous. Deux femmes se retrouvent après trois mois d’absence.

Toute l’intrigue se noue autour de ces deux femmes, dont au départ les chemins ne devaient pas se croiser. La première, âgée de quatre-vingt-douze ans, c’est Marthe Gautier, pédiatre, cardiologie, chercheuse, technicienne dans un laboratoire de cultures cellulaires, et pionnière dans la découverte de la trisomie vingt-et-un. On fera tout pour l’effacer, l’abolir, la nier. Elle sera « La chercheuse dépossédée » par Jérôme Lejeune, soutenu par les mandarins de la médecine. La deuxième c’est Louisa Gorki, jeune femme de vingt-six ans, qui fait des études de génétique. Elle est en dernière année de médecine à Marseille et tente de finaliser une thèse intitulée justement « De la culture cellulaire à la mise en évidence d’un chromosome surnuméraire dans le syndrome de Down. Découverte de la première aberration chromosomique autosomique (1959) ».

Une Chose sérieuse, Gaëlle Obiégly (par Nathalie de Courson)

Ecrit par Nathalie de Courson , le Jeudi, 24 Janvier 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Verticales

Une Chose sérieuse, janvier 2019, 187 pages, 17 € . Ecrivain(s): Gaelle Obiégly Edition: Verticales

 

« Si je compose un roman avec des personnages, un personnage principal, une intrigue, un sujet, je n’écris plus », dit Gaëlle Obiégly dans son livre précédent, N’être personne.

Serait-elle revenue en arrière avec Une Chose sérieuse ? Les dix premières pages nous présentent un narrateur distinct de l’auteur, Daniel, dont le travail sous contrat consiste à rédiger les mémoires d’un autre personnage principal, une femme puissante et manipulatrice nommée Chambray. Cette femme dirige, dans un lieu appelé « L’ermitage », une communauté qu’elle entraîne à survivre à une imminente catastrophe. Daniel affirme que Chambray lui a implanté dans le cerveau une puce électronique destinée à rendre plus performantes ses facultés cognitives. Ces éléments d’exposition pourraient nous faire croire que nous entrons dans un récit avec une « intrigue » et un « sujet » de science-fiction, une fable entre utopie et dystopie : « Puisque la révolution, ça ne marche plus, on a renoncé, la perspective à présent c’est la catastrophe ». Chambray imagine une humanité nouvelle qui sera composée de son cercle de survivants. Mais les tares humaines ont toutes les chances de s’y reproduire car, dit Daniel, « la catastrophe, elle n’est pas devant nous, tu sais. On y est. Et c’est nous autres, la catastrophe ».

Einstein, le sexe et moi, Olivier Liron (par Marjorie Rafécas-Poeydomenge)

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Jeudi, 24 Janvier 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Alma Editeur

Einstein, le sexe et moi, septembre 2018, 200 pages, 18 € . Ecrivain(s): Olivier Liron Edition: Alma Editeur

Rythmé par le jeu de Questions pour un champion, les « Olé » et le couscous de langues de la grand-mère Josefa de l’auteur, Olivier Liron nous révèle dans ce roman sa différence, à la fois si géniale et douloureuse.

A coup de buzzers, on avance dans le roman dans la vélocité des réponses savantes sans queue ni tête de l’émission de Julien Lepers et le tourbillon des pensées incessantes de l’auteur qu’il nous livre sans censure.

L’auteur se sent comme un ovni à l’école. L’esprit critique y est banni. Quand il ne comprend pas la différence entre immigré et émigré, son professeur s’énerve. C’est d’ailleurs un problème en France, « cette obligation de se ranger en permanence du bon point de vue, édicté par des élites totalement à côté de la plaque, sans transiger ». Sa grand-mère d’origine espagnole est-elle immigrée ou émigrée ? Tout dépend de quel côté de la frontière on regarde. Cependant, quelles que soient les frontières, l’auteur se sent étranger. « Ma vie c’était ce sentiment, la honte. Pour moi il était normal d’avoir honte comme ça de son corps, la honte pour moi était normale comme le vent, comme l’eau du robinet, normale comme le fait de trier les poubelles, normale comme les nuages noirs en hiver ».