Identification

Les Livres

Le Bordel des mers, Siân Rees (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Vendredi, 11 Janvier 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Petite bibliothèque Payot

Le Bordel des mers, août 2018, trad. (anglais) Mélanie Blanc-Jouveaux, 283 pages, 8,50 € . Ecrivain(s): Siân Rees Edition: Petite bibliothèque Payot

Dans les années 1780 le paupérisme sévit à Londres. En 1783, le mal s’aggrave avec le retour des armées de Sa Majesté, de l’Amérique, où elles ont été battues par les nouvelles colonies américaines. Un flot de cent trente mille hommes vient s’ajouter aux miséreux, aux tire-laine, aux prostituées des quartiers pauvres. La vie étant extrêmement dure, la rapine règne presque partout, il faut manger. La répression est dure. On condamne et bien souvent à mort qui s’est emparé d’une timbale ou d’une pièce de tissu. Il est vrai que les prisons sont pleines.

En avril 1789, cependant, le roi George III (que l’on a dit longtemps atteint de porphyrie) recouvre la raison. Des journées de liesse nationale sont décrétées pour fêter l’évènement et de nombreux convicts voient leur peine commuée en transportation à Sydney Cove (Australie). Il suffit d’accepter les termes de la grâce énoncés par le juge. Les prisonnier(e)s hésitent parce que la peine reste très dure, on n’est guère sûr d’arriver à bon port, et mourir loin du pays est une peine supplémentaire. Néanmoins 237 femmes de tous âges seront embarquées sur le Lady Julian, un trois mâts à deux ponts, pour rejoindre l’autre bout du monde où, on l’espère, elles donneront naissance à une jolie descendance. À bord, la loi est particulière : le concubinage est autorisé et les rapports sexuels aisés. Plus d’un marin prend femme le temps de la traversée.

Les "cartes et le territoire" de la guerre dans la littérature française - Philippe Annocque, Michel Bernard (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 11 Janvier 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

 

Mon jeune grand-père, Philippe Annocque, éd. Lunatique, coll. Parler Debout, novembre 2018, 192 pages, 20 €

La tranchée de Calonne, Michel Bernard, La Table Ronde, coll. La Petite Vermillon, novembre 2018, 208 pages, 7,30 €

 

« … J’ai reçu aussi une aimable carte de Mme Gillet qui m’envoie aussi ses veux ainsi que ceux de sa famille. Elle se met à ma disposition pour m’envoyer des livres si j’en ai besoin. Présentez-lui mes remerciements et mes meilleures amitiés pour elle et toute sa famille. Les formules de politesse prennent de la place sur une carte où chaque centimètre carré est compté. La politesse est peut-être l’équivalent de la propreté ou du soin vestimentaire, une affaire de dignité », Le 26 janvier 1917, Mon jeune grand-père.

La nuit, Nasser-Edine Boucheqif (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 11 Janvier 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

La nuit, Nasser-Edine Boucheqif, éd. Al Mawkib Al Adabi, Maroc, 2017

 

Nuit mystérieuse

Je me fais l’écho d’un livre paru en 2017, parce que parmi les livres que je lis il représente une voix singulière, une sorte de voix de la nuit, du reste plus une nuit physique que mystique. Cependant, le mystère de la nuit de l’auteur me reste énigmatique. Je n’ai pas percé le secret du livre, ce qui en un sens est signe de richesse et de profondeur. Ainsi, la nuit ici est pensée comme une nuit d’insomnie, une nuit qui viendrait buter sur l’éveil, un éveil du petit matin, un éveil du rêve, un éveil du cauchemar brûlant au milieu du sommeil.

La révélation est peut-être là, dans la question du sommeil, dans l’intrigue de dormir, sachant que dormir est sujet à fables, à récits, et que la manière de s’endormir prête au dormeur plusieurs questions renouvelées par le cycle de la léthargie, de l’appesantissement charnel de l’obscurité. La nuit se constitue dès lors comme moment défini par ce qui lui fait limite, finalité, comme le blanc s’oppose au noir, la forêt à la clairière, l’ombre comme fin de la lumière, crépuscule qui découpe le jour.

Voyou, Itamar Orlev (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 10 Janvier 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Seuil, Israël

Voyou, août 2018, trad. hébreu Laurence Sendrowicz, 462 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Itamar Orlev Edition: Seuil

 

C’est une histoire aussi vieille que le monde – aussi vieille, en tout cas, que les rapports familiaux – mais toujours nouvelle : un père et son fils ; un fils qui, comme Télémaque, part sur les traces de son père et donc qui revient à sa propre origine. Ce n’est jamais sans péril que l’on remonte ainsi le fil du temps, d’autant plus que le narrateur entreprend ce voyage dans l’espace et le passé à un moment délicat de sa propre vie : son mariage vient de se briser et sa femme est partie avec leur fils unique. Cessant d’être père à plein temps, Tadek Zagourski redevient un fils. Il y a ce qu’il sait déjà : la famille, père excepté, a quitté la Pologne pour s’installer en Israël. La mère ne fut pas une sioniste fervente, mais étant juive, et ses enfants donc l’étant également, cela lui était apparu comme un choix naturel, qui lui permettait surtout de fuir la violence de son mari. Provisoirement rendu à lui-même, le narrateur retourne dans la Pologne de la fin des années 1980, retrouver son père et sa parentèle. La Pologne n’a échappé au nazisme que pour tomber sous le joug communiste et tout le pays, alors que le Rideau de fer se défait, semble confit dans la grisaille et la vodka.

Un homme qui savait, Emmanuel Bove (Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 10 Janvier 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Un homme qui savait, 216 pages, 7,10 € . Ecrivain(s): Emmanuel Bove Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

Romancier précoce (un premier livre à 26 ans), Emmanuel Bove a publié, le temps d’une carrière fulgurante (il mourut dès 1945), une vingtaine de livres.

La réédition de ce roman écrit en 1942 permet à un large public de redécouvrir une plume que l’on compare souvent à d’autres figures incontournables de ces années-là, disparues, puis ressuscitées : Gadenne, Calet, Hardellet, Vialatte, merveilleux stylistes.

Un homme qui savait est le genre de titre particulièrement voltairien, puisque le lecteur se rendra vite compte des abîmes qui enfouissent le destin de ce médecin, Maurice Lesca, qui a rompu avec son passé pour finir son périple d’homme, sans rien savoir de sûr, dans une pauvre piaule, mendiant l’amitié d’une Madame Maze, libraire de son état, comme celle de sa sœur Emily qu’il a fini par héberger, elle qui a laissé un fils à Noyon.