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La Une Livres

Parmi les cendres, Manuel Arroyo-Stephens

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 03 Janvier 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Espagne, Quai Voltaire (La Table Ronde)

Parmi les cendres, novembre 2016, trad. espagnol Serge Mestre, 288 pages, 21 € . Ecrivain(s): Manuel Arroyo-Stephens Edition: Quai Voltaire (La Table Ronde)

 

« C’est dans sa petite boutique de la ruelle de Preciados que j’avais commencé à acheter des éditions originales des poètes de la génération de 27, et des livres publiés avant la guerre civile ».

Parmi les cendres est le roman de l’Espagne, l’Espagne marquée à jamais par la guerre et la dictature. Un roman des livres – un art secret de la résistance –, des toreros, les trois Rafael, El Gallo, Ortega et de Paula, des écrivains, José Bergamín, Rafael Alberti, mais aussi Antonio Machado, Miguel de Cervantès, des libraires clandestins, des collectionneurs, des livres rares, des villes, Madrid, Saint-Sébastien, Séville, des rues et des hommes qui durant la dictature faisaient passer les livres, de mains en mains, de villes en villes, comme des chargements d’or clandestins venus du Nouveau Monde, des travailleurs de la nuit, comme l’on dit en basque des contrebandiers. Parmi les cendres est un roman familial, roman d’une trace laissée dans la cendre des disparus par une main invisible et clandestine. Parmi les cendres est aussi un roman de la mémoire, des mémoires qui surgissent, comme des fleurs d’été qui poussent sur les cendres des oubliés, le roman élégant du souvenir vivace de celles et ceux qui ont traversé le regard de l’auteur.

Les années à rebours, Nadia Terranova

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 03 Janvier 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Italie, Quai Voltaire (La Table Ronde)

Les années à rebours (Gli anni al contrario), octobre 2016, trad. italien Romane Lafore, 176 pages, 18 € . Ecrivain(s): Nadia Terranova Edition: Quai Voltaire (La Table Ronde)

 

 

Ce roman – un premier roman – brosse avec talent et acuité deux décennies de l’histoire italienne : les fameuses années 70 et les désillusions des années 80.

Fin des années soixante-dix, Aurora et Giovanni se rencontrent à l’université. Tous deux Siciliens mais de familles au destin politique opposé, vont éprouver leur nouvelle liberté. Ouvertement de gauche et rebelle, Giovanni s’engage politiquement, bien vite déçu par lui-même. Le couple a une petite fille, Mara. Les mois et les années s’écoulent. Pour tromper son désenchantement politique, Giovanni se drogue, et Aurora se débrouille seule.

L’épilogue, amer, est bien dans le droit fil d’une intrigue qui voit évoluer les personnages, au fil des années et des changements de société.

Ecritures de soi, Ecritures du corps, Actes du colloque de Cerisy, sous la direction de Jean-François Chiantaretto et Catherine Matha

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Lundi, 02 Janvier 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Etudes, Revues, Hermann

Ecritures de soi, Ecritures du corps, Actes du colloque de Cerisy, sous la direction de Jean-François Chiantaretto et Catherine Matha, 2016, 300 pages, 26 € Edition: Hermann

Le corps et la sensorialité, omniprésentes aujourd’hui à travers les medias (blogs, réseaux sociaux) parfois jusqu’à la surexposition, voilà le propos de ce colloque, du corps somatique au corps érotique, du corps à aimer au corps à détruire. C’est ce dont il est question à travers différents champs, celui de l’écriture, celui de la cure et dans les différentes cultures, avec anthropologues, linguistes, psychologues cliniciens, psychanalystes et écrivains.

Dans la première partie intitulée Ecritures, Jean-François Chiantaretto dans son article « Présence et absence du corps dans l’écriture de soi : Martin Miller contre Alice Miller » y présente le rapport complexe et douloureux entre Alice Miller – dont l’œuvre pourtant témoignait d’une véritable attention portée au corps de l’autre, de l’enfant, à son intime – et son propre fils Martin Miller, lui-même devenu thérapeute, qui vient d’écrire un ouvrage : Du côté de l’enfant, une approche subversive de la souffrance humaine, L’essentiel d’Alice Miller. Martin Miller revendique dans son essai biographique une double légitimité, d’abord comme « enfant maltraité de sa mère », victime muette et observateur de sa mère, puis « auditeur empathique de ses élaborations théoriques ».

Continents à la Dérive, Russell Banks

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 16 Décembre 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, USA, Roman, Actes Sud

Continents à la Dérive, octobre 2016, nouvelle trad. américain Pierre Furlan, 448 pages, 23 € . Ecrivain(s): Russel Banks Edition: Actes Sud

 

Une nouvelle traduction d’un roman chéri, c’est comme une nouvelle robe sur une femme aimée : l’on se demande ce qu’elle va souligner de sa beauté, ce qu’elle va mettre en valeur de ses charmes, et l’on s’inquiète même un peu avant de l’apercevoir enfin… Ainsi, lorsqu’est annoncé par Actes Sud que Pierre Furlan, par ailleurs préfacier de la traduction précédente de Continents à la Dérive (1985) par Marc Chénetier, a retraduit ce roman, l’amateur de Russell Banks (1940) non anglophone s’attend, avec une légère pointe d’anxiété, à redécouvrir ce roman-clé dans l’œuvre de son auteur.

Afin d’apprécier le travail de traduction, il n’est que de comparer. Pour ce faire, voici la première phrase de l’Envoi de Continents à la Dérive (nous reviendrons plus loin sur cet Envoi, l’un des textes les plus lumineux sur la littérature et son importance essentielle parus ces cinquante dernières années) : « And so ends the story of Robert Raymond Dubois, a decent man, but in all the important ways an ordinary man. One could say a common man ». Dans la version de Chénetier, ça donne ceci : « Ainsi, donc, s’achève l’histoire de Robert Raymond Dubois, homme respectable mais, à tous autres égards qui vaillent, homme ordinaire ». Dans celle de Furlan, ceci : « Ainsi se termine l’histoire de Robert Raymond Dubois, homme convenable, mais, dans tous les domaines qui comptent, ordinaire ».

Comment vivre sans lui ?, Franz Bartelt

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Vendredi, 16 Décembre 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Nouvelles, Gallimard

Comment vivre sans lui ?, octobre 2016, 272 pages, 18 € . Ecrivain(s): Franz Bartelt Edition: Gallimard

 

Dans ce nouveau recueil de treize nouvelles, Franz Bartelt poursuit son travail de sape d’une époque dont il scrute avec toujours autant d’humour noir les innombrables failles. Son inspiration puise dans les travers humains dont il pousse les conséquences à l’extrême. Ses personnages enfermés dans leur logique obsessionnelle deviennent ridicules, pathétiques, mais aussi métaphoriques d’une quête dont ils sont in fine les principales victimes. Ainsi en est-il, dans la nouvelle Le bel été, de cet homme qui passe son existence à retrouver un fils soi-disant disparu alors que le sens de sa vie se résume à la recherche de l’enfant heureux qu’il a été un bref instant dans sa jeunesse, ou encore dans la nouvelle éponyme Comment vivre sans lui ? qui décline les absurdités du star system.

Autre thème : imaginez, c’est l’objet de la nouvelle Le bon chien, que vous ayez recueilli un berger allemand abandonné qui ne réagit à aucun des noms que vous vous êtes ingénié à lui donner et qui brusquement, alors que vous regardez un documentaire télévisé sur la seconde guerre mondiale, manifeste une jubilation spectaculaire en entendant un soldat du Reich prononcer « Heil Hitler ! ». Dès lors, il n’obéit à vos ordres qu’à cette unique apostrophe. Maintenant emmenez le chien avec vous dans la rue et assumez les conséquences.