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Le goût de la limace, Zoé Derleyn

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 20 Avril 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Nouvelles

Le goût de la limace, éd. Quadrature, octobre 2017, 99 pages, 15 € . Ecrivain(s): Zoé Derleyn

 

Talentueuse nouvelliste avec, pour sa parution, une sélection en finale du Prix Rossel 2017, Zoé Derleyn s’affirme d’emblée comme auteur qualifiée.

Les nouvelles sont diverses et chacun aura sans doute sa préférée. L’ensemble est rigoureux, avec un style mature trié sur le volet, le tout s’affirmant avec force de caractère et originalité, comme : « Le souvenir du goût de la limace persistait dans sa bouche, balayait toutes les traces de la nuit précédente ».

Point commun à ces quelques nouvelles, la narration proche du souvenir, écrite et aussi bien interprétée en « Je » féminin qu’en « Je » masculin, avec une forte prédominance de souvenirs d’enfance (réels ou inventés), le tout suggérant une quasi authenticité : « La fille tousse de plus en plus. Le médecin répète qu’il n’y a pas de raison de s’inquiéter mais la mère ne le croit pas ».

Les évènements presque banaux sont extirpés avec doigté du quotidien pour aboutir à une chute littéraire particulièrement efficace à chaque surprise jusqu’à l’apothéose du dénouement.

La Psychanalyse va-t-elle disparaître ?, Elsa Godart

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Jeudi, 19 Avril 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Albin Michel

La Psychanalyse va-t-elle disparaître ? janvier 2018, 207 pages, 16 € . Ecrivain(s): Elsa Godart Edition: Albin Michel

 

Dans Je selfie donc je suis (2016), Elsa Godart avait déjà posé le décor d’une société dévorée par l’immédiateté, souffrant d’un rapport à l’autre de plus en plus complexe. Ce phénomène qu’elle nomme hypermodernité, une course effrénée aux « likes » qui cache à la fois des blessures narcissiques, mais aussi et surtout, un manque d’amour.

Alors à la question « La psychanalyse va-t-elle disparaître ? », on aurait aimé qu’Elsa Godart nous réponde oui, car cela aurait signifié que les êtres humains n’aient plus mal à leur égo… Mais, dès la première phrase de l’introduction, on sent bien que le monde est entré dans un tel chaos de non sens, que la psychanalyse a de beaux jours devant elle pour réanimer notre moi intérieur qui se désagrège. Et surtout pour nous aider à renouer avec nos « vrais » désirs.

Lire les Rivières précédé de La rivière des Parfums, Bernard Fournier

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 19 Avril 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Lire les Rivières précédé de La rivière des Parfums, Editions Aspect, juin 2017, 90 pages, 14 € . Ecrivain(s): Bernard Fournier

Au commencement était une voix, … – voix de la source, onde féminine, affluent et don d’amour, offrant leur chant à l’infini de la mer, pour « un appel, un vœu, un secret ».

« Une rivière dit tout à la mer »

« Toutes les rivières se ressemblent, toutes les eaux sont sœurs et tous les fleuves croient à la mer ».

Ainsi débute le recueil du poète Bernard Fournier : en invoquant « l’œil aux aguets » (le nôtre) pour écouter le « parfum des rivières ». L’œil écoute descendre et battre les eaux entre les rives, comme battent les pulsations du cœur, les flancs d’une femme éprise d’une soif d’aimer et d’être aimée, l’espoir « à la jointure du ciel ».

La « rive »/ les « rives »est/sont contenue(s) dans le mot / le lieu-dit de la « rivière »… Contenues comme les poèmes contiennent, entre les rives de la page et sur les berges de l’émotion, l’épanchement des mots dans l’envergure/le souffle retenus des feuilles ; comme la topographie des textes de Bernard Fournier figure l’épanchement dompté par le poème, l’ampleur lyrique modérée par les cadres/rives de l’espace poétique.

Evangelia, David Toscana

Ecrit par Grégoire Meschia , le Mercredi, 18 Avril 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Amérique Latine, Roman, Zulma

Evangelia, janvier 2018, trad. espagnol (Mexique) Inés Introcaso, 432 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): David Toscana Edition: Zulma

 

Voici un livre qui se lit comme une longue blague fourmillant de fantaisie et d’inventivité. Et si Jésus avait été une femme… L’écrivain refait l’histoire en modifiant le sexe du divin enfant, ce qui change la face du monde, vous en conviendrez. L’Annonciation se révèle un fiasco. Les plans du Dieu tout-puissant sont déjoués. David Toscana propose une histoire alternative à coup d’épanorthoses et de réévaluations.

La Bible et la religion en général sont misogynes, cela n’est pas nouveau. Mais ce roman apporte un vent de fraîcheur dans la genèse du patriarcat. Emmanuelle remplace le Christ et devient la Christe, les détracteurs de l’écriture inclusive n’ont qu’à bien se tenir. On y trouve de nombreuses allusions aux thématiques féministes, l’éducation différenciée entre Emmanuelle et son frère cadet Jacob (il sera renommé Jésus), la violence conjugale subie par les épouses. La jeune Emmanuelle a même l’intention de faire boire le sang de ses menstrues pour faire comprendre à ses futurs disciples que « son sang et celui de toutes les femmes était sacré ». Malheureusement, les miracles qu’elle réalise ne servent à rien parce que c’est une femme qui les accomplit.

Frankentruc, Jeremy Banx

, le Mercredi, 18 Avril 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts, Bandes Dessinées

Frankentruc, Ed. Lunatique, janvier 2018, trad. Étienne Gomez, 136 pages, 16 € . Ecrivain(s): Jeremy Banx

 

A bon chat bon rat

Le docteur Frankenstein, ce génie qui a cloné le fromage à deux têtes, qui a inventé une main artificielle à deux pouces (pour se les tourner sans l’aide d’une seconde main), est bien ennuyé : le monstre dont le crâne est sommairement cousu qu’il a jadis enfanté s’ennuie après avoir passé des heures à confectionner des trolls en origami.

« Mon monstre a besoin d’un compagnon » se dit-il car Frankenstein n’est pas la moitié d’une buse. Mais où trouver de vieux débris dans tout le fourbi qui remplit son laboratoire, au milieu des rognures d’ongles de pieds et des globes oculaires qui flottent dans un seau rouillé ?

C’est alors qu’il aperçoit dans la gueule de son chat Igor, un horrible matou qu’il a dû ainsi nommer parce qu’il ressemble aux frères Bogdanov s’il n’y en avait qu’un seul, les restes pendouillant d’un rongeur non identifié, ni rat, ni gondin, ni musaraigne, ni rien de tout ça…