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Critiques

Éducation d’un enfant protégé par la Couronne, Chinua Achebe

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 29 Novembre 2013. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Afrique, Récits, Actes Sud

Éducation d’un enfant protégé par la Couronne, traduit de l’anglais (Nigéria) par Pierre Girard, novembre 2013, 191 p. 21,80 € . Ecrivain(s): Chinua Achebe Edition: Actes Sud

 

Chinua Achebe est sans doute l’auteur du roman le plus connu des Africains, toutes langues d’écriture confondues. Things fall apart est son titre. Il est paru en 1958 chez William Heinemann en Angleterre. Achebe avait 28 ans. Les éditions Présence Africaine le traduisent en français en 1966, sous le titre Le Monde s’effondre. Titre meilleur, à notre avis, que celui que les éditions Actes Sud donnent à une nouvelle traduction qui vient de paraître : Tout s’effondre.

Le Monde s’effondre ou Tout s’effondre, c’est l’histoire de la pénétration coloniale dans l’univers cohérent et indépendant d’un clan du peuple Igbo (sud-est du Nigéria actuel) à la fin du XIXè siècle.

La quatrième de couverture de l’édition de 1966 parle d’un des romans « les plus riches et les plus pondérés » qu’ait donnés l’Afrique noire. Ce roman est si magistral qu’on a fêté, en 2008, le cinquantenaire de sa parution à travers le monde anglophone et africain.

Épépé, Ferenc Karinthy

Ecrit par Ivanne Rialland , le Vendredi, 29 Novembre 2013. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Pays de l'Est, Roman, Zulma

Épépé, traduit du hongrois par Judith et Pierre Karinthy et présenté par Emmanuel Carrère, septembre 2013, 285 pages, 9,95 € . Ecrivain(s): Ferenc Karenthy Edition: Zulma

 

 

En route pour un congrès de linguistique se tenant à Helsinki, un linguiste hongrois se retrouve, sans savoir comment, dans une ville tout à fait inconnue, dont les habitants parlent une langue hermétique à cet érudit polyglotte.

Ce roman, publié en Hongrie en 1970, pourrait en somme amuser, décrivant les tribulations d’un Huron hongrois dans une contrée inconnue. Il pourrait aussi paraître banal comme le souligne Emmanuel Carrère dans sa préface, dénonciation, parmi d’autres, des perversions de la métropole moderne, en une sorte de dystopie évoquant l’ancien bloc de l’Est, et plus directement encore Budapest – l’intervention d’une armée étrangère dans la répression d’une révolte fait signe de façon évidente vers l’insurrection hongroise de 1956.

Comment lutter contre le terrorisme islamiste dans la position du missionnaire, Tabish Khair

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 28 Novembre 2013. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Asie, Roman, Les éditions du Sonneur

Comment lutter contre le terrorisme islamiste dans la position de missionnaire. octobre 2013. Trad. De l’anglais par Antonia Breteuil. 288 p. 20 € . Ecrivain(s): Tabish Khair Edition: Les éditions du Sonneur

Tabish Khair est un formidable raconteur. Son aptitude à l’empathie avec ses personnages, son talent pour traquer au plus près les comportements, le discours de chacun, son humour par dessus tout qui permet un regard profondément humain sur les péripéties de son récit, font de ce livre un moment de chaleur, de sourire, de tolérance enfin. Sur ce sujet, et par les temps qui courent, c’est une sorte d’exploit.

L’Islam – et hélas par voie de conséquence l’islamisme – sont au cœur de ce roman. Mais la position du missionnaire n’est pas en reste ! Qu’on se rassure, on échappe à tout discours théorique et attendu sur la question, aucun des protagonistes de l’histoire ne le supporterait ! Et nous non plus, trop occupés que nous sommes à rire. Les trois héros incarnent – chacun à sa façon - trois situations face à la religion du Prophète : l’un est musulman pakistanais (le narrateur/auteur ?) parfaitement « laïcisé », l’autre, son ami Ravi, n’est pas musulman, mécréant bon teint issu de la grande bourgeoisie indienne, et enfin Karim, indien aussi, pratiquant sourcilleux qui voit d’un œil critique ses deux hôtes (ils occupent deux chambres chez lui).

Sinalcol, Le miroir brisé, Elias Khoury

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 28 Novembre 2013. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Moyen Orient, Sindbad, Actes Sud

Sinalcol, Le miroir brisé (Sînâlkûl), traduit de l’arabe libanais par Rania Samara, septembre 2013, 480 pages, 23,50 € . Ecrivain(s): Elias Khoury Edition: Sindbad, Actes Sud

 

L’histoire du Liban et de la mosaïque inextricable de communautés religieuses et de factions politiques, qui coexistent sur son petit territoire pris en tenaille entre Israël et la Syrie, est, pour le non-Libanais, une espèce de kaléidoscope tournant à grande vitesse en tous sens.

Ce roman bondissant d’Elias Khoury en est une puissante illustration.

Le récit commence par sa fin, au moment où le docteur Karim Chammas, le personnage central, qui vient d’avoir quarante ans, se prépare à quitter Beyrouth où il est revenu pour construire un hôpital à la demande de son frère Nassim, juste après la mort, dans des circonstances suspectes, de leur père.

Insomniaque, solitaire, dans la ville natale qu’une coupure de courant a plongée dans une obscurité zébrée par les éclairs des tirs d’une guerre civile qui vient de reprendre, en des fragments narratifs discontinus, faits d’excursions vagabondes dans l’espace et d’incursions désynchronisées dans le passé, Karim revit à la fois son retour à Beyrouth, sa vie antérieure en un pays déchiré, son départ, sa fuite, pour la France, son intégration et son mariage « là-bas » avec une Française.

L’amant, Marguerite Duras

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mercredi, 27 Novembre 2013. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Les éditions de Minuit

L’amant, 142 pages, 12 € . Ecrivain(s): Marguerite Duras Edition: Les éditions de Minuit

 

Une rencontre. À jamais une rencontre :

Elle est là où il faut qu’elle soit, déplacée là. Elle éprouve une légère peur. Il semblerait en effet que cela doive correspondre non seulement à ce qu’elle attend, mais à ce qui devrait arriver précisément dans son cas à elle. Elle est très attentive à l’extérieur des choses, à la lumière, au vacarme de la ville dans laquelle la chambre est immergée. Lui, il tremble. Il la regarde tout d’abord comme s’il attendait qu’elle parle, mais elle ne parle pas. Alors il ne bouge pas non plus, il ne la déshabille pas, il dit qu’il l’aime comme un fou, il le dit tout bas. Puis il se tait.

Dans l’amour, toujours, c’est ce que dit Jankélévitch dans son très beau Traité des vertus (tome II, Les Vertus et l’Amour), « [l]e commencement s’abandonne à la continuation […] ». On peut même aller jusqu’à dire qu’« [a]imer et continuer d’aimer ne sont qu’une seule et même chose ».

Cet amour insensé que je lui porte reste pour moi un insondable mystère. Je ne sais pas pourquoi je l’aimais à ce point-là de vouloir mourir de sa mort. […] Je l’aimais, semblait-il, pour toujours et rien de nouveau ne pouvait arriver à cet amour. J’avais oublié la mort.