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Critiques

La Barque le soir, Tarjei Vesaas

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 21 Mai 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Pays nordiques, Récits, Editions José Corti

La Barque le soir (Båten om kvelden, 1968), traduit du néo-norvégien par Régis Boyer . Ecrivain(s): Tarjei Vesaas Edition: Editions José Corti

 

La lecture d’un livre de Vesaas est une expérience qui sort un peu de l’ordinaire. On y est en effet embarqué dans un monde où le rêve, qui peut aussi être cauchemar, est à tout moment présent. Un rêve qui peut avoir la présence d’un réel plus réel que le réel. Ou plutôt, plus réelle que la réalité, celle dans laquelle nous vivons. Il y a là quelque chose qui ressemble fort à ce que le psychanalyste anglais D.W. Winnicott appelait fantasying, cette rêverie ou ce fantasme qui nous prend entre veille et sommeil, qui oscille entre ce que le monde nous donne à voir et ce que notre imaginaire va chercher on ne sait où. Des images et des impressions qui s’ancrent au plus profond de nous et qui sont comme un rêve étrange et pénétrant, à la fois insolite et pourtant vaguement familier. Des images qui viennent habiter en nous comme si elles y avaient toujours été attendues, même si on ne les comprend pas toujours. Même si souvent on ne les comprend pas.

Une voix, une barque et un fleuve. Le mouvement du courant entre les rives. Voilà ouvertes les écluses de la parole.

Dualed, Elsie Chapman

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 21 Mai 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Canada anglophone

Dualed, Toi ou ton Double… un seul pourra survivre, trad. Maud Ortalda Lumen édition, mars 2014, 15 € . Ecrivain(s): Elsie Chapman

 

Dès la première phrase – J’ai enterré presque tous ceux que j’aime – le lecteur comprend qu’il va être plongé dans un autre monde, annoncé de visu par la première de couverture au genre Survival/Dystopie. L’héroïne-narratrice n’a que quinze ans… Un premier thriller frénétique (ndle) signé de l’écrivaine canadienne ayant vécu en Colombie-Britannique et vivant aujourd’hui à Tokyo, Elsie Chapman.

Un compte à rebours s’amorce dès les premières pages. West Grayer dont les parents, un frère et une sœur pour les plus proches, sont morts inaccomplis, doit elle aussi relever le défi face à son Alt (son Alter Ego) – défi à vie/à mort.

Avant d’atteindre son vingtième anniversaire, chaque citoyen de la ville fortifiée de Kersch doit éliminer son alter ego, un jumeau génétiquement identique, élevé dans une autre famille. Le compte à rebours se déclenche un beau matin, et chacun a trente jours pour affronter son autre moi.

Sauver la peau, David Léon

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 21 Mai 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Théâtre, Espaces 34

Sauver la peau, 2014, 52 pages, 12 € . Ecrivain(s): David Léon Edition: Espaces 34

 

Le frère de Matthieu

Sauver la peau est la troisième pièce de David Léon, elle est plus précisément un nouvel élan de l’œuvre qui re/commence. Elle est un retour à l’œuvre matrice, Un batman dans ta tête, mais surtout une amplification de la parole, au-delà de la seule voix Matthieu, l’adolescent suicidé de l’opus 1.

Diptyque : notre regard, notre lecture vont de l’une à l’autre pièce. Ainsi Sauver la peau « élargit »-elle Un Batman dans ta tête en multipliant les voix : il s’agit d’une polyphonie comme l’indique D. Léon et plus d’un soliloque faisant entendre la parole éclatée de Matthieu. Les voix, tour à tour, disent ou parfois répondent, demandent, parlent : le « je » du grand frère de Matthieu, éducateur démissionnaire (p.14), ou celles notamment du directeur d’un centre pour adolescents en difficulté, de l’amie, de la psychiatre, d’autres encore et celle de l’auteur, plus exactement du personnage-auteur qui n’est autre que le frère éducateur, toutes se succèdent.

Après minuit, Irmgard Keun

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 20 Mai 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Langue allemande, Roman, Belfond

Après minuit, traduit de l’allemand par Georges Berthier, préfacé par Éric-Emmanuel Schmitt, mai 2014, 216 pages, 17 € . Ecrivain(s): Irmgard Keun Edition: Belfond

 

De la table voisine, quelques S.S. regardent de notre côté et disent « Prosit ». Je ne sais pas bien si leur Prosit s’adresse à Gerti ou au Führer. Peut-être qu’ils ont trop bu et que leur Prosit s’adresse au monde entier – moins les Juifs, les Russes, les communistes, les Français et autres gens de même sorte (p.29).

Suzon a dix-neuf ans et vit à Francfort depuis un an, entourée d’amis de son âge avec lesquels elle partage des moments d’insouciance. La ville est en ébullition pour accueillir Hitler. Suzon raconte… Après minuit prend les accents d’un journal intime pour décrire, au fil de scénettes piochées dans le quotidien de cette jeune fille ainsi que dans ses souvenirs, l’Allemagne après la prise du pouvoir par Hitler. L’odieuse mécanique qui va broyer plus de 60 millions de personnes, est scrutée de l’intérieur sous le regard parfois naïf, souvent ironique et finalement terriblement anxieux de Suzon.

Rester debout au milieu du trottoir, Murièle Modély

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 20 Mai 2014. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Rester debout au milieu du trottoir, Ed. Contre-Ciel, mars 2014, photographies de Bruno Legeai, 78 pages, 12 € . Ecrivain(s): Murièle Modély

 

Rester debout au milieu du trottoir ou en tout cas comme planté devant la porte derrière laquelle se déroule ce recueil. On le lit comme on regarderait à travers un œilleton, captant des images, mais surtout des odeurs et des sons. L’imagination galope, mais ce qui se passe réellement reste hors d’atteinte. Des images de Lui et d’Elle, l’homme et la femme et parfois la fille. C’est d’ailleurs peut-être à travers le regard de celle-ci que nous avons accès à une dimension où tous les temps sont ramassés en un seul, celui « Des faux souvenirs, des vrais cauchemars ».

Un recueil comme une multitude de mini-scènes de théâtre à huis-clos, sans public, étouffant. Pas de mise en scène, juste du brut de vie, qui arrache le gosier si on le boit trop vite. Il se dégage de l’ensemble une profonde sensation de malaise, mais toujours chez Murièle Modély cette écriture organique, à la fois subtile et racleuse de fond, dérangeante parfois à la limite de la nausée. C’est comme si au lieu de la lire, on l’avalait, page après page comme