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Critiques

Autour de moi, Manuel Candré (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Vendredi, 17 Mai 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Joelle Losfeld

Autour de moi, 104 pages, 11,90 € . Ecrivain(s): Manuel Candré Edition: Joelle Losfeld

 

Après avoir lu et aimé Des voix de Manuel Candré, j’ai été intéressé à découvrir ce qu’il avait écrit avant. Ce sont deux courts romans dont le premier, Autour de moi, débute ainsi :

« 04.07.07 – Je me tiens les deux pieds joints en bas de la maison… ».

Immédiatement, on s’interroge : De quoi est fait ce livre ? De notes prises au jour le jour ? De souvenirs égrenés après coup ? Journal ou travail de mémoire ? Nous entrons dans ce texte en intrus, en voyeur.

Des phrases sèches viennent à nous et nous assènent leurs coups de trique : « La gueule rougie par l’alcool à venir. Le surgissement annoncé de la violence. Tout est bien pour l’instant ».

Les souvenirs déboulent un à un. Sans chronologie véritable (normal, le cerveau se moque du temps et ouvre ses tiroirs dans l’ordre qui lui plaît) : « Ma mère s’est finalement décidée à quitter mon père. Là, elle coupe les carottes en morceaux et les enfile dans le robot ».

Parage 05, Revue du Théâtre National de Strasbourg, Numéro spécial Falk Richter (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Vendredi, 17 Mai 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Revues, Les solitaires intempestifs

Parage 05, Revue du Théâtre National de Strasbourg, Numéro spécial Falk Richter, 2019, direction éditoriale Frédéric Vossier, 180 pages, 15 € . Ecrivain(s): Falk Richter Edition: Les solitaires intempestifs

 

L’ami-théâtre

La revue du TNS consacre pour la première fois son numéro (05) à un auteur vivant, l’allemand Falk Richter, dont une photo, « en visage » ardent et souriant dans l’ombre et la lumière, ouvre le volume en première de couverture. Le choix de Falk Richter s’explique à la fois par son lien particulier avec le Théâtre National de Strasbourg auquel il est associé depuis 2015, mais surtout par l’importance de son travail sur les scènes européennes et la place singulière qu’il occupe dans le langage dramatique contemporain et bien sûr sa « fraternité théâtrale » avec Stanislas Nordey, actuel directeur du TNS.

Falk Richter a engagé son œuvre sur une rupture avec le théâtre conçu à partir de personnages, de dialogues et de situations. Sa conception privilégie le montage, « le sampling », le fragment, et surtout il met en œuvre un lien organique entre sa fonction d’auteur et celle de metteur en scène.

Quand le ciel se déchire, Thomas McGuane (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 16 Mai 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Nouvelles, Christian Bourgois

Quand le ciel se déchire (Cloudbursts), février 2019, 667 pages, 25 € . Ecrivain(s): Thomas McGuane Edition: Christian Bourgois

 

Thomas McGuane, on le savait grand romancier. On le savait rattaché au courant dit du Montana et, par conséquent, proche souvent du « Nature Writing » (The Longest Silence (Le long silence, Bourgois), An Outside Chance (Outsider, Bourgois). Le volume qui nous intéresse ici est tout en contraste avec nos certitudes concernant McGuane : des nouvelles, fort éloignées de la tonalité montanienne. Des nouvelles, d’une finesse, d’une puissance, d’une pénétration psychologique de chaque instant.

Le lecteur avisé reconnaîtra évidemment les grands thèmes des romans de McGuane : l’absurdité des hommes, de leur vie et de leur destin. La cocasserie des relations interpersonnelles. Un goût immodéré du surgissement de l’inattendu, de l’invraisemblable, de l’outrance souvent. Et, bien sûr, le tout traversé par un regard ironique, distancié. L’humour de Thomas McGuane tient lieu de passeur littéraire. Il permet à des moments et des tableaux pitoyables et tristes de faire triompher, malgré tout, l’intelligence humaine. Les pitres, les salauds, les pleutres restent, sous la plume de McGuane des êtres intéressants, presque toujours pardonnables. Et les malheurs accentuent encore cette empathie. « Des chasseurs de canards » (un des thèmes récurrents de ce recueil) ouvre, de façon terrible, la galerie des humains trop humains de ce livre.

Ceux que nous avons abandonnés, Stuart Neville (par Christelle Brocard)

, le Jeudi, 16 Mai 2019. , dans Critiques, Les Livres, Polars, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Rivages/noir

Ceux que nous avons abandonnés, avril 2019, trad. Fabienne Duvigneau, 370 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Stuart Neville Edition: Rivages/noir

 

En l’absence de sa femme et de son fils, M. Rolston a été sauvagement assassiné dans sa demeure. Les soupçons se tournent immédiatement vers les frères Devine, deux jeunes orphelins hébergés par la famille Rolston, que la police retrouve prostrés, couverts du sang de la victime.

Ciaran, le plus jeune de deux prévenus, ne tarde pas à passer aux aveux. Bien qu’il soit difficilement concevable qu’un gosse de douze ans puisse être l’auteur d’un crime si effroyable, rien ne permet de mettre en doute sa culpabilité. Il est dès lors incarcéré dans un établissement pénitentiaire pour mineurs et n’en ressortira qu’après avoir purgé une peine de sept ans. Son frère, Thomas, condamné, lui, pour complicité de meurtre, est relaxé deux ans plus tôt. Le jour de sa libération, Ciaran est confié aux soins d’une conseillère de probation, Paula Cunningham, qui se serait bien passée de cette mission d’une nature doublement délicate.

Les Loups, Sophie Loizeau (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Jeudi, 16 Mai 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Editions José Corti

Les Loups, mars 2019, 80 pages, 16 € . Ecrivain(s): Sophie Loizeau Edition: Editions José Corti

 

L’entrée dans les bois se fait in medias res, sans la moindre lisière, sans le moindre seuil – la frontière qui se manifeste habituellement entre notre monde ordinaire (comprenez le monde humain) et un monde extraordinaire (comprenez le monde animal) n’existe pas ou nous l’avons déjà franchie. Mais si l’usage d’un geste d’invitation vers d’autres contrées nous a échappé, encore que nous ayons eu affaire à la « sainte femme » qui « jette de l’eau sur les pierres » et « impose sa voix », nous saurons assez vite ce qui nous relie à notre pleine humanité. Car assez vite, nous lisons : « la raison qui m’a conduite ici – dans les bois – est la perte / que je ressens / de moi l’usure et le chagrin / le doute » [p.11], ce à quoi succèdera un peu plus loin, presque logiquement : « mon cœur est un concentré de vie sauvage » [p.15]. Aussi, malgré nous, nous suivons Loizeau (quoi de plus naturel ?) vers les retrouvailles de cet état sauvage et primitif qui, contraire à l’idée de régression qui pourrait apparaître chez les plus mal lunés, est bel et bien une volonté de retrouver l’essentiel et le précieux, à défaut de retrouver les personnes qui ont été parmi les plus chères de notre vie.