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Critiques

Ozu-san, Jacques Sicard (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 30 Octobre 2019. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Z4 éditions

Ozu-san, septembre 2019, 107 pages, 11,50 € . Ecrivain(s): Jacques Sicard Edition: Z4 éditions

 

 

Ciné-lyrisme

Jacques Sicard intitule son essai, en partie consacré à Yasujirō Ozu (Tokyo, 1903-1963), Ozu-san san étant le plus neutre des suffixes honorifiques japonais, utilisé par exemple pour nommer les montagnes, les volcans, tel le Mont Fuji ou Fuji-san. Jacques Sicard est un critique de cinéma qui aborde les œuvres filmiques « en poète », en référence et en hommage à Pier Paolo Pasolini, par une écriture « ciné-lyrique », dont les textes se lisent comme des tableaux-poèmes, mouvants, fluctuant selon l’instant filmique. L’auteur fait arrêt sur image, décrypte la gestuelle des acteurs, le continuum des plans-séquences, les mouvements de caméra, etc., rapproche symboliquement plusieurs typologies du cinéma mondial, créant ainsi une exégèse lyrique du cinéma.

Théorie de l’émerveil, Adeline Baldacchino (par France Burghelle Rey)

Ecrit par France Burghelle Rey , le Mercredi, 30 Octobre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Théorie de l’émerveil, Adeline Baldacchino, éditions Les Hommes sans Epaules, septembre 2019, 294 pages, 20 €

 

Adeline Baldacchino, née en 1982, passionnée très jeune par la poésie contemporaine qu’elle découvre à travers Rimbaud, le surréalisme et l’Ecole de Rochefort, a fait entendre sa voix dans son livre sur la poésie de Michel Onfray et dans La Ferme des énarques où elle critique l’Ecole nationale d’administration qu’elle a intégrée en 2007. Théorie de l’émerveil a fini par naître quand elle a pris la résolution de « son intuition » en sélectionnant des textes pour la plupart inédits. L’ensemble s’étale sur treize années, de 2006 à 2019.

Ce terme d’« émerveil », récurrent dans son œuvre comme lui a signalé Alain Kewes, l’éditeur de ses deux derniers recueils, rappelle au lecteur le J’émerveille d’Apollinaire, mais c’est de Blaise Cendras qu’elle a pratiqué l’écriture et c’est lui qu’elle admire jusqu’à en écrire un ouvrage biographique. Elle y souligne qu’« il a voulu que la poésie soit dans la vie avant d’être dans ses livres. Il a fini par confondre les trois : la poésie, la vie et les livres ». Elle ajoute – et c’est essentiel pour la comprendre : « Il avait bien raison. Je ne sais pas faire autre chose ».

Des larmes sous la pluie, Rosa Montero (par Marc Ossorguine)

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mardi, 29 Octobre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Espagne, Métailié

Des larmes sous la pluie (Lágrimas en la lluvia, 2011) trad. espagnol Myriam Chirousse, 416 pages, 21 € . Ecrivain(s): Rosa Montero Edition: Métailié

 

Il existe une catégorisation des livres, ce qu’on appelle les genres littéraires, qui est bien pratique pour les bibliothèques, les libraires et les éditeurs, mais qui cloisonnent parfois nos lectures, nous organisent les lecteurs en « communautés » ou en « groupes cibles » pas forcément judicieux ni très intéressants. J’ai pu le constater : dès que l’ombre de la Science Fiction apparaît lorsque l’on essaye de présenter ce récent opus de Rosa Montero que sont Des larmes sous la pluie, certains lecteurs peuvent choisir de passer leur chemin, d’autres livres les attendant dans d’autres mondes. Un coup d’œil sur la quatrième de couverture, une moue dubitative, sceptique, et le livre est mis à l’écart, reposé sur sa table ou son présentoir. Le goût de chacun est bien sûr tout à fait légitime, mais il devient plus préjudiciable lorsqu’il risque de nous priver, a priori, de belles lectures et de réelles découvertes. Heureusement, il se trouve aussi des auteurs qui défient la classification des genres, qui la débordent au risque de dérouter leur éditeur et ses commerciaux, de perturber les revues et leurs critiques littéraires, voire de décevoir leur lectorat habituel. Rosa Montero est un de ces auteurs qui d’un roman à l’autre, d’un livre à l’autre, joue avec les genres et les conventions : SF, polar, roman historique, chroniques…

Virginia, Emmanuelle Favier (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 29 Octobre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Albin Michel

Virginia, Emmanuelle Favier, août 2019, 296 pages, 19,90 € Edition: Albin Michel

 

Emmanuelle Favier, autrice d’un premier roman, Le courage qu’il faut aux rivières, signe là un livre singulier, d’une lecture exigeante certes, mais qui aura une place dans nos bibliothèques. Ce roman, mais est-ce vraiment un roman, est une subjectivité, crédible en raison d’une écriture à laquelle on ne peut rester indifférent, et propose donc de suivre Virginia Woolf depuis sa naissance, et antérieurement, jusqu’en 1904.

Virginia Woolf est née en 1882 dans une famille qu’on dirait aujourd’hui recomposée, non pas en raison de divorces mais de veuvage. Une famille bourgeoise, de l’ère victorienne, dans ce Londres de fin de siècle, près de Hyde Park, qui vit dans un manoir sombre, dont on imagine sans peine les boiseries et une esthétique plutôt austère, c’est en tout cas ce que révèlent les descriptions d’Emmanuelle Favier. Cette austérité sera compensée par les séjours estivaux en Cornouailles, dont elle conservera des souvenirs qui accentueront le contraste des deux univers.

C’est en 1891 que Ginia, l’un de ses surnoms, devient Miss Jan, son nom d’autrice. Une première tentative d’écriture avec ce journal intitulé Hyde Park Gate News, aidée en cela par sa sœur Vanessa.

De quelle nuit, Maria Desmée (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 29 Octobre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Editions Henry

De quelle nuit, Maria Desmée, 2019, 94 pages, 8 € Edition: Editions Henry

La « comédie » humaine :

L’absence et le lointain qu’elle produit induisent une proximité. Sa sensation se répète depuis si longtemps que – si elle garde son étrangeté et demeure toujours l’expérience de la douleur – l’histoire à l’écriture de Maria Desmée qui trouve ici un « pas au-delà » de la nuit. Dans ses textes en brièvetés persévérantes, la souffrance sans disparaître vraiment change de cap grâce à l’analyse ou la poétique que l’auteure en tire en devenant ensemble non avec l’autre mais elle-même. La parole est toujours une parole échangée avec le vide, celui laissé par l’unique, sa disparition et son « occupation infinie » comme écrivit Blanchot. Mais peu à peu le fini fait retour, comme le dedans face au dehors. Bref la présence de l’absence libère. A l’avoir chéri si longtemps, à travers ses échos l’éloignement suit son cours. C’est peu, aurait pensé Maria, puisque si longtemps elle se serait contentée de moins. Mais si un amour espéré proche ne répondra plus jamais, la vie oppose l’écart de son écart. Et si le ton reste grave, dans ce chant en ses cassures la créatrice et recréatrice d’elle-même sort de son cercle vicié. L’existence ne tourne plus sur elle-même, elle s’étend. Preuve que vivre n’est pas survivre mais sur-vivre à ce qui était jusque-là un mouvement de suppléance. Parler revient à clouer le bec à qui s’est tu et retiré et qui dans son silence ne cessait d’appeler.