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Critiques

Des Mondes lettrés aux Lieux de savoir, Christian Jacob (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 28 Octobre 2019. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Les Belles Lettres

Des Mondes lettrés aux Lieux de savoir, Christian Jacob, 2018, 464 pages, 35 € Edition: Les Belles Lettres

 

Des Mondes lettrés aux Lieux de savoir appartient à une catégorie d’ouvrages plus répandue, semble-t-il, dans le monde anglo-saxon qu’en France : le recueil de travaux publié par un savant, coup d’œil rétrospectif jeté à une carrière, dont on peut ainsi (ou non) apprécier la cohérence, les palinodies, les repentirs.

Personne ne trouve extraordinaire de pouvoir lire, dans une savante édition critique du texte original ou dans une simple traduction en livre de poche, les dialogues de Platon, le poème de Lucrèce, les tragédies de Sophocle. Ces œuvres nous enchantent et en ont inspiré bien d’autres. Mais nous oublions que nous n’en disposons que grâce à un improbable concours de circonstances. Derrière chaque page ancienne que nous pouvons lire, il y a le double miracle de sa conservation et de sa transmission. De même que le nombre des êtres humains morts dépasse de loin celui des vivants, la quantité d’œuvres perdues sans retour dépasse celle des œuvres que nous avons conservées. Et même si cela semble difficile à croire, il est tout à fait possible (bien qu’indémontrable) qu’en qualité, ces œuvres disparues aient été supérieures à celles qui nous sont parvenues.

Aile, la messagère, Michel Cosem (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 28 Octobre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Unicité

Aile, la messagère, avril 2018, 148 pages, 15 € . Ecrivain(s): Michel Cosem Edition: Unicité

 

Aile, la messagère – qui est-elle ? Sans doute celle qui porte et qui cimente l’esprit de Michel Cosem dans un ouvrage ciselé, où le mot poétique est systématiquement associé à un lieu. D’une certaine façon, l’élément « lieu » est le personnage principal de ce livre, invoquant en nous un déplacement continu et imperceptible. Outre la France et ses régions, l’Espagne et l’Egypte font partie des étapes du voyage. Et nous ne sommes pas autrement conviés qu’à un voyage de l’âme qui, hors de tout cheminement analytique, se laisse envahir ou est envahie malgré elle par les éléments naturels (végétaux, minéraux, animaux) et leurs images surréelles – de celles, bien sûr, qui viennent d’au-delà de nos perceptions ordinaires. Les êtres humains et leurs habitudes ne semblent être présents que dans une toile de fond, tel le passage d’un décor mouvant. C’est finalement quand l’âme se penche vers la nature, sans intention, gratuitement, qu’elle se révèle plus pleinement.

Le goût de la Méditerranée, collectif (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 28 Octobre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Mercure de France, Anthologie

Le goût de la Méditerranée, présenté par Jacques Barozzi, juin 2019, 112 pages, 8 € Edition: Mercure de France

 

Qui ne s’est nourri de la culture née des bords de la Méditerranée ? D’Homère à Elena Ferrante, en passant par Paul Morand, Daniel Rondeau, tant d’autres, Barozzi nous invite à refaire ces voyages incessants d’un bord l’autre, d’une rive l’autre, d’une langue l’autre. Sans elle, que serions-nous, Européens ?

Dans une préface qui place les enjeux très haut, l’auteur dit ces « racines mémorielles », son « rayonnement culturel », nous plongeant dans les ressorts d’un passé si fécond qu’il ne peut manquer de rejaillir sans cesse, puisqu’y est né l’art de « conter » des plus grands. Le bleu des flots, le bain des langues, le commerce, les relations, les voyages ont fait le reste.

Le spécialiste de cette zone magique de civilisation, Fernand Braudel, en étudie « l’espace et l’histoire » : pour lui, la Méditerranée est « un très vieux carrefour », source de nombreux « étonnements » avec les fruits de ses bords et de ses climats.

Je suis Camille, Jean-Loup Felicioli (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 25 Octobre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Jeunesse, Syros

Je suis Camille, Jean-Loup Felicioli, octobre 2019, 80 pages, 19,90 € Edition: Syros

 

Différent(e)

Jean-Loup Felicioli signe un album-jeunesse cartonné, luxueux, où la couverture et les doubles-pages renvoient à la saison automnale. C’est donc la rentrée pour une petite-fille de dix ans, Camille, aussi bien dans une nouvelle école que dans un nouveau pays. Les illustrations sont splendides, formant de véritables tableaux, dans lesquels les détails, les couleurs, sont apposés de façon complexe. Les yeux, les expressions des visages sont traités un peu à la manière des codes visuels des mangas, simplifiés comme sur certains logiciels de composition graphique.

La question du « genre » occupe le récit dès le début. La plupart des enfants du monde contemporain ont intégré au quotidien les outils de communication, la mode, une certaine forme de liberté d’expression, ont établi une relation de confiance avec leurs parents. Ce qui est le cas pour Camille, l’héroïne, qui vient d’un milieu plutôt nanti économiquement, intellectuellement évolué, et occidental. A fortiori, l’école se doit d’accueillir sans discrimination les enfants de toute couleur et de toute condition dans des classes mixtes.

L’imitation de Bartleby, Julien Battesti (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 24 Octobre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

L’imitation de Bartleby, Julien Battesti, octobre 2019, 128 pages, 12 € Edition: Gallimard

 

« Comment ne pas voir que chaque ouvrage théologique était un exemplaire de ce grand “livre sur rien” que les écrivains les plus ambitieux convoitaient ? Je n’ai jamais jugé utile de dire à mes professeurs que j’envisageais la théologie comme un genre littéraire car de la littérature, encore aujourd’hui, je n’attends pas moins que la résurrection et la vie éternelle ».

L’Imitation de Bartleby possède le pouvoir romanesque de faire se lever les morts du néant où on les a abandonnés. De faire entendre des voix, celle de Bartleby, le scribe de Melville, I would prefer not to, qui irrigue toujours les admirateurs de l’éblouissant aventurier de Manhattan et des îles du Pacifique. I would prefer not to, qui peut vouloir dire Je préférerais ne pas, Jean-Yves Lacroix, ou encore Je préférerais n’en rien faire, mais aussi J’aimerais mieux pas, sous le regard cette fois de Michèle Causse, l’autre voix que fait entendre Julien Battesti, l’écrivain inspiré. Une voix et un visage accompagnent ce roman, gracieusement composé. L’imitation de Bartleby est un roman visité, habité par Melville et Michèle Causse.