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Roman

Ce matin-là, Gaëlle Josse (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Lundi, 12 Avril 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Noir sur Blanc

Ce matin-là, Gaëlle Josse, janvier 2021, 224 pages, 17 € Edition: Editions Noir sur Blanc

 

Un matin, Clara ne peut plus, n’en peut mais. À l’instar de sa voiture qui ne démarre pas et dont la panne agit comme un révélateur de son état, ou un catalyseur de sa chute, elle s’écroule. Pourquoi ce matin-là et pas un autre, le précédent ou le suivant, on l’ignore, et là n’est pas la question. Ça arrive.

S’ensuivent un jour sans travail, une consultation chez le médecin, un arrêt de travail prolongé, un séjour chez sa meilleure amie, la recherche de quelqu’un à aller voir, quelques signes çà et là, comme autant de phares falots mais têtus le long d’une côte lointaine à rejoindre – une femme allumant un cierge dans une église, et priant, un étal de tulipes, le titre d’un roman… Jusqu’à ce que, comme dans les livres de développement personnel mais aussi dans la vraie vie, ce burn-out devienne une chance et une renaissance.

Josée Meunier, 19, rue des Juifs, Michèle Audin (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 09 Avril 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Josée Meunier, 19, rue des Juifs, mars 2021, 194 pages, 17 € . Ecrivain(s): Michèle Audin

 

Dans l’un de ses précédents romans, Comme une rivière bleue, Michèle Audin avait décrit la Commune de Paris à partir des quartiers de Paris où celle-ci avait connu les activités et faits les plus marquants et significatifs ; elle avait restitué l’histoire à hauteur des destinées individuelles, obscures, celles des sans-grades.

Dans Josée Meunier, 19 rue des Juifs, l’auteure reprend ce mode de récit en le circonscrivant à un immeuble, celui du 19 rue des Juifs, situé dans le quatrième arrondissement de Paris. Elle prend pour point de départ une perquisition menée par un certain Victor Berlioz, commissaire de police de son état : il ressort quelque peu bredouille de sa descente de police, il n’a pu, en effet, cueillir des suspects et n’a recensé qu’une concierge, Madeleine, un coiffeur, Mlle Georgette, couturière, Madame Dubois, une ouvrière en cartonnages.

Pourtant, l’immeuble du 19 rue des Juifs fut le lieu d’où s’échappèrent Josée Meunier et d’autres membres de sa famille pour rejoindre en exil à Londres Albert Theisz, bronzier et ardent partisan de La Commune.

Le Train des enfants, Viola Ardone (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 08 Avril 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Albin Michel, Italie

Le Train des enfants (Il Treno dei bambini, 2019), Viola Ardone, janvier 2021, trad. italien, Laura Brignon, 292 pages, 19,90 € Edition: Albin Michel

 

Les pieds dans des chaussures. L’odeur et la forme. L’empreinte. À hauteur d’enfant. Parce que les enfants voient d’abord les pieds des adultes. Amerigo Speranza a sept, presque huit ans. Une vie en cinquante-trois chapitres. Du Sud au Nord de l’Italie. Père inconnu. La mère, Antonietta, elle est belle. Une voix de contrebasse. Belle parce que les enfants entendent ce que disent les hommes d’elle. Et le père est parti, ou reparti en Amérique, une fois la seconde guerre mondiale terminée. Terminée. Ça, c’est l’histoire qu’elle raconte à Amerigo.

« Les femmes, elles, marchent sans honte et traînent deux, trois, quatre enfants par la main. Moi je suis fils unique, vu qu’avec mon frère Luigi on n’a pas eu le temps de se connaître. On n’a pas eu le temps avec mon père non plus, je suis né en retard sur tout le monde ».

Punto Basta, Lionel Froissart (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mercredi, 07 Avril 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Héloïse D'Ormesson

Punto Basta, Lionel Froissart, janvier 2021, 192 pages, 17 € Edition: Héloïse D'Ormesson

 

Comme elle le fait presque chaque semaine, Jocelyne, employée au service des cartes grises à la préfecture de police, exécute un tour de Paris au volant de sa Fiat Uno blanche, qu’elle a baptisée Paulette. Elle s’offre les « beaux quartiers », seule, ou presque, puisque que son gros chien en peluche Mike (en souvenir de Mike Brant, un verseau comme elle) est installé sur le siège-arrière. Elle passe par le XVIe arrondissement, roule non loin de la Tour Eiffel, prend les voies sur berges avec attention et décontraction. C’est son plaisir, un petit luxe qu’elle s’accorde, elle qui ne part pas en week-end mais rentre ensuite sagement à son domicile de Bobigny2. Jocelyne est heureuse. Sa voiture va bientôt être avalée par le grand tunnel du Pont de l’Alma, elle entend des moteurs de Piaggio qui la dépassent puis, tout à coup, un choc du côté arrière gauche la déstabilise, et tandis qu’elle essaie, les mains crispées sur son volant, de maintenir la trajectoire de son véhicule, elle aperçoit furtivement dans son rétroviseur une grosse Mercedes s’encastrer dans un pilier avec un fracas d’enfer. Choquée, les mains moites, elle sort du tunnel tout en s’appliquant à garder sa droite. Il y a encore relativement peu de véhicules, nous sommes le samedi 30 août 1997. Elle rejoint avec moult précautions Bobigny.

Constellations, Éclats de vie, Sinéad Gleeson (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mardi, 06 Avril 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, La Table Ronde

Constellations, Éclats de vie, Sinéad Gleeson, La Table Ronde, février 2021, trad. anglais, Cécile Arnaud, 304 pages, 22 € Edition: La Table Ronde

Constellations est l’épopée d’un corps, d’un corps souffrant et bataillant contre mille maux sans désarmer jamais, quoiqu’il soit souvent défait – mais toujours provisoirement. Monoarthrite et hanche en titane et en porcelaine, opérations multiples, césariennes, leucémie, kystes… Que le sous-titre soit Éclats de vie en dit long, même s’il est équivoque et suggère aussi que la vie vole en éclats, sur l’esprit, la vitalité et le courage de l’auteure – on songerait plutôt, à ne considérer que l’inventaire de ces maux, à éclats de mort.

Car Sinéad Gleeson ne nous en épargne aucun, ce qui fait de Constellations un livre âpre, dur et lourd – d’une lourdeur qui n’accable pourtant pas : quels que soient la précision de ses propos, les détails qu’elle livre et l’intensité des souffrances qu’elle exprime sans les atténuer, elle ne geint ni ne se plaint. Il semble plutôt qu’elle prenne acte de toutes les mésaventures qui arrivent à son corps, qu’elle en rende compte comme autant d’expériences, avec un mélange de distance et de proximité : elle raconte au plus proche de son corps, au plus serré de ses pores, de l’intérieur, mais avec une distance d’observatrice d’elle-même, de ses souffrances et de ses réactions.