Identification

Roman

Histoires de la nuit, Laurent Mauvignier (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 19 Mars 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Les éditions de Minuit

Histoires de la nuit, septembre 2020, 640 pages, 24 € . Ecrivain(s): Laurent Mauvignier Edition: Les éditions de Minuit

 

L’auteur de Des hommes, et Dans la foule, né en 1967, pensionnaire à la Villa Médicis, a déjà derrière lui une œuvre singulière, reconnue. Son dernier livre, un roman, constitue un premier point d’aboutissement d’une littérature exigeante, à la prose lente, réfléchie, très descriptive.

L’histoire se déroule, en une seule journée, au centre de la France dans un bled, La Bassée. Y vivent les quatre personnages de l’intrigue : la peintre parisienne Christine venue là se réfugier ; un couple, Patrice et Marion, et leur petite fille de dix ans, Ida.

On prépare la fête des « quarante ans » de Marion. Tout le monde s’affaire : Patrice, parti en ville, chercher de quoi se sustenter ; Christine, de son côté, a prévu les gâteaux de la fête. Ida aidera les deux pour que tout soit réussi.

Banal, me direz-vous, sauf que l’intrusion d’individus louches dans le hameau enclenche chez le lecteur et les personnages une histoire « de nuit », vraiment infernale.

La soirée, bien préparée, avait ses horaires, ses surprises.

Suite en do mineur, Jean Mattern (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Mercredi, 17 Mars 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Sabine Wespieser

Suite en do mineur, Jean Mattern, mars 2021, 161 pages, 17 € Edition: Sabine Wespieser

 

Comment faire face à la douleur d’une rupture, comment amortir le choc d’une perte ? C’est à ce questionnement qu’est consacré le roman de Jean Mattern, Suite en do mineur.

Robert Stobetzky est un homme d’âge mur, qui participe à un voyage organisé en Israël, par l’entremise de son neveu Emile qui l’a poussé à l’accomplissement de ce déplacement. Prisant très moyennement les circuits organisés, Robert, juif non pratiquant, dont les parents originaires d’un shtetl ukrainien ont miraculeusement échappé à la déportation en se cachant dans la campagne française, s’isole rapidement du groupe. Il arpente la Via Dolorosa dans la vieille ville de Jérusalem et croit y reconnaître Madeleine, une femme qui l’a aimé et déniaisé il y a trente ans à Paris en 1969.

Cette vision d’un autre temps devient alors le prétexte pour démêler les fils de la mémoire, ses mécanismes, ses lois parfois. Ainsi, le narrateur revisite-t-il la notion de deuil et parvient à la circonscrire et la définir :

L’Ancêtre, Juan José Saer (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 16 Mars 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Le Tripode

L’Ancêtre (El entenado), Juan José Saer, trad. espagnol (Argentine) Laure Bataillon, 173 pages, 10 € Edition: Le Tripode

 

Un roman de voyage sur les conquistadores du XVIème siècle ? Un reportage anthropologique sur les premières tribus indiennes découvertes ? Ce pourrait être ça, mais voilà, ça ne l’est pas du tout. Juan José Saer propose dans la plongée du héros-narrateur – le mousse du navire-amiral de trois galions en quête de la route des Indes – dans une tribu d’Indiens quelque part vers le Rio de la Plata, une véritable expédition archéologique dans l’histoire de l’être humain, une expédition qui, très au-delà de la géographie ou de l’anthropologie, nous entraîne dans un tourbillon vertigineux jusqu’au cœur de l’absence d’être qui scelle l’humaine condition.

Tout le début du roman évoque Moby Dick. Ce jeune mousse qui parcourt les ports pour trouver à embarquer, assoiffé de large et d’aventure, est le frère littéraire d’Ismaël et, comme lui, il va connaître la rencontre avec l’inconnu absolu. Comme lui, il va connaître l’effroi et la révélation. Comme lui, il est le narrateur.

Le camp des enfants (Un roman basé sur l’histoire vraie du terrible bloc 31), Otto B. Kraus (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Mardi, 16 Mars 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Histoire

Le camp des enfants (Un roman basé sur l’histoire vraie du terrible bloc 31), Otto B. Kraus, Éditions City, janvier 2021, trad. anglais (Royaume-Uni) Fanny Montas, 304 pages, 20 €

 

Le narrateur, ayant poursuivi sa vie après être passé par Auschwitz, le camp de concentration, et y avoir survécu, n’envisageait en rien d’y retourner. Une rencontre et l’évocation d’un journal d’Alex Ehren, tué quelques jours avant la libération du camp, vont réactiver ses souvenirs 23 ans plus tard :

« L’Holocauste n’a pas été un seul événement qui a tué six millions de personnes : il y a eu six millions d’holocaustes différents, chacun a souffert individuellement, les peurs et les cicatrices sont toutes uniques /…/ Alex Ehren était arrivé au camp de familles de Birkenau en décembre 1943 ».

Dita Kraus introduit ce livre relatant le vécu de feu son mari Otto Kraus qui fut enseignant pour enfants dans le camp et n’eut pas l’occasion de voir son livre paraître.

Les faits et les rumeurs sont hélas bien réels : « Beran, qui aimait les mathématiques et s’exprimait toujours de façon rationnelle, s’est retourné sur sa paillasse.

Douze palais de mémoire, Anna Moï (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 12 Mars 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Douze palais de mémoire, février 2021, 204 pages, 19 € . Ecrivain(s): Anna Moï Edition: Gallimard

 

La mémoire, nous dit-on fréquemment, est essentielle pour la transmission, la cohésion d’une communauté, le maintien de valeurs morales indispensables au bon fonctionnement d’une société équilibrée. Dans les pays de tradition bouddhiste, où le culte des ancêtres joue un rôle dans la mémoire de chacun, les mécanismes de la mémoire peuvent faire appel à d’étranges associations.

Anna Moï a beaucoup traité dans ses précédents romans le thème de l’exil des Vietnamiens, comme par exemple Nostalgie de la rizière. Dans Douze palais de mémoire, Anna Moï décrit la fuite, à bord d’une embarcation de fortune, d’un groupe de Boat People, ces réfugiés qui ont décidé de quitter le Vietnam après la victoire des communistes et la chute de Saïgon en avril 1975. L’auteure s’attache plus particulièrement à Khanh, et à sa fille Tiên, âgée de six ans. Khanh, dont le père a exercé les talents d’astrologue, a reçu de ce dernier les grandes lignes directrices de son thème astral : la configuration de ses douze palais, le palais désignant un domaine précis, « Finances, Immobilier, Carrière, Amis, Parents, Voyages, Destinée, Santé, Fratrie, Mariage, Enfants, Mathématiques ».