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Roman

Les Malaquias, Andréa Del Fuego

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 26 Novembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise

Les Malaquias, Éditions de l’Aube, octobre 2015, trad. Portugais (Brésil) Cécile Lombard, 218 pages, 17,90 € . Ecrivain(s): Andréa Del Fuego

 

Entre deux passages de foudre, des montagnes d’outre-tombe et des vallées ennoyées, c’est l’histoire d’une famille, de ce qu’il en reste du moins : les Malaquias. Enfin, quand on dit « histoire », ne nous attendons pas au récit sage et ordonné d’une saga bien occidentale. On est au Brésil, en un temps déjà ancien. Alors, bien sûr, foin des chronologies et autres logiques obéissant au tangible ; ici, figurez-vous, et à égalité, morts et vivants se confondent. Ici on entre dans un univers au minimum magique. Pour son premier roman, Andréa Del Fuego décoiffe et charme au sens fort du terme.

Un coin perdu dans « la Serra Morena », la « montagne impraticable » du Brésil. Une nuit, un orage comme on en imagine là-bas. « Le cœur du couple en était à la systole, le moment où l’aorte se referme. La voie étant contractée, la décharge ne put la traverser pour rejoindre la terre. Au passage de l’éclair, le père et la mère inspirèrent, le muscle cardiaque reçut la secousse sans pouvoir l’évacuer. La foudre chauffa le sang à des températures solaires et entreprit de brûler tout l’arbre circulatoire. L’incendie interne obligea le cœur, ce cheval qui galope tout seul, à terminer sa course en Donana et Adolfo ».

Pars, le vent se lève, Han Kang

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 26 Novembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Decrescenzo Editeurs

Pars, le vent se lève, mars 2015, traduit du coréen par Lee Tae Yeon et Geneviève Roux-Faucard (바람이 분다, 가라, Chaesikju-uija, 2010), 356 pages, 21 € . Ecrivain(s): Han Kang Edition: Decrescenzo Editeurs

 

Les lecteurs les plus attentifs ont peut-être déjà lu cette auteure coréenne que les éditions Decrescenzo nous font découvrir, son roman le plus connu hors de Corée, La Végétarienne, ayant fait l’objet d’une publication par Le serpent à plumes et une nouvelle intitulée Les Chiens au soleil couchant avait été également publiée dans une anthologie il y a quelques années chez Zulma (Cocktail Sugar et autres nouvelles de Corée, 2011). Une petite recherche nous apprend que Han Kang est également musicienne et que depuis sa première œuvre publiée en 1994, à 25 ans, une quinzaine de ses œuvres ont été éditées dont plusieurs récompensées par divers prix littéraires coréens, trois ont été adaptées au cinéma.

Pars, le vent se lève nous plonge dans une quête qui est aussi enquête sur les pas de Jeong-hee, une jeune femme qui veut comprendre pourquoi son amie d’enfance, artiste exigeante et recluse, s’est suicidée. Ou plutôt qui se serait suicidée. Jeong-hee ne croit en effet pas au suicide de Seo In-ju. Replongeant dans leur enfance commune, elle remonte le fil de leurs vies chaotiques, où se sont enchaînées les brisures et les blessures, poursuivant de sa volonté de comprendre et de démentir les autres acteurs et témoins de la vie d’In-ju.

Vingt-quatre heures pour convaincre une femme, Philippe Lacoche

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 26 Novembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Vingt-quatre heures pour convaincre une femme, éd. Ecriture, août 2015, 200 pages, 19,95 € . Ecrivain(s): Philippe Lacoche

 

Autochtones, résidents ou simples touristes de Picardie se retrouveront avec plaisir dans ce nouveau roman du journaliste écrivain et parolier Philippe Lacoche, mettant en scène en vingt-quatre heures l’histoire de Géraldine, chanteuse trentenaire dite Géa – « jolie et haute » comme la cathédrale d’Amiens – et de Pierre, modeste journaliste quinquagénaire, son compagnon de pacs apprenant, un 20 décembre 2011, que sa délicieuse créature va le quitter… Mais tous les lecteurs et lectrices en fait, qu’ils soient de Picardie ou d’ailleurs vont s’y retrouver, tant ce roman se déguste avec bonheur, comme la vie se prend, comme un bon cru. Un bon cru ici du romancier, auteur déjà de plus d’une vingtaine de publications ; un bon millésime ; un bon repas ; comme les petits bonheurs éclatants ou fragiles qui traversent l’existence…

L’intrigue de ce roman débute le mardi 20 décembre, pour se terminer vingt-quatre heures plus tard, le mercredi 21 décembre 2011, à dix-sept heures exactement. Vingt-quatre chapitres d’une heure chacun déclinant l’histoire d’un amour en perte de vitesse, défendu par le protagoniste masculin qui tente à tout prix de reconquérir sa pacsée. C’est écrire la mécanique du cœur et le rythme de ce roman, déroulé comme une course contre la montre pour sauver un amour en rade.

La fiancée de Bruno Schulz, Agata Tuszynska

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Mardi, 24 Novembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, Grasset

La fiancée de Bruno Schulz, septembre 2015, trad. polonais Isabelle Jannès-Kalinowski, 400 pages . Ecrivain(s): Agata Tuszynska Edition: Grasset

« J’étais convaincue que le monde était composé de mots. J’étais prête à me donner corps et âme à cette vision. Et à Bruno, car c’était lui qui m’avait ouvert les yeux ».

Józefina Szeliska, dite Juna, juive convertie au catholicisme, est lumineuse à 28 ans quand elle rencontre pour la première fois Bruno Schulz. Il en a 13 de plus qu’elle. Elle est professeur de lettres polonaises, diplômée de l’université de Lwów, traductrice, curieuse et dans la pleine possession d’une force irrésistible, sa jeunesse. Belle comme une Antilope en bronze, elle deviendra entre 1933 et 1937 sa fiancée, sa muse… Bruno quant à lui, est un artiste tourmenté, comme le feu et la cendre, peintre, dessinateur, il pouvait être timide et débauché à la fois. Ils partageaient tous deux leur intérêt pour les œuvres de Rainer Maria Rilke, Thomas Mann et Kafka dont ils traduisirent Le Procès pour la maison d’édition Rój, lui s’occupant de la teneur stylistique, elle de la traduction. Mais Juna aimait les arbres, la pluie, le vent et de longues promenades dans Drohobycz, située en Pologne, ville provinciale de Galicie orientale et aujourd’hui en Ukraine. Bruno préférait voir la nature par le prisme de lectures, de tableaux, comme la résolution d’énigmes métaphysiques, une survie comme un principe essentiel. Prolongement de l’art, comme une promesse, un salut à cette vie trop sombre, d’un homme trop sensible à la vérité, en dehors d’une notoriété superficielle. Il n’avait pas l’âme d’un voyageur, ni celui d’un mari, seul le masque de l’artiste rongé par l’inquiétude semblait l’accompagner tout au long de sa vie…

Encore, Hakan Günday

Ecrit par Mélanie Talcott , le Mardi, 24 Novembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Galaade éditions

Encore, août 2015, trad. turc Jean Destat, 384 pages, 24 € . Ecrivain(s): Hakan Günday Edition: Galaade éditions


« La pire chose est quand le crime devient normal, quand tu ne perçois plus chaque meurtre

comme le premier commis au monde. Ça veut dire que tu es habitué, c’est une maladie,

mais qui te permet de continuer à vivre ».

Hakan Günday, Encore

 

Les migrants sont des proies. Spoliés de leur vie, expulsés aux frontières, mal accueillis par des pays inhospitaliers qui se réclament pourtant orgueilleusement des Droits de l’Homme. Depuis nos fauteuils confortables, on imagine leur voyage halluciné. Le froid, la pluie, la boue, la faim, la peur la solitude et la mort qui les nargue en faisant danser ses falots. Hakan Günday, écrivain turc au style percutant, nous emmène sur d’autres chemins, plus rudes encore, ceux où œuvrent les passeurs, les négriers de notre modernité. Près de la mer Egée, passer les « têtes » est une histoire de famille et de corruption, un « boulot et une façon de lutter pour vivre ». Rackets, viols, chantages, arnaques. Le business de la détresse.